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Caravage à Montpellier et Toulouse

Le Caravage : l'onde de choc d'une superstar

Par Eric Bietry-Rivierre Mis à jour le 22/06/2012 à 19:00 | publié le 22/06/2012 à 18:13 
<i>L'Extase de saint François,</i>Caravage
L'Extase de saint François,Caravage Crédits photo : Photo Wadsworth Atheneum Museum of Art, Hartford, CT.
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Montpellier et Toulouse racontent dans une richissime double exposition l'exceptionnelle postérité du Lombard, de Madrid à Utrecht.

Un séisme de magnitude 7 suivi d'une onde de choc dans toute l'Europe. Ce cataclysme, encore plus beau que formidable, a eu lieu autour de la mort du Caravage, en 1610. Dès son vivant, et jusqu'à la moitié du XVIIe siècle, le Lombard maudit pour ses frasques et sa violence a été vénéré pour ses clairs-obscurs aussi réalistes que divins et sa manière unique de faire s'interpénétrer le sacré et le profane. En l'espace de quarante petites années, il aura été copié, imité, décliné à foison. Jusqu'à avoir inspiré de près ou de loin quelque trois mille tableaux, selon les spécialistes.

 

<i>Saint Sébastien soigné par Sainte Irène</i>, Anonyme.
Saint Sébastien soigné par Sainte Irène, Anonyme. Crédits photo : 2012 Photo, SCALA Group, Florence - courtesy of the Ministero Beni e Att. Culturali

 

Un paradoxe pour ce maître sans atelier ni école, qui ne dessinait pas et dont les œuvres sont rares. «En subsistent aujourd'hui une petite soixantaine d'incontestables», estime Michel Hilaire. Avec Axel Hémery, son homologue du Musée des Augustins de Toulouse, le directeur du Musée Fabre de Montpellier a travaillé pendant douze ans à la conception de cette double exposition d'une richesse époustouflante, qui réussit à rendre compte de cette déflagration-fécondation en 140 pièces de premier ordre. Des huiles essentiellement, et aussi quelques dessins.

Les deux institutions ne sont pas de trop pour mesurer l'impact du Caravage. On recommande de commencer par Montpellier puisque neuf tableaux du maître y sont réunis en prélude, ce qui déjà est une performance. Suit le premier cercle des suiveurs. Ceux qui l'ont connu, comme Orazio Gentileschi, le père d'Artemisia (actuellement exposée au Musée Maillol, à Paris), à la manière moins tourmentée, plus séduisante. Ceux qui ont manqué de le croiser, comme le mystérieux Saracini…

Viennent ensuite les années romaines (1610-1630), avec notamment le grand Français de la Ville éternelle Valentin de Boulogne. Ou Manfredi qui diffuse largement les formules techniques, les cadrages et les thèmes. Les peintres connaîtront d'abord beaucoup leur père par lui. L'époque - c'est-à-dire la mode avec ses collectionneurs à l'affût de tout ce qui peut ressembler à un Caravage - est aux Reniements de saint Pierre, aux Christs outragés et aux têtes coupées. En additionnant celles de Goliath et d'Holo­pherne, on en compte dix ici. Autant dire que le sang gicle!

Les temps sont aussi aux scènes de genre. Tavernes, diseuses de bonne aventure, bohème, gueux et bas-fonds. Toutes véhiculent clairement un message moral à l'attention du plus grand nombre ; cela en bonne application du concile de Trente. Pour un peu les barbes des pauvres saints Jérôme et les fichus des Dalila prendraient feu à la flamme des chandelles.

 

<i>David et Goliath</i>, Orazio Borgianni
David et Goliath, Orazio Borgianni Crédits photo : Museo de la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando, Madrid

 

Trognes flamandes

Le parcours continue avec une section plus large, baptisée «La tentation caravagesque». Y sont groupés les artistes ayant à un moment ou à un autre été séduits par la Vie de saint Matthieu, célèbre cycle du Caravage toujours visible à Rome dans la chapelle Contarelli de Saint-Louis-des-Français. Qu'ils l'aient vu ou n'en aient eu qu'une connaissance indirecte, bon gré mal gré, tous s'inclinent. Cela jusqu'aux meilleurs zélateurs du baroque triomphant et aux ouvriers du classi­cisme nés avec les Carrache. Guido Reni le rival, Spada, Francesco Cairo: tous ont gravité autour de ce soleil noir nommé Michelangelo Merisi.

Puis, place aux sudistes. À ceux qui, à Naples, ont été subjugués par les anges aux bras blancs fondant sur Les Sept Œuvres de la Miséricorde, dans l'église du même nom. Caracciolo le disciple, mais aussi les Espagnols: le jeune Vélasquez (représenté par son austère Saint Thomas du Musée d'Orléans), Zurbaran (avec son Saint Sérapion martyr, icône du musée américain de Hartford) ou encore Ribera (avec notamment une allégorie du goût, un bon vivant attaquant une friture et une carafe de rouge)…

Cette visite se conclut aussi lumineusement qu'elle a commencé, avec une autre comète de la peinture, Georges de La Tour. Sept huiles du Lorrain sont là. Son Vielleur…, son Tricheur… du Louvre et sa Madeleine à la flamme fumante, venue de Los Angeles, forment une apothéose. Et une transition idéale avec Toulouse où se trouvent concentrées les trognes flamandes et hollandaises. Avec une nouvelle pléiade d'artistes époustouflants, de Ter Brugghen au jeune Rembrandt, mentionné ici par une petite mais touchante Fuite en Égypte prêtée par Tours.

Jusqu'au 14 octobre.  www.montpellier-agglo.com/museefabre  et www.augustins.org  
Catalogue Cinq Continents, 500 p., 39 €.  À lire aussi: Après Caravage d'Olivier Bonfait, Hazan, 222 p., 19 € et Caravage, l'art pour rédemption de Neville Rowley, Éd. À propos, 64 p., 12,50 €.


Un réseau franco-américain exemplaire

Sans Frame, rien n'aurait été possible: près de la moitié des tableaux présentés à Toulouse et Montpellier proviennent de ce réseau de musées. Depuis sa création en 1999 à l'initiative d'Elizabeth et Félix Rohatyn, ambassadeur des États-Unis à Paris de 1997 à 2000, le French Regional American Museum Exchange favorise la coopération culturelle entre 26 des plus grandes institutions régionales françaises et d'Amérique du Nord. Entre ces 26 membres les dossiers de prêts sont accélérés, les politiques d'échanges intensifiées et la recherche de mécène améliorée. À l'inverse, le risque de voir se développer la location d'œuvres se trouve découragé.

Pour «Corps et ombres, Caravage et le caravagisme européen», 24 tableaux ont ainsi traversé l'Atlantique. Ils sont partis de Los Angeles, San Francisco, Cleveland, Dallas, Denver, Saint Louis, Kansas City, Minneapolis ou encore de Montréal. En retour, l'exposition sera présentée dans une version unique et condensée au Los Angeles County Museum of Art du 11 novembre au 10 février 2013 puis au Wadsworth Atheneum de Hartford (Connecticut) du 8 mars au 16 juin 2013.

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