Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Louis Gallois, le Janus de l'industrie
Louis Gallois, lundi matin, à sa sortie de Matignon. Il était venu remettre au premier ministre un rapport destiné à relancer l'industrie française. Crédits photo : Sébastien SORIANO/Le Figaro
PORTRAIT- L'ancien président d'EADS et de la SNCF a remis son rapport sur la compétitivité. Depuis plus de trente ans, ce patron engagé à gauche a séduit tous les gouvernements pour conserver le premier rôle.
Lorsqu'il a quitté la présidence exécutive d'EADS, maison mère d'Airbus, le 31 mai 2012, Louis Gallois savait qu'il ne resterait pas très longtemps en retrait de la République. Et loin des lumières. Il avait préparé le terrain en prenant la présidence de La Fabrique de l'Industrie, un think-tank patronal qui réfléchit sur l'avenir industriel de la France. Pendant la campagne présidentielle, son nom avait été évoqué pour un ministère: l'Industrie, les Transports voire les Finances. À 68 ans, cet énarque diplômé d'HEC avait laissé dire.
Mais il laissait aussi entendre qu'il n'était pas question pour lui d'être un pion sur un échiquier gouvernemental, fut-il de gauche. Un haut-commissariat, une mission de réflexion serait plus digne de lui. Il ne peut accepter de servir qu'au plus haut sommet de l'État.
Dès le 6 juin 2012, Louis Gallois est nommé Commissaire général à l'investissement, chargé de la mise en œuvre des investissements d'avenir pour lesquels une enveloppe de 35 milliards d'euros a été décidée. Dans la foulée, Jean-Marc Ayrault lui confie une mission sur la compétitivité des entreprises françaises. Avant même de remettre hier ses propositions au premier ministre, il fait la une des journaux. On ne parle que de lui. Son rapport devient un terrain d'affrontement entre la majorité et l'opposition, alors que personne ne connaît son contenu définitif. Ses conclusions sont attendues comme celles d'un oracle. Une fois encore, il est sous le feu des projecteurs.
Un amateur de rugby
Louis Gallois est devenu l'icône du grand patron pour la gauche au pouvoir. Il est l'homme de l'équilibre entre un patronat exaspéré par la perte de compétitivité des entreprises et un gouvernement empêtré entre les promesses de campagne de François Hollande et la réalité économique. Les chefs d'entreprise espèrent que son rapport va convaincre le président de la république d'engager de véritables réformes. Le gouvernement espère que grâce à sa stature de grand industriel et de bon connaisseur de l'Allemagne, avec laquelle la France se compare sans cesse, ses conclusions seront crédibles.
Cet amateur de rugby, qui aime parler des prouesses du club de Mautauban, sa ville natale, a toujours cultivé avec talent un rôle d'homme providentiel. Personnage complexe, il dissimule la haute opinion qu'il a de lui-même derrière une modestie revendiquée, qui lui offre une incomparable capacité à faire l'unanimité sur son nom. Depuis plus de trente ans, il est partout. Directeur de cabinet de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de la Recherche du premier gouvernement Mauroy en 1981 dans la foulée de l'élection de François Mitterrand, il est ensuite appelé à la tête de grandes entreprises publiques. De la Snecma, un fabricant de moteurs d'avions devenu le groupe Safran, dont il prend la présidence en 1989, à l'Aérospatiale, la composante française de la future entreprise EADS, en passant par la SNCF.
Il semble né pour cela: présider. Et être l'homme du recours. Paradoxalement, ses vraies convictions de gauche le servent auprès des gouvernements de droite. C'est Jacques Chirac qui l'appelle à la tête d'EADS en juillet 2006. Ravagé par des mois de guerre des chefs, de tensions franco-allemandes et affaibli par des soupçons de délits d'initiés qui planent sur ses dirigeants, le groupe est au bord de l'implosion. Un an plus tard, Nicolas Sarkozy, fraîchement élu à la présidence, lui renouvelle sa confiance. En 1996, Alain Juppé, alors premier ministre, avait déjà fait appel à lui pour succéder à Loïk Le Floch-Prigent, emporté par l'affaire Elf et les soupçons de corruption, à la tête de la SNCF.
Un grand serviteur de l'État
Partout, il joue le rôle de pompier. Tous les gouvernements pensent à lui car il est en phase avec les politiques. Loin de les mépriser, il les comprend et, parfois, les admire. Louis Gallois a un grand talent: il rassure. Il est légitimiste et obéit à l'État. «Il est capable de monter au créneau pour défendre l'entreprise mais si un ministre le rappelle à l'ordre, il rentre dans le rang», raconte un syndicaliste. Il s'est aussi construit une image de patron social capable d'éviter les affrontements. Et son désintérêt pour l'argent est sincère. Chez EADS, il reversait une partie importante de sa rémunération à des associations. Il est le dernier représentant d'une race en voie de disparition résumée par une formule passe-partout: celle des grands serviteurs de l'État.
