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Catégories : A voir, Des expositions

Impressionnistes et pompiers dans la même mêlée

Par Eric Bietry-Rivierre Publié le 28/08/2012 à 06:00 

Femme au jardin, 1867, de Claude Monet (détail).
Femme au jardin, 1867, de Claude Monet (détail). Crédits photo : State Hermitage MuseumSt Petersburg/Hermitage Amsterdam

 

Par Eric Bietry-Rivierre Publié le 28/08/2012 à 06:00
Femme au jardin, 1867, de Claude Monet (détail).
Femme au jardin, 1867, de Claude Monet (détail). Crédits photo : State Hermitage MuseumSt Petersburg/Hermitage Amsterdam

Spectaculaire! En arrivant à Amsterdam par la gare centrale, on repère de loin l'affiche de l'exposition. Elle couvre une façade de l'Overhoeks ­Building, un des plus hauts de la ville. «Impressionnisme, sensation et inspiration», lit-on sur fond de Femme au jardin du jeune Monet (1867). Impossible, donc, de rater l'événement de ce semestre dans la capitale néerlandaise.

La surprise est d'autant plus grande lorsqu'on visite l'endroit où il se tient, l'Amstelhof, un ancien hospice XVIIe transformé depuis 2009 en antenne du fabuleux musée de l'Hermitage à Saint-Pétersbourg. On y découvre en effet, voisinant avec des œuvres attendues signées Renoir, Sisley ou Pissarro, des Bouguereau, des Boulanger, des Cabanel, des Gérôme… Bref, quantité d'académiques et de pompiers réputés à l'opposé du mouvement. «Avec les prêts russes, nous avons bâti un parcours large, qui embrasse la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe, précise Vincent Boele, un des commissaires. Il permet d'expliquer dans quel contexte est né l'impressionnisme et aussi quelles ont été ses suites.»

Après une enfilade de cabinets réservés d'abord aux artistes de salons et de concours, ensuite consacrés aux inspirateurs tels que Delacroix (Chasse au lion au Maroc, 1854), Théodore Rousseau (Paysage avec paysan, 1860 - 1865), Daubigny (L'Étang, 1858) et autres membres de l'école de Barbizon, le parcours tourne à la confrontation. Dans l'espace central sont accrochées des merveilles rarement montrées ensemble car de formats et d'années différents, et surtout de style et de genre divers. Avec plus d'audace et moins d'idées reçues, les organisateurs auraient pu pointer quelques liens oubliés rapprochant ces œuvres. Les unes dites officielles, les autres classées avant-garde. Cela aurait ajouté du piquant.

Mais une histoire de l'art traditionnelle a été privilégiée. D'un côté, des scènes tirées de la mythologie, de la religion et de l'histoire. Tel le mélodramatique et très cinémascopique Les Derniers moments de Maximilien de Jean-Paul Laurens en 1882. Contours bien marqués, détails soignés, peinture porcelainée… De l'autre, des nymphéas, des champs vibrants et des reflets aqueux tout en couleurs jetées par Monet; des femmes roses et chatoyantes tout de même plus réussies par Renoir que par Carolus-Duran; le sculptural ­Fumeur (1890-92) et des pommes taillées à facettes par Cézanne. Ou encore Place du Théâtre Français, une vue plongeante, littéralement renversante et bouillonnante, signée Pissarro.

Romantisme crépusculaire

Si le public se prosterne devant ces­ ­«highlights», force est d'admettre qu'il s'arrête plus longtemps devant un portrait de femme titianesque de Benjamin-Constant ou devant un­ Dagnan-­Bouveret rendant hommage à Watteau. C'est qu'il est intrigué par ce qu'il ne connaît pas. En outre, la précision quasi hyperréaliste de Page aux chiens (1870) de Ferdinand Roybet, la forte plasticité associée à l'exotisme et à un traitement très original de l'obscurité de ­Voleurs de nuit par Fromentin (1868), ou encore le voyeurisme salace de Vente d'une esclave à Rome de Gérôme (1884): tout cela fonctionne à plein. De même rayonne, à mi-chemin entre les deux pôles, le romantisme crépusculaire de Faust à la coupe de poison d'Ary Scheffer (1858).

Il faudra les aplats révolutionnaires du Gauguin polynésien - Parau Parau(Conversation), Fatata te Mouà(Au pied de la montagne) et Eü haere ia oe (Où vas-tu?) - ainsi que quelques marbres de ­Rodin pour rappeler qu'en moins de vingt ans, une révolution a rendu obsolètes ces esthétiques. Reste encore au premier étage, découpé lui aussi en cabinets, et qui évoque de manière plus confuse les nébuleuses néo-impressionnistes et néoclassiques, quelques perles inattendues. Tels ce très kitsch Bain de dames de la cour au XVIIIe siècle par François Flameng (1888) - les commissaires ont imaginé de le «sonoriser»! - ou ce glamoureux ­In London de Charles Hoffbauer (1907) tout en lumières virtuoses orange et ivoire. Et la visite aura achevé de faire vaciller les repères.

Jusqu'au 13 janvier, Amstel 51, Amsterdam.
Catalogue Albert Kostenevich, 278 p., 29,95 €. www.hermitage.nl

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