Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Léautaud au lit
Créé le 17-04-2012 à 14h56 - Mis à jour le 18-04-2012 à 15h24 Réagir
SON JOURNAL INEDIT. En marge du «Journal littéraire», Paul Léautaud écrivit un «Journal particulier» sur sa vie sexuelle. Celui de 1935 n'avait jamais paru. Extraits exclusifs.
est beaucoup question de Perret dans ce Journal inédit de Léautaud. Pas Pierre, non, Auguste Perret. Cet architecte avait en effet été l'amant de Marie Dormoy dans le lit de laquelle Paul Léautaud lui avait succédé. Ce qui ne l'empêchait pas d'accuser sans cesse sa maîtresse de voir encore Perret.
S'il était si jaloux, si soupçonneux, parfois si acrimonieux, c'est qu'il souffrait de ne pas être suffisamment désiré. A 63 ans, l'écrivain d'«Amours», qui sortait d'une aventure tempétueuse avec Anne Cayssac, alias «le Fléau», avait grand besoin de sexe. Marie Dormoy, de quatorze ans sa cadette, était moins lascive, plus fatigable, sans cesse «indisposée», abonnée aux cures thermales, et elle jugeait trop pressantes les demandes de Léautaud, trop violents ses assauts, trop fortes ses odeurs de fauve.
Ils s'étaient rencontrés en 1933, dans le hall du Mercure de France, où travaillait l'auteur du monumental «Journal littéraire», dont la bibliothécaire de Sainte-Geneviève allait devenir la dactylographe appliquée. Très vite, elle coucha avec celui qui couchait sa vie sur ses carnets quotidiens et trouvait plaisant de ranimer le désir en mettant des mots sur la chose.
«Polissonneries»
Dans une étonnante mise en abyme, elle était donc chargée de mettre au propre les «polissonneries» dont elle était à la fois l'actrice et la spectatrice. Mais quand commença de paraître, en 1954, le «Journal littéraire», tout ce qui relevait des relations érotiques de l'auteur fut retiré pour former, en marge, un «Journal particulier», comme on dit un cabinet particulier. L'année 1933 de ce second Journal parut en 1986. Et voici, totalement inédit, celui de 1935.
On entre dans l'intimité théâtrale d'un couple moliéresque, lui, Alceste acariâtre et goujat, elle, précieuse alanguie et mondaine. Fidèle à sa légende, Paul Léautaud est édenté - dans ses Mémoires, Marie dit s'être résignée à donner «un baiser au lépreux» -, mal rasé, négligé, mal lavé, pestilentiel (dès le 4 janvier, elle lui offre un facon d'eau de Cologne), râleur et «priapique».
Qu'importe s'il trouve sa maîtresse «laide», s'il n'aime pas son corps, s'il juge ses organes «démolis» et sa taille trop grosse, s'il a la nostalgie du «cul» du Fléau, l'ami des chats a besoin de lui «faire minette», de l'«enfiler», de «décharger», et de lui demander certaines «caresses» auxquelles, à son grand regret, elle se refuse. Il a surtout besoin de se prouver que, malgré l'âge, il bande toujours.
Du ricanant et désenchanté Léautaud, André Gide disait: «Tout me ravissait en lui, et d'abord ceci: qu'il ne cherchait nullement à plaire.» Mais contrairement au «Journal littéraire», où il fustige ses contemporains et n'épargne pas sa propre médiocrité, le plus égotiste des stendhaliens s'essaie, dans son «Journal particulier», à un exercice pour lui inédit: se plaire. Sur la page comme au lit.
Jérôme Garcin
=> EXTRAITS: «C'est une folie de faire l'amour...»
Journal particulier. 1935, par Paul Léautaud,
notes d'Edith Silve, Mercure de France,
348 p., 22,50 euros (en librairie le 20 avril).
Source: "le Nouvel Observateur" du 12 avril 2012.
Je précise que cette article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog