Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
L'Égypte et l'Éthiopie se disputent les eaux du Nil
Le partage des eaux du Nil est l'objet d'un vieux contentieux entre l'Égypte et l'Éthiopie. Ici, au Caire. Crédits photo : AMR ABDALLAH DALSH/REUTERS
INFOGRAPHIE- Un projet de barrage éthiopien sur le Nil a déclenché un conseil de guerre au Caire. La diplomatie tente de reprendre la main pour amorcer des pourparlers
La «tempête sur le Nil» connaît enfin un vent d'accalmie. Provoquées fin mai par les préparatifs de la construction d'un gigantesque barrage sur l'affluent éthiopien du mythique fleuve, les tensions hydro-diplomatiques opposant Le Caire et Addis-Abeba ont été désamorcées de justesse à l'issue d'un rencontre de deux jours, lundi et mardi, entre les ministres des Affaires étrangères d'Égypte et d'Éthiopie. Ces derniers sont convenus, après de longs entretiens, d'amorcer des pourparlers. «Nous sommes tombés d'accord pour commencer immédiatement des consultations à la fois au niveau technique (…) et politique», a déclaré à la presse le chef de la diplomatie égyptienne, Mohammed Kamel Amr, en conclusion de ses échanges à Addis-Abeba avec son homologue éthiopien Tedros Adhanom.
Le ton est monté entre les deux pays depuis que l'Éthiopie a commencé à dévier, le 28 mai, les eaux du Nil sur environ 500 mètres pour construire le gigantesque barrage hydroélectrique de la «Renaissance», d'une capacité de 6000 mégawatts. Situé près de la frontière soudanaise, sur le Nil Bleu - dont les eaux rejoignent à Khartoum celles du Nil Blanc pour former le fleuve qui traverse l'Égypte -, l'ouvrage s'inscrit dans un vaste programme de valorisation des ressources hydrauliques éthiopiennes. Annoncée en 2011, sa construction - dont le coût s'élève à 3,2 milliards d'euros - devrait, selon Addis-Abeba, permettre à terme de fournir ses voisins, dont le pays des pharaons, en électricité bon marché.
Retransmis en direct
Mais Le Caire ne l'entend pas ainsi. Le 3 juin, un meeting à huis clos de personnalités politiques égyptiennes convoquées par le président Morsi a tourné au conseil de guerre: les uns suggérant ouvertement de détruire le barrage, les autres proposant de corrompre de hauts fonctionnaires éthiopiens, voire de soutenir des groupes séparatistes. Sauf que, ce jour-là, les caméras de la télévision égyptienne, présentes dans la salle, ont tout retransmis en direct.
Gaffe ou coup monté pour faire peur aux Éthiopiens? La violence des propos égyptiens n'a pas tardé à provoquer des remous. Furieux, le ministre éthiopien des Affaires étrangères a aussitôt prévenu, sur son compte Twitter, que son pays ne se laisserait pas intimider, tandis que Morsi s'efforçait de calmer le jeu en promettant de n'engager aucune action agressive contre l'Éthiopie.
Pourtant, le mal était fait. L'affaire, perçue comme un énième signe de maladresse du président égyptien, vivement contesté en Égypte à l'approche du premier anniversaire de son élection, a réveillé un vieux contentieux. En 1959, l'Égypte et le Soudan s'octroyèrent, par la signature d'un traité commun, une primauté et d'importants privilèges sur l'accès aux eaux du fleuve. C'était l'époque où tous les pays du bassin du Nil étaient sous administration coloniale.
«Nous avons deux options, nager ou couler ensemble. Je pense que l'Éthiopie choisit, comme l'Égypte, de nager ensemble.»
Pour sa part, le Parlement éthiopien a ratifié, le 13 juin 2010, un traité avec la majorité des États du bassin du Nil, qui prévoit une «utilisation équitable des eaux» par les pays riverains. Or ce texte, qui permet notamment la mise en œuvre de projets hydrauliques sans l'autorisation préalable du Caire, n'est reconnu ni par l'Égypte, ni par le Soudan. Ainsi, les consultations à venir impliqueront Le Caire, Addis-Abeba, mais également Khartoum.
Mardi, l'Égypte et l'Éthiopie ont aussi affiché une volonté commune de maintenir, selon l'expression utilisée, des relations «fraternelles». En guise de mea culpa, le ministre égyptien a, lui, évoqué les réactions «à chaud» de son pays. «Nous avons deux options, nager ou couler ensemble», a alors renchéri son homologue éthiopien, en ajoutant: «Je pense que l'Éthiopie choisit, comme l'Égypte, de nager ensemble». Reste que, si l'Éthiopie est prête à discuter, elle a déjà rejeté l'idée de renoncer purement et simplement au barrage - un barrage qui, dit-elle, est indispensable à ses besoins énergétiques.