Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
De la suite dans les orchidées
15 mai 2013 à 21:26
Jardins . A l’occasion des 58e Journées des plantes de Courson, rencontre avec des créateurs-éleveurs de fleurs. Gros plan sur les clématites et les exubérantes «Orchidaceae».
Qui a dit «j’ai toujours rêvé de marier Brigitte Bardot avec le général de Gaulle» ?
Pas un eugéniste fou, mais l’obtenteur qui a ranimé les roses anciennes, André Eve, dont le nom se range avec les mythiques Meilland ou Delbard, grandes figures de la rose. Obtenteur ? Peu connaissent ce mot, et ce talent technico-horticole de créateur, d’inventeur d’une fleur ou d’une plante, d’une nouvelle couleur, forme, taille, parfum. C’est lui qui croise des roses, des iris, des cyclamens, des clématites (pas ensemble, mais ces quatre espèces sont les plus hybridées en France) pour en faire surgir de nouvelles variétés. Pas seulement pour la joie de la création, mais pour répondre au rêve du jardin esthétique toute l’année mais presque sans contraintes, à la demande de plantes résistantes, fleuries en toutes saisons, et à des tailles adaptées. Aux 58e Journées des plantes de Courson, qui se déroulent ce week-end sur le thème des «belles Américaines», on pourra découvrir 48 obtenteurs, de menthe à parfum de pamplemousse ou d’ananas par exemple. Balade chez deux créateurs-éleveurs de clématites et d’orchidées, depuis plusieurs générations.
Arrivée par bateau. A Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne), les orchidées se profilent à perte de vue (ou presque). Des clients ressortent avec ces graciles fleurs blanches, comme si c’était des nouveau-nés. Une dame conseille : «Allez voir le film, ça dure un quart d’heure, vous comprendrez tout.» C’est Françoise Lecoufle, éleveuse d’orchidées avec son mari, Philippe, obtenteur notoire au grand talent de coloriste, qui lance ça en rigolant. Le film décrit donc ces plantes épiphytes, c’est-à-dire des plantes accrochées aux arbres sans terre, cultivées ici depuis cent trente ans. A l’époque, cela faisait seulement un siècle que les orchidées étaient arrivées d’Asie ou d’Amérique latine, par bateau - et crevaient comme les animaux, par centaines. De riches collectionneurs payaient même des aventuriers pour aller les piller. Ici, à Boissy-Saint-Léger, la capitale de l’orchidée, les Vacherot-Lecoufle en possèdent 10 000 variétés et deux collections nationales - on recense près de 45 000 variétés hybrides dans le monde (obtenues par la main de l’homme).
«On les croise par genre, ce qui n’est pas possible dans la nature», précise Françoise Lecoufle, ajoutant qu’il y a 80 genres. La plus connue des orchidées - dont le nom vient du grec orchis qui signifie «testicules», et en langage de fleurs traduit «la ferveur» - est la Phalaenopsis à la forme iconique. Mais il y aussi la sexuelle catleya, le Zygopetalum un peu papillon, sans oublier les Odontoglossum, tels des animaux de mer.
On cultive donc la «ferveur» dans ces serres vénérables et restaurées, depuis que le grand-père de l’actuel obtenteur s’est associé avec son gendre horticulteur, diplômé de l’école de Versailles, pour faire des œillets, ceux qu’on met aux boutonnières de l’époque. Le gendre meurt à la guerre de 14, laissant deux bébés, toujours en vie, Marcel, 100 ans aux prunes, et le beau-père de Françoise, 97 ans. L’orchidée conserve, donc.
«Dans les années 20, poursuit Françoise Lecoufle, on commence à les reproduire, avant on ne savait que les acclimater.» Elles ornent les hôtels, les restaurants chics, les intérieurs bourgeois. Et les plus grands noms de l’argent les collectionnent : Panhard, Rothschild, Félix Potin, Lazard.
En 1960, le clonage révolutionne le monde de l’orchidée, en la mettant à portée de tous. «Le semis, analyse Françoise Lecoufle, donne naissance à des bébés différents : de très beaux spécimens qu’on vend très cher ou qu’on fait se reproduire, comme les chevaux ou les chiens de race et d’autres plus banals .» En clonant, « on ne reproduit que celles qui sont les plus à la mode, qui poussent le plus vite, fleurissent le plus longtemps, ne tombent pas malades. Mais quid de la diversité des variétés ?»
