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Catégories : L'art

Hodler, sommet de l'art suisse

 

Les Echos n° 20048 du 16 Novembre 2007 • page 102

« Ferdinand Hodler ». Jusqu'au 3 février 2008. A Paris, musée d'Orsay (tél. : 01.40.49.48.14).

 

Il y a encore beaucoup de choses à découvrir dans l'art moderne en dehors des Picasso, Matisse, Klimt... Ceux qui ne sont pas familiers des collections permanentes des musées suisses auront sans doute laissé échapper le plus grand artiste de la Confédération, au tournant du XIXe et du XXe siècle, Ferdinand Hodler (1853-1918). Le président du musée d'Orsay, Serge Lemoine, qui est aussi cocommissaire de l'exposition, en parle pourtant comme « un pur génie, un des plus grands peintres de tous les temps ». Sans aller aussi loin dans l'enthousiasme, disons que ce peintre a développé, comme tous les artistes qui comptent, un vocabulaire et un monde singuliers, qui auront une influence clef sur la suite de la création

Les 80 peintures présentées au musée d'Orsay reflètent des états d'âme indicibles chez l'artiste tourmenté. Illustration avec une des premières oeuvres présentées dans l'exposition : « La Nuit » _ une immense composition de près de 3 mètres de long animée, si l'on peut dire, par des hommes et des femmes nus allongés à même le sol qui dorment dans un décor irréel. Cependant, au milieu de ces êtres à l'apparence quiète, il y en a un qui n'est pas du tout tranquille. Son regard hagard fixe une forme noire : la mort. Le sommeil de la nuit, c'est l'angoisse pour Hodler. Il écrit : « La nuit, c'est ce que j'appelle ma "première" oeuvre. Elle m'appartient par la conception et la mise en scène. Ce n'est pas une nuit mais un ensemble d'impressions de la nuit. (...) Le fantôme de la mort est là comme le phénomène nocturne le plus intense. »

Ce « héros » de la peinture suisse utilise des modes d'expression inédits. Dans « La Nuit », l'élément le plus frappant tient à la répétition sur la toile de ces immenses corps nus. C'est ce qu'il appelle le « parallélisme », répétition de formes et de couleurs semblables qui donne un aspect architectural à ses tableaux. Il donne au concept une signification philosophique qui dit que tous les hommes se rejoignent dans la répétition de certains gestes, certains sentiments, certaines attitudes.

Equilibre parfait
Il utilise aussi la couleur avec maestria et s'achemine, par la radicalité de l'emploi des teintes, vers le monochrome. Exemple : « Communion avec l'infini » est une toile recouverte aux 4/5 de la couleur vert prairie. Sur le vert tranche le blanc du corps nu d'une femme. Il s'agit, comme dira le peintre lui-même, d'une « adorante de la nature ». « Je vise à une unité puissante, à une harmonie religieuse. » Le symbolisme de ces thématiques pourrait ennuyer, mais Hodler réussit à préserver un équilibre parfait dans ses toiles. Elles sont tout simplement frappantes de beauté.

Souvent le côté trop cérémonieux est tempéré par la mise en mouvement des personnages. Ils dansent. Les bras allongés traversent la toile d'un côté à l'autre. Les corps se tordent. Les mains se courbent. Même « Le Bûcheron », peint en 1910 _ il a été acheté en vente aux enchères par Orsay pour 2 millions de dollars en 2005 _, montrant l'homme en plein mouvement, hache en l'air, semble jouer un étrange ballet. Les paysages aux formes épurées, ciel rectiligne, nuages géométriques, composés de strates de bleu et de jaune, sont aussi inédits.

Enfin, Hodler est célèbre pour sa chronique picturale de la maladie de sa compagne pendant trois ans. Lente dégénérescence physique de ce gisant aux formes de plus en plus faméliques. Il a exécuté plus de 150 dessins et peintures sur ce thème (on en retrouve trop peu à Orsay). Hodler a été célébré en son temps par la Sécession viennoise de Klimt et Schiele. Il rêvait d'une consécration française. Tardivement, la voici.

 

JUDITH BENHAMOU-HUET
http://www.lesechos.fr/16/11/2007/LesEchos/20048-506-ECH_hodler--sommet-de-l-art-suisse.htm

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