Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Passard en pince pour le homard
Le homard de Passard a bonne mine et de beaux yeux bleus où scintillent des étoiles. Crédits photo : Photographer : Pierre-Emmanuel R
Le chef triplement étoilé ne cesse de nous étonner. Après les collages sur papier, il s'attaque à la troisième dimension avec un homard géant de bronze.
Comment l'art vient-il aux chefs? En mitonnant une poêlée de cèpes? En effeuillant la marguerite? Dans la fureur brouillonne d'une capitale? Alain Passard a eu tout bonnement la chance de voir le jour dans une famille d'artistes. «Mon père était batteur clarinettiste, ma mère qui avait le goût du tissu dessinait ses propres patrons, mon grand-père sculptait le bois et travaillait le rotin. Quant à ma grand-mère, fin cordon bleu, elle avait le sens du feu et écoutait siffler ses rôtis... Grâce à eux, j'ai appris à ciseler mes sens», détaille le patron de L'Arpège qui travaille la flamme depuis trente ans.
En 1986, après avoir égrené différentes belles maisons, il rachète L'Archestrate, le fameux restaurant de son mentor, Alain Senderens, et dix ans plus tard y décroche sa troisième étoile. Dès lors, il change son fusil d'épaule: à l'ère de la vache folle, il va museler la viande rouge, la rayer de la carte et faire les yeux doux aux légumes afin de tisser des plats plus verts. En 2002, il achète son premier potager. Deux autres suivront. «J'ai retrouvé le goût des collages avec celui des jardins, se souvient Alain Passard, fier de ses premiers exercices. Au début, je découpais tout ce que j'avais sous la main. Au fil de mes envies. Un soir, dans un hôtel à Tokyo, j'ai demandé des ciseaux et me suis amusé à jouer avec le chaud et le froid, le brillant et le mat... Je voulais aussi de la couleur... Mes compositions sur papier ont influencé celles des assiettes.»
L'histoire du géant de bronze qui habille aujourd'hui la vitrine de «l'arrière-cuisine» - entendez par là les bureaux de la maison, rue de Bourgogne - est née d'une autre rupture. Alain Passard en avait assez de ces homards recroquevillés, misérables dans leur fond de sauce. Mais de quelle manière les présenter autrement? Comment leur donner une allure graphique? Le chef étoilé qui les voulait droits comme des «i» régla d'abord le problème en casserole. Les homards furent désormais cuits attachés et cambrés. Restait à inventer une nouvelle manière de les trancher afin d'en découdre avec les vieilles habitudes et d'étonner les convives. Après quelques atermoiements, il décida de quatre fines aiguillettes tendres à l'oeil et dociles sous la lame. Et puis... ravi de son coup de patte, il imagina la suite...
Collage poétique du prince du potager. Crédits photo : Photographer : Pierre-Emmanuel R
Grâce à la complicité de son voisin Jacques Vilain, alors conservateur du musée Rodin, Alain Passard eut l'idée d'entrer dans la troisième dimension. Avec l'aide des artisans de la fonderie de Malakoff, il figea son homard dans le bronze et le dressa tel un coq sur ses ergots. Après une première version en taille réelle, patinée corail, le chef choisit de passer au monumental et de porter la bestiole à une hauteur de 2,50 mètres. Dans sa carapace délicatement bleutée, le crustacé devint une oeuvre colossale. Oubliés, les effluves marins et les chairs délicates. Ce homard-là a mis une pince dans la bulle arty. D'ailleurs, le premier tirage a déjà séduit un collectionneur dont le chef, par discrétion, a tu le nom. Une seconde édition est en cours de préparation et la maison Daum l'imagine déjà en pâte de verre. Mais Alain Passard ne compte pas en rester là. Aujourd'hui, il drague le tourteau. Qui sait ce qu'il leur a promis? Un piédestal, peut-être? -
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Passard en pince pour le homard
Le chef triplement étoilé ne cesse de nous étonner. Après les collages sur papier, il s'attaque à la troisième dimension avec un homard géant de bronze.
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