Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Murano, les vertiges du verre(que j'ai vus en mai)
Murano, les vertiges du verre
Javier Perez Carrona, Sans titre, 2011, verre, corbeaux naturalisés, 120 x 235 x 300 cm (Produits par Le Studio Berengo et Venice Projects. ©Francesco Allegretto).
Ce printemps, le musée Maillol, à Paris, plonge au cœur des renaissances successives du verre soufflé à Venise. Un sujet dont nous croyons tout connaître mais, des arts décoratifs à l’art contemporain, le matériau sait déjouer les attentes.
Quelle pièce amener au premier plan dans la sélection des « verres » de Murano proposée par le musée Maillol ? Le vase en murrine transparentes d'Ercole Barovier (1925), avec ses bouquets stylisés orange se détachant sur un fond azuréen, vibrant hommage aux peintres de la Sécession viennoise et à l'Art Nouveau ? Ou la coupe à pied bleu paonazzo du musée du Bargello (XVe siècle), avec son décor émaillé et doré Au Triomphe de la Justice, inspiré de Pétrarque? Le vase Libellule (1921) de Vittorio Zecchin, qui retrouve l'élégance immatérielle des premières formes soufflées dans le cristallo vénitien au début du XVIe siècle, ou la théière noir et blanc, façon droïde, dessinée par Ettore Sottsass en 1977 ?
La coupe Sommerso (1960) de Flavio Poli, superposant plusieurs couches de verre transparent coloré, ou l'enroulement de délicates « sucreries » polychromes, fleurs, feuilles et fruits, autour du pied d'un verre rococo ? La question n'est pas que de simple « goût », qui privilégierait tantôt la forme, tantôt le décor, tantôt la matière-verre elle-même ou ses couleurs. Au verre de Venise, « qui fut l'un des éléments décoratifs les plus importants dans les riches résidences des souverains, princes et élites européennes à partir de la Renaissance », ainsi que l'écrit Attilia Dorigato dans son ouvrage sur le sujet (éd. Citadelles & Mazenod, 2003), sont aujourd'hui associées certaines qualités décoratives (finesse, légèreté, transparence, éclat de la couleur), qui ont dégénéré jusqu'au cliché à travers des productions devenues insignifiantes à force d'être répétitives et conventionnelles.
Le mérite des commissaires de l'exposition, Rosa Barovier Mentasti, Christina Tuni, et Olivier Kaeppelin (pour l'art moderne et contemporain), consiste à avoir redonné une épaisseur historique, sociologique, technologique et artistique à ce matériau si ténu et « fragile » (le titre de la manifestation). Une fragilité qui devient ici seconde face à la capacité de la matière vitreuse soufflée à chaud et travaillée à main levée-la tradition muranienne-de répondre aux désirs d'innovation qui ont accompagné une bonne partie de son développement à travers des pièces d'une diversité surprenante.
Lire la suite dans le Magazine Connaissance des Arts mai 2013
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