Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
"La cavale de Lina", de Marc Villard et Jean-Christophe Chauzy
Le Monde.fr | 11.07.2013 à 10h14 • Mis à jour le 12.07.2013 à 12h17 | Par Yann Plougastel et Christine Ferniot
Quand le jazz est là
A 59 ans, être journaliste n'est pas forcément une sinécure. Antoine Baru en sait quelque chose. Il est reporter tout-terrain à Paca News, un hebdomadaire qui couvre l'actualité, de Marseille à Avignon. Le soir, en buvant quelques verres de rosé, il écoute du jazz et plus particulièrement un CD du saxophoniste californien Art Pepper, dont "l'alto s'accorde bien aux bruits de la nuit". De temps en temps, Fiona Monteil, la gironde assistante du DRH du journal, vient rompre sa solitude. A part ça, il y a les comptes rendus des conseils municipaux, les comices agricoles, les départs à la retraite, la nouvelle caserne de pompiers...
Jusqu'au jour, où, à la fin d'une représentation de La Première Mort de Stanley Kubrick, de John Foster, pendant le Festival "off" d'Avignon, une jeune fille est retrouvée égorgée au fond de la salle. Elle s'appelait Lina Marchetti. Et Baru, frappé par la ressemblance avec sa fille Cécile, qui vit en Australie, va chercher à comprendre les raisons de l'ultime cavale de Lina... Ce qui va lui causer bien des tracas.
Une illustration de Jean-Christophe Chauzy pour "La Cavale de Lina". | LE MONDE
Le romancier Marc Villard est un spécialiste du texte court. Après avoir été batteur de rock, puis poète, il a publié son premier polar en 1980 (Légitime démence), tout en écrivant le scénario de Neige, le premier film de Juliette Berto, autour de Pigalle. Suivront Corvette de nuit, Rouge est ma couleur, La Guitare de Bo Diddley, Un ange passe à Memphis...
Très marqué par la culture américaine et les écrivains de la "Série noire" (John D. McDonald, Day Keene...), ce fou de jazz se mit à écrire sur les losers, les perdants ou des musiciens à la dérive. "J'affectionne les gens qu'on laisse sur le bord de la route et dont on parle peu dans la littérature générale. C'est une tendance forte dans le polar né dans les années 1980 : un regard social sur le monde lié à la violence quotidienne. Evidemment, les marginaux sont concernés", explique-t-il.
Ecrits à l'oreille, peuplés de références jazzistiques, tournant le dos à la psychologie et préférant le comportemental, ses textes se développent sur un rythme vif, avec des syncopes internes, qui leur donnent un swing brillant. Inutile de préciser que son héros, Antoine Baru, lui ressemble beaucoup. Y. P.
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Marc Villard et Jean-Christophe Chauzy, vus par Jean-Christophe Chauzy. | Le Monde
L'auteur: Marc Villard
Né en 1947, Marc Villard est diplômé de l'Ecole Estienne, où il se spécialise dans le graphisme. C'est en 1968 qu'il commence à écrire de la poésie. Dix ans plus tard, il s'oriente vers la fiction à travers le polar. Il publie Corvette de nuit aux éditions Fayard, où il pose déjà ses thèmes essentiels : la banlieue, le rock, des héros à la marge. En 1984, il entre à la Série noire avec Ballon mort puis La Dame est une traînée, avant de publier chez Rivages la plupart de ses romans et recueils de nouvelles noires (La Guitare de Bo Diddley, Rouge est ma couleur, Cœur sombre...). C'est la pratique de la poésie, une façon de « dégraisser » le texte, d'aller vers l'essentiel, qui le pousse vers la nouvelle et la novella. Aujourd'hui, il a écrit et publié plus de quatre cents nouvelles.
Scénariste pour le cinéma (Neige, de Juliet Berto) et la télévision (pour Cyril Collard et Brigitte Roüan), Marc Villard se tourne également vers la bande dessinée en compagnie de Loustal, Jean-Christophe Chauzy, Jean Philippe-Peyraud ou Miles Hyman. Il y affirme son plaisir à travailler avec d'autres artistes –(espace) dessinateurs, photographes, peintres – mais également avec des écrivains comme Jean-Bernard Pouy. Il signe avec lui trois recueils de textes ( Ping-Pong, Tohu-Bohu et Zigzag aux éditions Rivages) où, chaque fois, ils se répondent à coups de cadavres exquis, duels burlesques ou détours thématiques.
Parallèlement à ses romans, bandes dessinées et nouvelles noires, Marc Villard a signé des fictions pour la jeunesse comme Les Doigts rouges, chez Syros, mais aussi des textes autobiographiques et humoristiques aux éditions de L'Atalante : J'aurais voulu être un type bien, Un jour je serai latin lover, Avoir les boules à Istanbul... Ces textes courts ont été adaptés en bande dessinée par Jean- Philippe Peyraud sous le titre Quand j'étais star, chez Casterman.
Il vient de publier en 2013 une fiction, Pazuzu, autour du démon assyrien du même nom, aux éditions Invenit, et une uchronie située en 2015, Dégage, chez in8. Chr. F.
L'illustrateur: Jean-Christophe Chauzy
Né à Toulouse en 1964, Jean-Christophe Chauzy cultive très tôt sa double passion pour le rock et la bande dessinée. Il commence sa carrière de dessinateur dans la presse indépendante, Nineteen à Toulouse, Combo ou Best à Paris. Dès 1989, il signe ses premiers albums chez Futuropolis ( Bayou Joey, avec Matz).
Il explore en alternance deux veines scénaristiques. L'une est directement liée au polar lorsqu'il rencontre Thierry Jonquet. Avec cet écrivain, il signe quatre bandes dessinées, La Vigie, La Vie de ma mère, DRH et Du papier, faisons table rase, toutes chez Casterman. Son attention pour le roman noir le porte également vers Marc Villard. Ils publient, chez Casterman toujours, Rouge est ma couleur et La Guitare de Bo Diddley. Les rues de Belleville, l'univers de Barbès, les nuits de Pigalle, sont les terrains de création qu'il partage avec ces écrivains de fiction noire.
Son autre univers est plus autobiographique et fantaisiste quand il imagine avec des co scénaristes comme Zep, Yan Lindingre ou Anne Barrois la série Petite nature (trois tomes chez Fluide glacial), où chaque livre tourne en dérision un personnage de quadragénaire qu'il semble bien connaître et maltraite avec ironie. Avec Anne Barrois toujours, Chauzy aborde les aventures humoristiques de Charles en Afrique dans Bonne arrivée à Cotonou (Dargaud).
Au printemps 2012, Jean-Christophe Chauzy s'est lancé un autre défi en signant avec la journaliste Caroline Fourest un album intitulé La Vie secrète de Marine Le Pen (éditions Grasset/Drugstore). L'album reprend l'enquête journalistique pour développer une galerie de portraits aussi délirants que réalistes. Il vient également de publier Revanche, avec le scénariste Nicolas Pothier (chez Treize Etrange) : une œuvre qui plonge à nouveau dans la réalité en évoquant, à travers le personnage de Thomas Revanche, les abus de pouvoir et les patrons voyous.
Jean-Christophe Chauzy enseigne le graphisme à Paris. Chr. F.
Yann Plougastel et Christine Ferniot