Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Le Tintoret en majesté aux écuries du Quirinal

 

Par Richard Heuzé Mis à jour le 09/04/2012 à 14:07 | publié le 08/04/2012 à 17:32
<i>Saint-Marc libère l'esclave de la torture</i>, du Tintoret. (Venise, Gallerie de l'Académie ).
Saint-Marc libère l'esclave de la torture, du Tintoret. (Venise, Gallerie de l'Académie ). Crédits photo : Saint-Marc libère l'esclave de la torture (1548) - Venise, Gallerie de l'Académie
  • Soixante œuvres rendent hommage à Rome au peintre vénitien du XVIe siècle.

Comme une tornade, saint Marc tombe des cieux, sa cape orange claquant au vent, irradié par un halo de lumière divine. À terre gît l'esclave au corps nu et blanchâtre qu'il vient de libérer. Les instruments de torture brisés par l'intervention providentielle du saint jonchent le sol. Le contraste des couleurs, les mouvements désordonnés de la foule, les drapés qui s'envolent, le réalisme des scènes, les lignes de fuite qui se chevauchent accentuent le caractère dramatique et théâtral de la composition. Dès son entrée dans cette magistrale rétrospective que les Écuries du Quirinal consacrent au Tintoret, le visiteur ressent un véritable choc chromatique.

Soixante toiles rendent hommage à ce peintre vénitien du XVIe, rival du ­Titien et de Véronèse. Son contemporain ­Giorgio Vasari voyait en lui «le cerveau le plus terrible que la peinture ait jamais eu».

Un surprenant innovateur

De son père teinturier (d'où son surnom de Tintoretto, «le petit tein­turier»), Jacopo Robusti (1519-1594) a hérité d'une passion pour la couleur. Il n'avait pas son pareil pour mettre en scène le tourment, l'exaltation religieuse, l'exaspération chromatique et la lumière qui transfigurent les pénombres. Les corps sont robustes et charpentés, les poses sculpturales, les mouvements de foule rotatoires, les compositions violentes, savamment structurées, les effets de scène dramatiques. Le critique d'art Vittorio Sgarbi, auteur d'un splendide catalogue, voit en lui un «précurseur du cinéma et de la télévision» et un «surprenant innovateur». «Il a libéré la peinture vénitienne du lourd héritage d'un Titien», écrit-il.

 

<i>Suzanne et les vieillards</i> (Kunsthistorisches de Vienne).
Suzanne et les vieillards (Kunsthistorisches de Vienne). Crédits photo : Suzanne et les vieillards (1556) - Vienne, Kunsthistorisches Museum

 

Ses œuvres en font un peintre majeur de l'art religieux et un témoin attentif du concile de Trente. C'est le cas de ses deux représentations de la Cène, d'une rare expressivité. D'une douloureuse Déposition, d'une Annonciation parmi les plus belles de l'histoire de l'art, d'une Adoration des Magestrès réaliste avec un rayon de lumière qui exalte le corps de l'Enfant. Ou encore d'un Paradis peuplé de saints rangés en trois cercles concentriques d'une légèreté aérienne, d'un ­Jésus au Temple au milieu de docteurs de la foi dont le mouvement désordonné des capes traduit l'effarement devant l'étendue de ses connaissances. Et d'uneSuzanne et les vieillardsdont la nudité pulpeuse incarne la virginité de l'Église devant la tentation charnelle.

Abondent aussi les thèmes mythologiques et profanes: Saint Georges terrassant le dragon, le coquin Vulcain soulevant les voiles de Vénus, l'incontournable Danaë, Apollon et Daphnésurpris en contre-plongée. Ses portraits de seigneurs et de bourgeois, exécutés à la chaîne pour honorer des commandes, sont plus conventionnels. Une exception: un autoportrait datant de 1589. Cinq ans avant sa mort, il se peint sous les traits d'un vieil homme soucieux, le front raviné par les rides, terrassé de douleur par la perte de sa fille Marietta.

L'exposition réserve aussi une salle à ses contemporains: Titien, Véronèse, Parmigiano, le Hollandais Sustris. Cette rétrospective incitera le visiteur qui ne l'aurait pas déjà fait à se rendre à Venise pour admirer le cycle du Tintoret à l'École de saint Saint-Roch (Scuola di San Rocco) avec ses œuvres immenses, mais intransportables.

Aux Écuries du Quirinal, à Rome,  jusqu'au 10 juin. www.scuderiequirinale.it

LIRE AUSSI:

» "Titien, Tintoret et Véronèse", l'exposition du Louvre en 2009 

Les commentaires sont fermés.