Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Le corps féminin, une image trouble
Le Monde | 27.06.2013 à 10h06 • Mis à jour le 28.06.2013 à 14h54 | Par Claire Guillot (Madrid)
En 2013, PhotoEspaña, l'un des plus gros festivals mondiaux consacrés à la photographie, a choisi de se pencher sur le thème du corps. Mais qui dit corps, en photo, dit inévitablement corps de femme. Le genre du nu, hérité de la peinture, est encore dominé par les fesses rondes, les seins rebondis et les hanches pleines... Les courbes féminines restant la matière première incontournable d'un exercice esthétique à l'intérêt rarement remis en cause.
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Ce qui rend d'autant plus passionnante l'exposition majeure du festival consacré aux "Avant-gardes féministes des années 1970". La fondation autrichienne Sammlung Verbund, à laquelle on doit déjà une riche étude sur les premiers travaux de Cindy Sherman (ed. Hatje Cantz), a réuni les œuvres de femmes qui ont revisité l'identité féminine et en ont subverti les représentations.
RAGE ET SUBVERSION
Leur travail a reçu peu d'échos jusqu'ici : sur les vingt et une artistes présentées, seule Cindy Sherman est vraiment célèbre. Et la plupart d'entre elles sont mortes. Lors du vernissage, début juin, seule Alexis Hunter parcourait les salles : cette Néo-Zélandaise, installée à Londres, reste pugnace, quand bien même elle a perdu la voix et doit écrire des mots sur une ardoise. "Ce n'est que récemment que le marché de l'art s'est intéressé à nous, écrit-elle. Je pense que le féminisme est trop radical pour être digéré par le libéralisme."
Selon la commissaire Gabriele Schor, alors que pendant des siècles, l'image de la femme a été le produit des fantasmes masculins, dans les années 1970, les artistes femmes ont commencé à se l'approprier. "Elles ont choisi les nouveaux médias pour le faire – photo, vidéo, performance – parce que ces derniers n'avaient pas d'histoire, et donc pas d'histoire masculine. Et aussi parce qu'en photo on change facilement de rôle et de sexe."
Il y a dans les travaux exposés de la rage et de la subversion : chez Birgit Jürgenssen, la femme-objet en prend pour son grade, et chez Alexis Hunter l'homme se voit castré d'un coup de peinture rageur – lors du vernissage de son exposition, l'œuvre avait tellement scandalisé les gardiens masculins qu'elle avait dû être retirée. Mais dans ces années 1970 si revendicatrices, on croise aussi de l'humour, de la poésie et une bonne dose d'ambiguïté. Ainsi Alexis Hunter, la même, joue à remonter sa longue jupe verte : l'accessoire devient tour à tour un vêtement sexy, une burqa, une tente, une prison – outil de protection ou d'oppression ?
"REMETTRE EN CAUSE LA PHOTOGRAPHIE"
Dans l'un de ses travaux les plus réussis, l'artiste a aussi demandé à plusieurs hommes – dont son petit ami – de la prendre en photo. Elle a accroché les portraits à côté d'un autre, réalisé par ses soins : il est facile à repérer, c'est le seul où la séduction soit complètement absente. "Tous ces travaux voulaient remettre en cause la photographie, et le rôle qu'on lui faisait jouer", résume l'artiste.
L'exposition réserve quelques découvertes : aux côtés de toutes ces artistes, Cindy Sherman apparaît tout à coup un peu moins seule – d'autres, comme Martha Wilson, Eleanor Antin ou Suzy Lake, ont aussi expérimenté avec le maquillage ou les jeux de rôle, passant du féminin au masculin pour mieux en interroger la frontière.
D'autres pointent déjà les sujets qui vont devenir brûlants : dans une vidéo, l'Egyptienne Nil Yalter interprète une lascive danse du ventre, le corps couvert d'inscriptions reproduisant un texte de René Nelli sur la "haine du clitoris" dans les sociétés islamiques traditionnelles. Côté audace, on n'a pas fait mieux : les corps couverts de calligraphies signés Shirin Neshat, artiste contemporaine exposée non loin, semblent soudain bien inoffensifs.
PhotoEspaña, jusqu'au 1er septembre, à Madrid. phe.es
L'édition 2013, "un miracle" dans un pays en crise
Pour la directrice de PhotoEspaña, Claude Bussac, l'édition 2013, avec ses 74 expositions, est "un miracle". Dans une Espagne en crise, le budget du festival a baissé de 40 % en deux ans, pour atteindre environ 2,3 millions d'euros. "Toutes les subventions ont baissé. La mairie nous a abandonnés." Ce festival, qui draine 70 000 visiteurs, a pu être financé grâce à des sponsors, des fondations et l'aide d'ambassades étrangères.
Pour autant, la Fabrica, entreprise culturelle qui organise le festival, lance de nouveaux projets : l'ouverture d'un restaurant et la mise en place d'un master de photo à Alcobendas, près de Madrid.
L'édition 2013, "un miracle" dans un pays en crise
Pour la directrice de PhotoEspaña, Claude Bussac, l'édition 2013, avec ses 74 expositions, est "un miracle". Dans une Espagne en crise, le budget du festival a baissé de 40 % en deux ans, pour atteindre environ 2,3 millions d'euros. "Toutes les subventions ont baissé. La mairie nous a abandonnés." Ce festival, qui draine 70 000 visiteurs, a pu être financé grâce à des sponsors, des fondations et l'aide d'ambassades étrangères.
Pour autant, la Fabrica, entreprise culturelle qui organise le festival, lance de nouveaux projets : l'ouverture d'un restaurant et la mise en place d'un master de photo à Alcobendas, près de Madrid.
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