Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Primitifs italiens : à la recherche du vrai ou du faux
Vierge à l'enfant , de Lorenzo di Credi. Crédits photo : RMN/Gérard Blot
CHRONIQUE ARTS - Une exposition consacrée aux primitifs italiens à Ajaccio donne l'occasion de parler de la copie, présente dans la peinture dès le Moyen-âge .
Peu de musées osent s'attaquer aux faux. Dans les collections du cardinal Fesch, oncle de Napoléon, qui sont à l'origine du Musée d'Ajaccio, aucun des primitifs italiens n'est une falsification: c'est peut-être pour cela que Philippe Costamagna, directeur du palais Fesch, a choisi de traiter le sujet, en véritable maître du suspens. Hitchcockienne, Esther Moench, la commissaire de l'exposition, a hésité à l'intituler «Le primitif était presque parfait». Faux, cela ne veut rien dire. Un tableau vénitien enrichi d'une fausse signature de Bellini ne devient pas un tableau faux, même si c'est un faux Bellini.
De nombreuses œuvres ont été repeintes, détournées: une Vierge siennoise, attribuée aujourd'hui à Giovanni di Paolo avait été deux fois mise au goût du jour pour devenir un pseudo-Raphaël. La restauration a permis de retrouver le vrai tableau sous le faux. Pour satisfaire au goût des amateurs qui se passionnaient pour l'Italie, des compartiments de plafonds peints étaient découpés et encadrés comme des portraits. Un ciel d'azur tout neuf autour d'un profil, un joli cadre, et le tour est joué. À partir d'une crucifixion du début du XVe siècle et d'une Vierge du début du XVIe, agrémentées de panneaux peints de provenances et de dates différentes, quel antiquaire inspiré a conçu ce monumental polyptyque dans un cadre gothique flamboyant - et flambant neuf? Il s'agit d'une forgerie, mais peut-on vraiment parler de faux pour cette création originale, à partir d'éléments anciens authentiques? À la fin du XIXe et au XXe siècle, l'Italie a été un grand atelier où on fabriquait des tableaux anciens.
Le plus amusant de cette exposition, c'est de voir réunis les très belles œuvres de faussaires de renom. Icilio Federico Joni (1866-1946) défia même les connaisseurs en publiant ses Mémoires d'un peintre de tableaux anciens. Le grand historien Federico Zeri avait esquissé le catalogue de celui qu'il appelait «le faussaire sur plâtre». Les recherches actuelles prouvent qu'il s'agissait de la période de jeunesse d'Umberto Giunti (1886-1970) - car rien n'interdit d'étudier les catalogues raisonnés de ces faussaires de génie avec la rigueur scientifique qu'on réserve aux «vrais» artistes…
Primitifs italiens, le vrai, le faux, la fortune critique, jusqu'au 1er octobre, palais Fesch-Musée des beaux-arts (www.musee-fesch.com), Ajaccio. Catalogue Silvana Editoriale, 32 €.