Mais derrière la légende, il existe une réalité et un bilan plus nuancés. Chez EADS, il a certes ramené le calme et tout fait pour en finir avec le «poison des nationalismes». Ses détracteurs soulignent toutefois qu'il n'a pas osé lancer les réformes - mêmes symboliques - qui risquaient de casser l'équilibre entre la France et l'Allemagne. Dans le business, Louis Gallois a donné un horizon au groupe pour rééquilibrer l'activité civile (Airbus) et militaire d'ici à 2020. Mais, là encore, souligne-t-on, «sa prudence l'a poussé à ne rien engager de spectaculaire».
Et son travail de pacificateur a montré ses limites. L'échec de la fusion entre EADS et le groupe britannique BAE en raison du «non» de la chancelière Angela Merkel a prouvé que l'Allemagne défendait bec et ongles ses intérêts et avait pris le groupe en otage. Les conséquences risquent d'être lourdes dans les prochaines années.
À la SNCF, où les cheminots l'appelaient «Loulou» mais ses collaborateurs «Dieu», tant il s'était placé «une marche au-dessus», Louis Gallois a géré à sa façon le rapport de force avec la CGT. Concluant un pacte social avec le premier syndicat de cheminots, «il a inventé la cogestion et acheté la paix sociale», raconte-t-on de bonne source. Il aimait aller à la rencontre des cheminots, une casquette offerte par Henri Krazucki, alors dirigeant et figure historique de la CGT, vissée sur la tête. Il laissait ses lieutenants gérer la vie quotidienne et inventer les nouvelles stratégies commerciales et marketing. Occupé à présider et à entretenir sa relation avec la CGT et l'État, il a laissé dériver la filiale SeaFrance, une compagnie de ferries entre Calais et Douvres, et ne s'est pas occupé de la réforme du fret. Deux dossiers compliqués qu'Anne-Marie Idrac, puis Guillaume Pepy, actuel président de la SNCF, ont dû attaquer à bras-le-corps.
À chaque fois, Louis Gallois a exercé un pouvoir solitaire. «Il déteste les réunions à plusieurs, mais lorsqu'il lui arrive d'en diriger une, c'est un peu Saint Louis sous son arbre», raconte un ancien collaborateur. Comme tous les grands patrons, il peut se montrer brutal avec ses équipes. Il maintient la distance. Un café à l'aéroport de Barcelone, voilà le seul moment privé que Guillaume Pepy, son numéro deux, a partagé avec Louis Gallois en dix ans de collaboration.
Un homme de pouvoir qui sait se mettre en scène
En revanche, il sait se rendre disponible pour les médias dont il connaît l'impact. Mais il est capable d'incroyables dissimulations afin de préserver sa liberté de manœuvre. Car l'homme est rusé et fin comme Machiavel. «C'est Mazarin», lâche un proche. Joueur d'échecs, il accorde difficilement sa confiance comme s'il se réservait toujours une possibilité d'agir selon les circonstances.
Pendant longtemps, l'image d'un patron «moine soldat» lui a été accolée. Il est, avant l'heure, un «président normal». Il habite à Clamart dans les Hauts-de-Seine, il aime passer ses vacances en Bretagne où il a acheté il y a longtemps une maison. Il regarde volontiers à la télévision les matchs de rugby, les débats politiques et les programmes d'Arte lorsqu'il est chez lui. En septembre 2011, lors de l'une de ses dernières tournées de président d'EADS au Brésil, il dédaigne l'accueil VIP qui lui est réservé à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle pour faire la queue aux contrôles de police et de douane avec un journaliste qui couvre son déplacement.
Visage ascétique, manières courtoises, Louis Gallois est un homme de pouvoir qui sait se mettre en scène. Il dit adieu aux équipes d'EADS, le 31 mai, sur le perron du siège parisien, sis 37, boulevard de Montmorency dans le XVIe arrondissement de Paris. Il n'a pas voulu faire de pot de départ. Une semaine avant, il a simplement accepté de rencontrer des salariés français à la cantine du siège à Paris, puis des employés allemands à Ottobrunn, le siège allemand du groupe. Il part sur un échec. Malgré tous ses talents de manœuvrier, il n'a pas réussi à se faire prolonger deux ans de plus à la tête d'EADS, ni à être porté à la présidence du conseil d'administration. Ses visées ont choqué certains. Il ne jouait plus le jeu, piégé par son propre personnage.
Ses ennemis chuchotent que Louis Gallois est un dirigeant d'abord soucieux de son image, plus à l'aise dans l'art de décrypter les rapports de force que dans la prise de risque. Mais ces critiques sortent très rarement sur la place publique. Il sera difficile de le faire descendre de son piédestal, même si le gouvernement ne prend aucune décision spectaculaire. Car il restera comme le patron qui propose des solutions pour redresser le pays.
LIRE AUSSI:
Je précise que cet article n'est pas de moi (lien vers la page citée et si possible son auteur)mais que je suis auteure(inspirée par ce que j’aime, donc par ce blog) et que vous pouvez commander mes livres en cliquant sur les 11 bannières de ce blog