Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Catégories : La littérature, La télévision
La littérature selon Irving
L'écrivain américain est l'invité du magazine de François Busnel La Grande Librairie sur France 5
Tags : France 5
Publié le 25/04/2013 à 09:33
Je ne suis pas sûr d'aimer beaucoup la télévision. » Lundi dernier, aux alentours de 23 heures, dans un restaurant couru de la rive gauche, dont le chef cuisinier est un amoureux des lettres, John Irving, 71 ans, entré de son vivant dans les manuels de littérature américains en 1978 avec son quatrième roman, Le Monde selon Garp, s'interroge sur sa présence à l'émission de François Busnel.
On le sent vaguement inquiet à l'idée de participer à La Grande Librairie, diffusée ce jeudi soir sur France 5. On tente de le rassurer : « Pas de problème, John, c'est vous le patron ! » Il n'a pas l'air convaincu.
Pourtant, quelques minutes plus tôt, ce fabuleux conteur nous avait tenu en haleine pendant trente minutes en nous narrant ses tribulations dans le monde de l'édition. Il avait aussi accepté d'évoquer sa place dans la littérature américaine, une question toujours délicate pour l'ego.
Comme tout bon ancien lutteur semi-professionnel qui se respecte, Irving, qui continue d'entretenir un corps sans graisse, aurait pu esquiver. Il a joué le jeu sans barguigner : « Hemingway, Fitzgerald, Faulkner ne m'ont jamais fait rêver. Je leur préfère Melville et Hawthorne. Comme eux, je me sens moins un auteur américain qu'un écrivain de la Nouvelle-Angleterre. C'est l'endroit où j'ai vécu le plus longtemps et c'est très différent du reste des États-Unis. »
Peu d'auteurs trouvent grâce à ses yeux. « Parmi les vivants, Edmund White est sans doute le plus complet de tous : c'est un diariste, un biographe et un romancier de talent. J'aime aussi beaucoup James Salter. »
La littérature, Irving l'a découverte très jeune. Son père biologique envolé à sa naissance, c'est son beau-père, Colin F. Irving, professeur à la Philip Exeter Academy, qui donna, en plus de son nom, le goût de la lecture au jeune John : « C'était un excellent lecteur et un bon historien. Comme il n'avait pas eu d'enfant de son côté, son expérience en la matière était très limitée. Il me traitait en adulte, ce que j'appréciais, mais ses conseils de lecture étaient parfois un peu rudes. Malgré tout, je suis devenu un bon lecteur plus tôt que prévu et cela a eu une influence bénéfique sur ma vie. »
Après des études chaotiques à Exeter, où il fut, de loin, meilleur en lutte qu'en orthographe, à cause d'une dyslexie prononcée, Irving fit un passage décisif aux prestigieux ateliers d'écriture de l'Iowa. Là, il eut pour mentor Kurt Vonnegut, auteur culte d'Abattoir 5.« Kurt ne m'a jamais appris à écrire. De même qu'ensuite, lorsque je suis devenu professeur là-bas, je n'ai pas appris à écrire à T. C. Boyle ou à Allan Gurganus. La chose dont ont besoin les apprentis écrivains, c'est la confiance. »
La suite, on la connaît. Irving publie sans grand succès trois romans entre 1968 et 1974. Et puis, en 1978, c'est Garp et le jackpot. La gloire et l'argent. Viendront ensuite d'autres romans inoubliables, d'autres histoires étranges, tour à tour drôles et tristes, de garçons sans père devenus écrivains, d'accidentés, de lutteurs, de prostituées, d'ours : Une prière pour Owen (1989), Une veuve de papier (1998), La Quatrième Main (2001).
En tout, treize romans à ce jour. Ce qui est assez peu en quarante-cinq années de carrière. « Je passe des années à penser à un livre avant de le mettre de côté puis de commencer à l'écrire, à la main, car ça me calme. Très honnêtement, avant mon sixième roman, L'oeuvre de Dieu, la part du Diable, je n'arrivais pas à me concentrer plus de cinq heures dans la journée. Devenu écrivain à plein-temps, je n'ai plus eu à regarder ma montre pour faire autre chose, enseigner par exemple. En ce sens, je peux affirmer que mes huit derniers romans sont mieux structurés que les cinq premiers. »
Du dernier, À moi seul bien des personnages, parfaitement dans l'actualité puisque l'Américain y fait l'éloge de la diversité sexuelle, il sera beaucoup question ce jeudi soir. Ce devrait être passionnant. Bon courage, Mister Irving, tout va bien se passer !
