Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Rencontre (1966), le bel inédit de Jacqueline de Romilly
CRITIQUE LITTERAIRE - L'écrivain et première femme professeur au Collège de France décrit avec esprit la quête amoureuse d'une jeune veuve entre Paris et Bruxelles, récit qui garde toute sa fraîcheur quarante-sept ans après sa parution.
Achevé en 1966, ce roman inédit passe à merveille l'épreuve du temps. Mieux, il est totalement tendance. Comme si, par un clin d'œil de l'histoire littéraire, ce qui était à la mode il y a près d'un demi-siècle revenait au goût du jour en 2013. Avec sa romance amoureuse, pour le côté légèreté, et sa quête d'un passé fantasmé, pour la réflexion spirituelle, Rencontre est un récit d'aujourd'hui.
À trente-quatre ans, Anne Aubier est déjà veuve. Un après-midi d'octobre, alors qu'elle se promène avec sa meilleure amie au jardin du Luxembourg, elle aperçoit un homme avec un enfant. Elle en est persuadée: c'est son amour de jeunesse, Paul Béranger, qu'elle avait aimé il y a douze ans avant de se marier avec un autre. Jusqu'ici, cette intrigue ressemble à tant d'autres. Mais, dès les premières pages, Jacqueline de Romilly y apporte sa touche intellectuelle, ses connaissances de l'âme humaine. Il y a de la fraîcheur et de la profondeur dans ce livre-là. Celle qui fut la première femme professeur au Collège de France use d'une double écriture: elle nous offre et l'histoire en train de se dérouler et les sous-titres. Le récit et ce qu'en pensent les protagonistes, le jeu entre eux, la timidité de l'une, l'audace de l'autre… Elle décrit ce qui se trame dans l'esprit d'une femme en quête d'un passé, d'une chimère, peut-être. Les savoureuses intrusions de l'auteur, ses adresses au lecteur ajoutent aux effets très tendance de ce roman.
Les jeux de la mémoire
Il y a beaucoup de questions et, bien sûr, peu de réponses. La nostalgie et l'amour renvoient toujours aux vertes années. «Et puis, parmi ces moments-là, les plus anciens, tout nimbés d'innocence, ne sont-ils pas les plus émouvants?», s'interroge la narratrice, qui se rend à Bruxelles, remue ciel et terre pour tenter de retrouver Paul et finit par tomber sur un certain Roger, sans être sûre de l'aimer.
On connaissait Jacqueline de Romilly pour ses nombreux essais sur la Grèce, mais elle a écrit peu de fictions. On le regrette. Car, dans Rencontre, elle met son érudition et son art de la réflexion au service de thèmes universels: l'amour, les souvenirs, ce qui nous rattache au passé, les jeux du hasard et de la mémoire. «Comme c'est étrange qu'après tant d'années on puisse se rappeler soudain ces petites phrases de rien et ces jeux innocents», écrit-elle. Cet inédit résonne avec plusieurs de ses anciens textes: Les Roses de la solitude, Le Sourire innombrable et Les Révélations de la mémoire. Elle évoque ces riens, ces objets, ces instants qui portent la trace de toute une vie.