Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Jean-Claude Pirotte, "Ajoie"
Jean-Claude Pirotte possède plusieurs cordes à son arc ou plutôt à sa lyre. Il est peintre, auteur de romans, de poèmes, de chroniques, ne dédaignant pas des horizons d'écriture fort différents comme le récit, le conte ou l'essai. Si les éditions Le temps qu'il fait et La table ronde se partagent une grande partie de son œuvre, encore faut-il y ajouter d'autres noms emblématiques : Le Castor Astral, Le Taillis Pré, Stock, L'Escampette, Le Cherche Midi etc. Cette reconnaissance éditoriale s'accompagne de prix prestigieux couronnant autant la prose que la poésie (Apollinaire, Kowalski, des Deux Magots, Valery Larbaud, Marguerite Duras).
Cet éclairage légitime et nécessaire produit pourtant un effet curieux, contredit et heurte un travail patient qui se méfie de l'or. Etrange ironie que de saluer une œuvre dont la volonté serait d'être simplement là comme un verre ou un oiseau, une couleur qui se métamorphoserait dans le paysage. L'évidence n'a pas besoin d'effets, elle se nourrit d'un regard simple, du merveilleux et donc du peu. Lors d'un colloque qui lui était consacré, intitulé Le vin des rêves, Jean-Claude Pirotte nous signalait ceci : "L'essentiel, en effet qu'est-ce c'est que ça ? le banal, l'anodin, la déroute quotidienne, voilà l'essentiel." Ces quelques mots nous mettent à hauteur des êtres et des choses. Ils ouvrent le monde à une humanité familière, à la fois âpre et modeste. Le recueil Ajoie ne nie en rien cette rigueur légère. Elle équilibre le regard et la voix, s'amuse de sa gravité et donne toutes les chances de la pesanteur à tout ce qui voudrait s'évanouir. D'abord, se débarrasser d'une confusion polysémique qui émane du titre. : "le pays de l'Ajoie Il s'agit d'un lieu bien précis, le plateau de l'Ajoie situé entre Boncourt et Porrentruy dans le Jura suisse, de la Vendline – rivière qui donne son nom à la vallée – et du mont Terri. Constat d'un paysage physique mais qui se double aussi d'une présence singulière, aussi prégnante que fantomatique puisqu'en ce même endroit a résidé en des temps éloignés un ermite connu sous le nom de Fromond. Personnage réel ou imaginaire ? Suffisant en tous cas, pour qu'il hante la mémoire des habitants. "Les saints les plus passionnants sont ceux dont l'existence n'est attestée que par la tradition populaire. C'est le cas de Saint Fromond, dont on célèbre le culte – non reconnu par l'Eglise mais constant depuis des siècles." "on partage le secret "mais en juin ce fut un calvaire l'orage grondait au-dedans Le poème continue, se déleste momentanément de sa gravité. Quelque chose paraît se renverser, s'infléchir, nous murmurant que la pudeur a pouvoir de dénouer le malheur. "la mort en moi saisit le vif Sans doute, sommes-nous proches d'un Villon lorsqu'il s'exclamait : Les vers de Jean-Claude Pirotte s'éjouissent, n'oublient pas leur surprenante joie, cette façon de surgir et de mettre le monde en récréation.
Christian Viguié
(10/03/12) |
sommaire Poésie La Table Ronde 112 pages - 14 €
Bio-bibliographie de Jean-Claude Pirotte sur Wikipédia Découvrir sur notre site d'autres livres du même auteur : Absent de Bagdad Place des Savanes |
||||