A Boissy, son mari travaille sur la taille pour obtenir des plantes plus trapues. «On planche sur une dizaine de genres, pour créer des couleurs, mettre au point des plantes mieux adaptées aux conditions de vie actuelles.» Comme un insecte, l’obtenteur récupère le pollen pour aller le coller sur une autre plante… Sauf qu’il choisit la fleur qu’il va polliniser. Ensuite, on compte un an de laboratoire pour observer le groupe, voir ce qui en sort. «On peut créer des banques de graines, comme de sperme. Il faut entre six et neuf mois pour que les graines deviennent plantes, avec des fausses couches, des ratages. On fait comme des FIV, de l’in-vitro.» Troublant. Des belles peuvent donner des moches, et vice-versa. Troublant, on vous dit.
Concurrence. A Saint-Cyr-en-Val (Loiret), près d’Orléans, dans la grande zone maraîchère, se déroule un immense site de 50 hectares, avec des serres sous arceaux toutes blanches et des baraques préfabriquées pour les bureaux. Dans le genre maison qui a 120 ans, on a vu mieux. « On a déménagé il y a presque trois ans , explique Arnaud Travers, fils, petit-fils, arrière-petit-fils de cultivateurs obtenteurs de clématites.«Il fallait qu’on s’agrandisse, qu’on abandonne notre côté artisanal. On a choisi de faire plus scientifique, oui, et plus marketing, plus rentable. L’obtention coûte très cher, car avant de vendre, il faut avoir au moins 500 plants. La concurrence internationale, en particulier hollandaise, est redoutable et la clématite n’est pas aussi demandée que la rose. Et c’est long d’hybrider.» Le dernier bébé Travers, Success Lavender, a mis dix ans avant de voir le jour (et de gagner un prix au salon du végétal d’Angers cette année).
Et voilà, on vient parler fleurs, on se retrouve à parler fric. Les temps ont bien changé depuis 1890 et l’arrière-grand-père Aristide Travers, maraîcher, qui à ses (rares) heures libres cultive sa passion : ces drôles de Clematis vitalba, de la famille des Ranunculaceae montées en graine, toutes fines, aériennes, avec des grandes fleurs, gauches presque, qui pratiquent l’art de la dissimulation (dans un buisson, dans des rosiers défleuris), presque aussi bien qu’un politique français. «Les gens venaient chez lui pour acheter des légumes et s’extasiaient devant ses clématites, juste quelques dizaines de plants. Au début du siècle, en plus du maraîchage, naît la pépinière de clématites.»
Couvre-sol. L’affaire est lancée, c’est dans les années 30 au tour de Raymond, le grand-père visionnaire, de développer la collection, heureusement soigneusement conservée pendant la Seconde Guerre mondiale par son fils : une soixantaine de variétés en tout, «aujourd’hui 400, triées sur le volet», explique Arnaud, dont la collection est nationale. Il y a 900 espèces naturelles dans le monde, plus de mille créées par l’humain [souvent anglais, l’humain, ndlr].» Mais pourquoi, diable, hybride-t-on des plantes déjà bien jolies à l’état naturel ? «Pour répondre à des besoins spécifiques : vous n’achèterez pas la même plante si vous avez un balcon ou un grand jardin. On peut aujourd’hui avoir des fleurs toute l’année, des plantes ultrarésistantes aux maladies, plusieurs gammes d’utilisation : des couvre-sol, des potées fleuries, des balcons, des boutons de bas en haut du plant, des variétés adaptées pour les arbres, les buissons, les rosiers», pour redonner de la couleur ou enjoliver des thuyas.
Elle est farceuse la clématite, on la plante, on l’oublie, et hop, elle surgit toute rose dans un massif. Comme à l’Arboretum d’Orléans, où la collection Travers est exposée : quelqu’un a demandé la référence de ce houx à fleurs bleues. Un houx à fleurs bleues ? Evidemment, c’était une clématite.
