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Catégories : Des musées, J'ai aimé

J'ai aimé voir vendredi "Les nymphéas" au Musée de l'Orangerie

Le décor peint par Monet est-il un simple paysage impressionniste ?
Cette promenade dans « un aquarium fleuri » selon les mots de l’artiste, n’invite-t-elle pas au questionnement ?

Le décor des Nymphéas du musée de l’Orangerie constitue l’aboutissement de la carrière de Claude Monet. Il l’a conçu comme un cycle de peintures, créé spécialement pour ce lieu choisi avec Georges Clemenceau en 1921. Malgré la donation à l’Etat français en 1922, l’artiste conserva les panneaux peints jusqu’à sa mort, les modifiant sans cesse. L’ensemble a été installé en 1927, selon ses directives : les toiles ont été collées sur les murs de deux salles ovales, éclairées par la lumière naturelle [ détail d ].

Un jardin d’eau

En 1893, Monet fait aménager un étang à Giverny, conçu comme un tableau vivant où les couleurs et la lumière se reflètent au gré des saisons et des heures du jour [ image principale ]. Il lui inspire la série des Nymphéas qui se décline en près de trois cents toiles. Le décor de l’Orangerie est né de son désir d’attirer le spectateur au centre de l’étang et de le plonger dans sa contemplation [ détail b ]. Au lieu de tableaux de chevalet, Monet peint à l’échelle des murs sur de grands panneaux, qui, mis bout à bout, forment un décor de quatre-vingt-treize mètres de long. La déambulation est nécessaire pour s’approprier ce paysage. D’une salle à l’autre, le regard glisse sur les reflets à la surface de l’eau, ponctuée de nymphéas et scandée par les troncs des saules [ détail c ]. Les deux salles ovales, côte à côte, dessinent le signe de l’infini. Elles forment ensemble comme un cycle cosmique auquel répond la course du soleil, perceptible au travers des verrières zénithales.

Une plongée dans la peinture

L’œuvre ne correspond à aucune représentation classique du paysage. L’artiste y explore pleinement les possibilités de la couleur et de la touche. A distance, les touches de couleurs recomposent l’image d’une nappe d’eau sans rivages ni horizon. De près, c’est surtout la matière picturale que l’on perçoit [ détail e ]. Monet reprend à grande échelle les procédés impressionnistes qu’il a développés en plein air, en cherchant à produire sur la toile les effets changeants de la lumière. Pour cela, il s’inspire des travaux scientifiques de Michel-Eugène Chevreul sur les couleurs et sur leur perception. Il divise les touches et juxtapose les couleurs complémentaires, le jaune et le violet par exemple, ce qui accentue dans l'œil du spectateur la sensation d'un éclat lumineux et d'une dilatation de l'espace. Les traces laissées par la brosse ou le couteau à palette [ détail e ] traduisent l’émotion. La surface mobile de l’étang devient alors miroir de l’âme. La force et la signification du geste créateur, le traitement large de toute la surface de la toile sans distinction de plans, sont autant d’éléments qui séduiront, après l945, les jeunes expressionnistes abstraits américains, comme Joan Mitchell dans ses œuvres « all over ».

Méditation

Monet a 74 ans quand il commence ce décor et son élaboration coïncide avec le début de la Première Guerre mondiale. Ce projet de peinture a une mission ambitieuse : réaliser une œuvre de paix dans un monde en guerre. L’artiste plonge le spectateur dans une nature pure et silencieuse propice à la rêverie et à la réflexion. L’indéterminé stimule l’imaginaire même si le regard est arrêté par quelques nymphéas, dont le rythme pourrait suggérer une douce musique. Ce paysage, sans présence humaine ni animale, pose une question sur le lien entre l’homme et la nature, un lien perdu, peut-être, avec l’ère industrielle et la civilisation urbaine. Plus on avance dans les salles, plus le calme et le silence nous entourent [ détail d ]. Le temps s’écoule avec la course des nuages et la scansion des arbres. Une tonalité bleue, propice à la méditation et chère aux symbolistes, y domine. L’Orangerie prend, au cœur de Paris, une dimension paisible : c’est un havre où l’on s’abrite des trépidations de la vie moderne. Un message universel d’espoir et de recommencement possible est induit par le cycle rassurant de la course du soleil.

Isabelle Majorel

Permalien : http://www.panoramadelart.com/les-nympheas

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ressources internet

  1. Voir les œuvres au musée, un mini-site sur la série des Nymphéas
    http://www.musee-orangerie.fr/visite-nympheas/03.html#
  2. Le site de l’exposition Monet 2010
    http://www.monet2010.com/
  3. Un site sur les Nymphéas (avec film et ressources enseignants)
    http://www.curiosphere.tv/ressource/15185-decodart-6-claude-monet-les-nympheas
  4. Revue DADA « Monet »
    http://www.revuedada.fr/f/index.php?sp=coll&collection_id=36&PHPSESSID=4e7e5ca52
  5. Voir aussi le site Histoiredesarts.culture.fr

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glossaire

All over :
Pratique artistique qui consiste à couvrir toute la surface d’un tableau sans hiérarchie de plans, à la différence d’une composition classique.
Chevreul :
Michel-Eugène Chevreul (1786-1889) est un scientifique français, dont les écrits sur les couleurs et sur leur perception, comme la loi du contraste simultané des couleurs, influencent les peintres impressionnistes et postimpressionnistes, Georges Seurat tout particulièrement.
Expressionnistes abstraits :
Peintres américains qui renouvellent l’abstraction après 1945. Chez ces peintres, le tableau est affirmé comme surface peinte et expérience intérieure du réel. On distingue généralement deux groupes : le color field, qui valorise le champ coloré (Mark Rothko, Barnett Newman…) et l’action painting qui valorise la gestuelle (Jackson Pollock, Willem de Kooning…).
Symbolistes :
Poètes d’abord puis peintres, du dernier quart du XIXe siècle, qui rejettent le naturalisme et le positivisme modernes. Ils remettent la pensée et l’imaginaire au cœur de la création.

http://www.panoramadelart.com/les-nympheas

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