Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
A Metz, la ligne s'évade de la page
LE MONDE | 14.02.2013 à 14h19 • Mis à jour le 14.02.2013 à 14h57
Par Emmanuelle Lequeux
Kandinsky travaille ses lignes dans cette "Empreinte des mains de l'artiste" (1926, détail). | ADAM RZEPKA/ADAGP/CENTRE POMPIDOU/RMN
Il n'y a pas plus ténu. Une ligne, juste une ligne. Pourtant, autour de ce très fin motif, Metz offre deux expositions remarquables, au Centre Pompidou et au FRAC Lorraine. La première dévoile quelques-uns des secrets du cabinet d'art graphique du Musée national d'art moderne à Paris. Mêlés à photos et vidéos, quelque 200 stupéfiants dessins sélectionnés parmi 19 000 feuilles jouent leurs harmoniques de noir et blanc. Mesure du monde, compositrice de paysages, dresseuse de calligraphies...
Dans cette "Brève histoire", la ligne se met dans tous ses états. Elle est brouhaha quand Pierre Bismuth retrace les mouvements de la main de Marilyn Monroe dans Some Like it Hot. Elle se fait psychologie quand Vassily Kandinsky l'analyse, organique ou explosive, dans son fameux Point, ligne, plan (1926), qui théorise l'abstraction. Elle dessine le corps des villes, quand Peter Downsbrough la confronte au quadrillage des rues. Elle s'épuise aussi, souvent : l'encre de Chine disparaît peu à peu avec le cheminement du pinceau de Sylvia Bächli, ou s'époumone sur le papier fripé dans un dessin en grâce extrême-orientale de Judith Reigl. Elle résiste, toujours : ne laissant à la feuille blanche que quelques éclats de virginité, quand Julije Knifer la graphite en une rage abstraite.
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Horizon
La ligne demeure la matrice et l'âme du dessin. Elle est ce que notre corps est à l'univers : son unité de mesure et sa langue natale. Alighiero Boetti le rappelle quand, de ses mains s'écartant l'une de l'autre, il écrit en deux sens, jusqu'à atteindre l'envergure maximale de ses bras, la phrase suivante : "Ce qui parle toujours en silence, c'est le corps."
Quand l'exposition laisse la ligne s'évader de la page, elle propose également quelques belles réalisations. Christo et Jeanne-Claude l'aident à s'éprendre du monde en dessinant un voile de 40 km qui court à travers l'horizon californien, marginale ligne Maginot.
Surtout, Barbara Leisgen invente un rituel qu'on aimerait suivre chaque jour : photographiée les mains tendues vers l'horizon, elle accompagne le soleil de son lever à son zénith. Avec cette ligne essentialiste, l'artiste méconnue ouvre sans le vouloir la voie vers la seconde exposition évoquée : au FRAC Lorraine, Marie Cool et Fabio Balducci tirent le fil, en un heureux hasard de programmation. Ténu, l'accrochage l'est plus encore ici : quelques vidéos, d'humbles sculptures ; des lignes et des feuilles. Mais le corps de danseuse de Marie Cool porte le tout à incandescence, dans des performances filmées qui nous invitent à activer par la pensée ces dispositifs. Assise à une table, elle chorégraphie des pages blanches, soulevées, superposées, confrontées.
A la Synagogue de Delme, à une demi-heure de là, des acteurs montrent trois performances de ce couple anarcho-conceptuel. Selon Béatrice Josse, directrice du FRAC Lorraine, "tout est dans la tension : la leur et celle que nous, spectateurs, mettons à regarder les choses". Lignes de force et lignes de vie.
Une brève histoire des lignes, Centre Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits-de-l'Homme, 57020 Metz. Tél. : 03-87-15-52-59. Jusqu'au 1er avril. centrepompidou-metz.fr.
Marie Cool & Fabio Balducci, FRAC Lorraine, 1 bis, rue des Trinitaires, Metz. Tél. : 03-87-74-20-02. Synagogue de Delme, 33, rue Poincaré, 57 590 Delme. Tél. : 03-87-01-43-42. Jusqu'au 17 février. fraclorraine.org et www.cac-synagoguedelme.org.
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