58e Journées des plantes de Courson, Domaine de Courson (Essonne), les 17, 18 et 19mai. Rens. : 01 64 58 90 12. www.domaine-de-courson.fr/ clematite www.clematite.net orchidées www.lorchidee.fr
Pas un eugéniste fou, mais l’obtenteur qui a ranimé les roses anciennes, André Eve, dont le nom se range avec les mythiques Meilland ou Delbard, grandes figures de la rose. Obtenteur ? Peu connaissent ce mot, et ce talent technico-horticole de créateur, d’inventeur d’une fleur ou d’une plante, d’une nouvelle couleur, forme, taille, parfum. C’est lui qui croise des roses, des iris, des cyclamens, des clématites (pas ensemble, mais ces quatre espèces sont les plus hybridées en France) pour en faire surgir de nouvelles variétés. Pas seulement pour la joie de la création, mais pour répondre au rêve du jardin esthétique toute l’année mais presque sans contraintes, à la demande de plantes résistantes, fleuries en toutes saisons, et à des tailles adaptées. Aux 58e Journées des plantes de Courson, qui se déroulent ce week-end sur le thème des «belles Américaines», on pourra découvrir 48 obtenteurs, de menthe à parfum de pamplemousse ou d’ananas par exemple. Balade chez deux créateurs-éleveurs de clématites et d’orchidées, depuis plusieurs générations.
Arrivée par bateau. A Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne), les orchidées se profilent à perte de vue (ou presque). Des clients ressortent avec ces graciles fleurs blanches, comme si c’était des nouveau-nés. Une dame conseille : «Allez voir le film, ça dure un quart d’heure, vous comprendrez tout.» C’est Françoise Lecoufle, éleveuse d’orchidées avec son mari, Philippe, obtenteur notoire au grand talent de coloriste, qui lance ça en rigolant. Le film décrit donc ces plantes épiphytes, c’est-à-dire des plantes accrochées aux arbres sans terre, cultivées ici depuis cent trente ans. A l’époque, cela faisait seulement un siècle que les orchidées étaient arrivées d’Asie ou d’Amérique latine, par bateau - et crevaient comme les animaux, par centaines. De riches collectionneurs payaient même des aventuriers pour aller les piller. Ici, à Boissy-Saint-Léger, la capitale de l’orchidée, les Vacherot-Lecoufle en possèdent 10 000 variétés et deux collections nationales - on recense près de 45 000 variétés hybrides dans le monde (obtenues par la main de l’homme).
«On les croise par genre, ce qui n’est pas possible dans la nature», précise Françoise Lecoufle, ajoutant qu’il y a 80 genres. La plus connue des orchidées - dont le nom vient du grec orchis qui signifie «testicules», et en langage de fleurs traduit «la ferveur» - est la Phalaenopsis à la forme iconique. Mais il y aussi la sexuelle catleya, le Zygopetalum un peu papillon, sans oublier les Odontoglossum, tels des animaux de mer.
On cultive donc la «ferveur» dans ces serres vénérables et restaurées, depuis que le grand-père de l’actuel obtenteur s’est associé avec son gendre horticulteur, diplômé de l’école de Versailles, pour faire des œillets, ceux qu’on met aux boutonnières de l’époque. Le gendre meurt à la guerre de 14, laissant deux bébés, toujours en vie, Marcel, 100 ans aux prunes, et le beau-père de Françoise, 97 ans. L’orchidée conserve, donc.
«Dans les années 20, poursuit Françoise Lecoufle, on commence à les reproduire, avant on ne savait que les acclimater.» Elles ornent les hôtels, les restaurants chics, les intérieurs bourgeois. Et les plus grands noms de l’argent les collectionnent : Panhard, Rothschild, Félix Potin, Lazard.
En 1960, le clonage révolutionne le monde de l’orchidée, en la mettant à portée de tous. «Le semis, analyse Françoise Lecoufle, donne naissance à des bébés différents : de très beaux spécimens qu’on vend très cher ou qu’on fait se reproduire, comme les chevaux ou les chiens de race et d’autres plus banals .» En clonant, « on ne reproduit que celles qui sont les plus à la mode, qui poussent le plus vite, fleurissent le plus longtemps, ne tombent pas malades. Mais quid de la diversité des variétés ?»