Bruno Corty
On le sent vaguement inquiet à l'idée de participer à La Grande Librairie, diffusée ce jeudi soir sur France 5. On tente de le rassurer : « Pas de problème, John, c'est vous le patron ! » Il n'a pas l'air convaincu.
Pourtant, quelques minutes plus tôt, ce fabuleux conteur nous avait tenu en haleine pendant trente minutes en nous narrant ses tribulations dans le monde de l'édition. Il avait aussi accepté d'évoquer sa place dans la littérature américaine, une question toujours délicate pour l'ego.
Comme tout bon ancien lutteur semi-professionnel qui se respecte, Irving, qui continue d'entretenir un corps sans graisse, aurait pu esquiver. Il a joué le jeu sans barguigner : « Hemingway, Fitzgerald, Faulkner ne m'ont jamais fait rêver. Je leur préfère Melville et Hawthorne. Comme eux, je me sens moins un auteur américain qu'un écrivain de la Nouvelle-Angleterre. C'est l'endroit où j'ai vécu le plus longtemps et c'est très différent du reste des États-Unis. »
Peu d'auteurs trouvent grâce à ses yeux. « Parmi les vivants, Edmund White est sans doute le plus complet de tous : c'est un diariste, un biographe et un romancier de talent. J'aime aussi beaucoup James Salter. »
La littérature, Irving l'a découverte très jeune. Son père biologique envolé à sa naissance, c'est son beau-père, Colin F. Irving, professeur à la Philip Exeter Academy, qui donna, en plus de son nom, le goût de la lecture au jeune John : « C'était un excellent lecteur et un bon historien. Comme il n'avait pas eu d'enfant de son côté, son expérience en la matière était très limitée. Il me traitait en adulte, ce que j'appréciais, mais ses conseils de lecture étaient parfois un peu rudes. Malgré tout, je suis devenu un bon lecteur plus tôt que prévu et cela a eu une influence bénéfique sur ma vie. »
Après des études chaotiques à Exeter, où il fut, de loin, meilleur en lutte qu'en orthographe, à cause d'une dyslexie prononcée, Irving fit un passage décisif aux prestigieux ateliers d'écriture de l'Iowa. Là, il eut pour mentor Kurt Vonnegut, auteur culte d'Abattoir 5.« Kurt ne m'a jamais appris à écrire. De même qu'ensuite, lorsque je suis devenu professeur là-bas, je n'ai pas appris à écrire à T. C. Boyle ou à Allan Gurganus. La chose dont ont besoin les apprentis écrivains, c'est la confiance. »
La suite, on la connaît. Irving publie sans grand succès trois romans entre 1968 et 1974. Et puis, en 1978, c'est Garp et le jackpot. La gloire et l'argent. Viendront ensuite d'autres romans inoubliables, d'autres histoires étranges, tour à tour drôles et tristes, de garçons sans père devenus écrivains, d'accidentés, de lutteurs, de prostituées, d'ours : Une prière pour Owen (1989), Une veuve de papier (1998), La Quatrième Main (2001).
En tout, treize romans à ce jour. Ce qui est assez peu en quarante-cinq années de carrière. « Je passe des années à penser à un livre avant de le mettre de côté puis de commencer à l'écrire, à la main, car ça me calme. Très honnêtement, avant mon sixième roman, L'oeuvre de Dieu, la part du Diable, je n'arrivais pas à me concentrer plus de cinq heures dans la journée. Devenu écrivain à plein-temps, je n'ai plus eu à regarder ma montre pour faire autre chose, enseigner par exemple. En ce sens, je peux affirmer que mes huit derniers romans sont mieux structurés que les cinq premiers. »
Du dernier, À moi seul bien des personnages, parfaitement dans l'actualité puisque l'Américain y fait l'éloge de la diversité sexuelle, il sera beaucoup question ce jeudi soir. Ce devrait être passionnant. Bon courage, Mister Irving, tout va bien se passer !
Bruno Corty