En septembre 1958, l’histoire du château rejoint celle du monde de l’art… Picasso acquiert la propriété et son domaine.
Et l’on sait l’anecdote du peintre téléphonant à son marchand Kahnweiler :
- "J’ai acheté la Sainte Victoire de Cézanne".
- "Laquelle ?" lui demande son correspondant en pensant à un tableau.
- "L’originale" répond Picasso.
Picasso ne s’installe dans le château qu’au début de l’année suivante. Il ne s’agit alors pas d’un lieu de villégiature mais bien d’une installation pérenne que souhaite l’artiste pour échapper à une vie sociale trop prenante et au développement urbain de Cannes où il habite dans sa villa de La Californie, sur les hauteurs de la Croisette.
Même si les conditions de confort resteront toujours très rudimentaires (il fait néanmoins installer le chauffage central), ce refuge doit pouvoir lui permettre d’accueillir l’ensemble de ses collections, parmi lesquelles figurent trois chefs-d’oeuvre de Cézanne, une Vue de L’Estaque, Le Château Noir et des Baigneuses.
La plus grande partie de ces tableaux est accrochée sur les antiques murs du château.
Il déménage encore sa collection de sculptures en bronze qui se trouve alignée sur la terrasse,
devant la façade du château, ou dans le corridor d’entrée. Ses propres oeuvres, ses livres, arrivent par centaines et des caisses entières sont stockées dans le château.
Picasso occupe véritablement la propriété sur une période relativement courte et par intervalles entre janvier 1959 et juin 1961. Mais Vauvenargues demeure un des hauts lieux de l’oeuvre parce que chacun des tableaux peints là en porte la marque indélébile.
A quatre-vingt ans, il dédie le domaine à sa jeune épouse Jacqueline, en peignant le portrait Jacqueline de Vauvenargues, nouvelle maîtresse des lieux.
C’est chronologiquement d’abord un énorme buffet noir acheté par le peintre qui va devenir un élément essentiel de cet univers de Vauvenargues. Pas moins de sept versions, dont de grands formats, chantent les formes bizarres de ce meuble.
"Une cochonnerie Henri II, rien de plus. Mais comme c’est beau !" dira Picasso. Ce buffet est encore en place dans le château. En s’installant à Vauvenargues, Picasso, privé de son Espagne natale à cause de la dictature franquiste, retrouve au pied de Sainte Victoire les paysages austères de son enfance.
Les tableaux qu’il peint durant cette période sont empreints de la nostalgie de son pays. Les rouges, les jaunes, les verts, couleurs caractéristiques de l’Espagne, dominent ses toiles, notamment la série des natures mortes avec pour objet principal une mandoline achetée en Arles, encore aujourd’hui accrochée au mur de la salle à manger du château.