A Boissy, son mari travaille sur la taille pour obtenir des plantes plus trapues. «On planche sur une dizaine de genres, pour créer des couleurs, mettre au point des plantes mieux adaptées aux conditions de vie actuelles.» Comme un insecte, l’obtenteur récupère le pollen pour aller le coller sur une autre plante… Sauf qu’il choisit la fleur qu’il va polliniser. Ensuite, on compte un an de laboratoire pour observer le groupe, voir ce qui en sort. «On peut créer des banques de graines, comme de sperme. Il faut entre six et neuf mois pour que les graines deviennent plantes, avec des fausses couches, des ratages. On fait comme des FIV, de l’in-vitro.» Troublant. Des belles peuvent donner des moches, et vice-versa. Troublant, on vous dit.
Concurrence. A Saint-Cyr-en-Val (Loiret), près d’Orléans, dans la grande zone maraîchère, se déroule un immense site de 50 hectares, avec des serres sous arceaux toutes blanches et des baraques préfabriquées pour les bureaux. Dans le genre maison qui a 120 ans, on a vu mieux. « On a déménagé il y a presque trois ans , explique Arnaud Travers, fils, petit-fils, arrière-petit-fils de cultivateurs obtenteurs de clématites.«Il fallait qu’on s’agrandisse, qu’on abandonne notre côté artisanal. On a choisi de faire plus scientifique, oui, et plus marketing, plus rentable. L’obtention coûte très cher, car avant de vendre, il faut avoir au moins 500 plants. La concurrence internationale, en particulier hollandaise, est redoutable et la clématite n’est pas aussi demandée que la rose. Et c’est long d’hybrider.» Le dernier bébé Travers, Success Lavender, a mis dix ans avant de voir le jour (et de gagner un prix au salon du végétal d’Angers cette année).
Et voilà, on vient parler fleurs, on se retrouve à parler fric. Les temps ont bien changé depuis 1890 et l’arrière-grand-père Aristide Travers, maraîcher, qui à ses (rares) heures libres cultive sa passion : ces drôles de Clematis vitalba, de la famille des Ranunculaceae montées en graine, toutes fines, aériennes, avec des grandes fleurs, gauches presque, qui pratiquent l’art de la dissimulation (dans un buisson, dans des rosiers défleuris), presque aussi bien qu’un politique français. «Les gens venaient chez lui pour acheter des légumes et s’extasiaient devant ses clématites, juste quelques dizaines de plants. Au début du siècle, en plus du maraîchage, naît la pépinière de clématites.»
Couvre-sol. L’affaire est lancée, c’est dans les années 30 au tour de Raymond, le grand-père visionnaire, de développer la collection, heureusement soigneusement conservée pendant la Seconde Guerre mondiale par son fils : une soixantaine de variétés en tout, «aujourd’hui 400, triées sur le volet», explique Arnaud, dont la collection est nationale. Il y a 900 espèces naturelles dans le monde, plus de mille créées par l’humain [souvent anglais, l’humain, ndlr].» Mais pourquoi, diable, hybride-t-on des plantes déjà bien jolies à l’état naturel ? «Pour répondre à des besoins spécifiques : vous n’achèterez pas la même plante si vous avez un balcon ou un grand jardin. On peut aujourd’hui avoir des fleurs toute l’année, des plantes ultrarésistantes aux maladies, plusieurs gammes d’utilisation : des couvre-sol, des potées fleuries, des balcons, des boutons de bas en haut du plant, des variétés adaptées pour les arbres, les buissons, les rosiers», pour redonner de la couleur ou enjoliver des thuyas.
Elle est farceuse la clématite, on la plante, on l’oublie, et hop, elle surgit toute rose dans un massif. Comme à l’Arboretum d’Orléans, où la collection Travers est exposée : quelqu’un a demandé la référence de ce houx à fleurs bleues. Un houx à fleurs bleues ? Evidemment, c’était une clématite.
58e Journées des plantes de Courson, Domaine de Courson (Essonne), les 17, 18 et 19mai. Rens. : 01 64 58 90 12. www.domaine-de-courson.fr/ clematite www.clematite.net orchidées www.lorchidee.fr
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