Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Catégories : Musique, Nougaro Claude

Musique : Dave Brubeck, paroles : Claude Nougaro

À trois reprises, le chanteur français a posé ses textes sur les musiques du pianiste américain décédé mercredi 5 décembre. Rappel en trois titres.

 
Le pianiste de jazz Dave Brubeck en 1981.

(Paul Mello / AP)

Le pianiste de jazz Dave Brubeck en 1981.

 

(Paul Mello / AP)

Le pianiste de jazz Dave Brubeck en 1981.

La mémoire collective des Français peut à juste titre associer la musique de Dave Brubeck, qui vient de décéder, mercredi 5 décembre, à l’âge de 92 ans, à la voix, au débit, à l’écriture de Claude Nougaro. Un même souffle, une même quête d’impossible. Nougaro et Brubeck, et d’abord Nougaro et le jazz, puisque cette musique est la clef qui ouvre la sensibilité du chanteur à un monde de rythmes, d’énergie, celle qui illumine son esprit et anime son corps, lorsque, au cours de ses premières années de succès, il est accompagné sur scène par ses compères, l’organiste Eddy Louiss et le pianiste Maurice Vander…

Au début des années 1960, Claude Nougaro ne connaît pas encore le succès. Il fréquente les boîtes de jazz parisiennes et se lie à de nombreux musiciens, Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Charles Mingus. Une rencontre, pourtant, est plus déterminante que les autres. Celle d’un jeune pianiste et compositeur passionné de jazz, comme lui, Michel Legrand.

Poésie qui tutoie Dieu

Ensemble, ils enregistrent, en 1962, neuf chansons impressionnantes, un 25 cm, au dos duquel Jacques Audiberti, ami et maître de Claude Nougaro, note ces mots qui, pour un jeune artiste, valent de l’or. Pour Claude Nougaro, ils sont prémonitoires de son œuvre à venir : « Victor Hugo aimait le jazz. Peut-être. Qui sait ? Mais il ne le connaissait pas. Quand je dis Victor Hugo, je veux dire un poète épris de poésie efficace et de rimes dans le mille. Ce poète, c’est Claude Nougaro. Il connaît la musique. Il peut donner aux mots une résonance concrète non encore entendue chez les poètes de papier… »  

Poésie de Nougaro, poésie qui tutoie Dieu, mélangeant profane et sacré, musique sensuelle et religieuse… Parmi Le Cinéma, Une petite fille, Les Don Juan,  l’album présente pour la première fois Le Jazz et la Java,  titre dont les paroles planent ou s’articulent à la virgule près sur un thème du Dave Brubeck Quartet, Three to get ready,  extrait de l’album Time Out,  immense succès discographique de 1959 chez Columbia.

Première rencontre entre le musicien et le poète, qui parlait de ses choix de compositeurs comme d’un « besoin d’envol ».  Ses mots ont pris le dessus sur l’œuvre initiale que l’on oublie bien souvent de citer parmi les « standards » de Brubeck, impossible à écouter sans aussitôt avoir en tête les mots de Nougaro : « Il y a de l’orage dans l’air il y a de l’eau dans le… gaz entre le jazz et la java ».  

Écriture cinématographique

En 1965, un palier supplémentaire est franchi. À partir de Blue Rondo a la Turk,  autre morceau de bravoure de Time Out,  le Toulousain fait sa chanson À bout de souffle,  cas unique de texte construit comme un scénario de polar américain, dans lequel les noms du compositeur et de son morceau original participent à l’histoire (à 46 sec environ sur la vidéo). L’une des plus audacieuses mises en abyme de la chanson !

 « J’ai entendu ce morceau de Dave Brubeck et c’est un peu comme si j’avais un œil dans mon oreille. J’ai essayé de traduire, à travers la démarche rythmique et les contrastes de cette musique, une histoire dont le tragique m’a été soufflé par la musique. C’est une chanson dont je ne suis que le traducteur, comme un roman traduit de l’américain »,  déclarait Claude Nougaro.

Une écriture cinématographique que Claude Nougaro a développée de plus en plus souvent : « J’ai toujours été influencé par le cinéma, alors je m’essaie à écrire une chanson comme un metteur en scène fait un découpage, plan par plan, pour obtenir des images que l’auditeur puisse installer dans un décor précis, en imagination »,  déclarait-il en 1995, dans le magazine trimestriel Chorus.  

On retiendra enfin l’ultime coup de chapeau de Nougaro à Brubeck sur son dernier album, Embarquement immédiat,  qui s’ouvre avec la chanson Jet Set,  (à 43 mn 57 sec sur la vidéo), laquelle emprunte l’introduction à la batterie et la rythmique spécifique de Take Five,  le titre phare du Dave Brubeck Quartet, composé par le saxophoniste Paul Desmond.

 

 

JEAN-YVES DANA

Les commentaires sont fermés.