Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Pendant mon séjour à Venise, j'ai lu:"Voiles de mort", de Didier Daeninckx, illustré par Loustal
Le Monde.fr | 20.06.2013 à 15h11 • Mis à jour le 02.07.2013 à 16h03 | Par Yann Plougastel et Christine Ferniot
Bye, bye, my love...
Lui, c'est Michel. Il bricole. A Port-Vila, la capitale du Vanuatu, la vie n'a rien d'un enfer, pour un Frenchy à la coule, qui cherche à se faire oublier après une embrouille autour d'une valise de quatre kilos de hasch disparue entre Algésiras et le canal Saint-Denis... De son bungalow au studio de radio où il tient l'antenne quelques heures par jour pour s'offrir un plat de thon mi-cuit au curry avec tranches d'ananas, son quotidien ressemble même à une carte postale sous les cocotiers. Mais à trop tâter du "kava", une décoction de racines d'une plante de la famille du poivrier, aux effets émollients, on est parfois victime de réveils difficiles et de rencontres imprévues. Comme celle avec Louise, la belle Belge, à la barre d'un voilier arborant un drapeau corse, qui a trop lu Erromango, roman de Pierre Benoît (1920)...
Une illustration de Loustal pour "Voiles de mort". | LE MONDE
Même sous la torture, nous n'en dirons pas plus. Sachez simplement que Voiles de mort, le deuxième volume de la nouvelle saison estivale des "Petits polars du Monde", permet à Didier Daeninckx de pétrir encore une fois cette pâte, l'humain, où il puise depuis trente ans l'essentiel de ses livres. Fortement marqué par des auteurs de la "Série noire" comme Jean Amila ou Jean-Patrick Manchette, il a toujours inscrit ses romans noirs dans la réalité sociale.
Des cocotiers, justement, il en a secoué en se penchant sur la répression sanglante de la manifestation du FLN à Paris, le 17 octobre 1961 (Meurtres pour mémoire, Gallimard, 1984). Caché derrière ses moustaches de mousquetaire, ce d'Artagnan de la Remington fait mouche à chaque fois à la fin de ses envois. Ce qui ne l'empêche pas de manier un humour noir, féroce et provocateur, ramenant les problèmes du monde à une dimension très terre à terre. Surtout lorsque l'intrigue s'achève sur une île... flottante.
Voiles de mort se situe aux antipodes des banlieues qui servent la plupart du temps de terrain de chasse à cet habitant d'Aubervilliers la rouge, mais s'inscrit néanmoins dans la lignée de ses recueils de nouvelles (En marge, Zapping, L'Espoir en contrebande), chronique désabusée et grinçante du monde tel qu'il va. L'histoire de Michel et de Louise (clin d'oeil à Louise Michel, l'insoumise qui fut exilée en Nouvelle-Calédonie après la Commune ?) ne fera jamais la "une" d'un quotidien. C'est pourtant un de ces faits divers dont on parle dans tous les ports du monde. Au Vanuatu ou ailleurs... Y. P.
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Loustal et Didier Daeninckx, vus par Loustal. | Le Monde
L'auteur: Didier Daeninckx
Né en 1947, à Saint-Denis, Didier Daeninckx devient, à 17 ans, ouvrier imprimeur, puis animateur culturel et journaliste localier. C'est en 1982 qu'il écrit son premier roman, Mort au premier tour, où apparaît le personnage de l'inspecteur Cadin, qu'il retrouvera dans Meurtres pour mémoire, deux ans plus tard. Ce deuxième ouvrage a pour toile de fond la manifestation des Algériens, le 17 octobre 1967, à Paris. Le livre est un succès. Il est adapté à la télévision, en bande dessinée avec Jeanne Puchol et à la radio, sur France Culture. Didier Daeninckx conserve encore quelque temps son personnage de flic mal dans sa peau avant de « suicider » Cadin en 1990, dans Le Facteur fatal.
Parallèlement, le format court le séduit, et il écrit en alternance des nouvelles et des romans. Zapping, recueil de 1992, obtient le prix Louis Guilloux, mais on peut également citer Autres lieux, Main courante, Le Dernier Guérillero, Histoires et faux-semblants, tous publiés aux éditions Verdier. En 2012, son recueil L'Espoir en contrebande, aux éditions du Cherche Midi, est récompensé par le prix Goncourt de la nouvelle.
Roman noir ou « blanc », historique ou contemporain, populaire ou policier, Didier Daeninckx ignore les catégories et les frontières. Dans des œuvres comme Missak (aux éditions Perrin), l'histoire de Missak Manouchian, un résistant arménien qui dirigea le groupe du même nom durant la dernière guerre, le romancier ne s'intéresse pas seulement à l'action mais à la vie du personnage. Passionné d'archives, l'auteur creuse l'anecdote, aime les oubliés, les réfractaires. C'est à nouveau le cas, en 2012, dans Le Banquet des affamés (Gallimard), où l'écrivain accompagne le destin de Maxime Lisbonne, héros de la Commune et créateur du théâtre « déshabillé », qui, tel un Coluche du XIXe siècle, créa les premiers « restaurants du cœur ». Didier Daeninckx poursuit dans cette voie avec son dernier ouvrage, paru en 2013, Têtes de Maures (L'Archipel), où il se penche sur un épisode inconnu de l'histoire corse : une expédition militaire organisée par Pierre Laval en 1931.
La bande dessinée n'est pas en reste. Souvent adapté, il signe également des scénarios originaux comme Octobre noir, avec le dessinateur Mako. Son objectif : « jeter des passerelles de fiction entre deux blocs de réalité ».Chr. F.
L'illustrateur: Loustal
Né en 1956 à Neuilly, Jacques de Loustal suit des études d'architecture aux Beaux-Arts de Paris tout en publiant des illustrations dans Rock&Folk. A partir de 1979 débute une longue complicité avec le scénariste Philippe Paringaux, en commençant par des histoires brèves pour Métal hurlant qui se retrouveront en albums dans New York Miami ou Clichés d'amour, quelques années plus tard. En 1984, Loustal participe de façon régulière au mensuel A suivre. C'est là qu'il publiera des livres comme Barney et la note bleue ou Un jeune homme romantique, sur des scénarios de Philippe Paringaux, mais aussi Les Frères Adamov avec le romancier Jerome Charyn.
Travailler avec des écrivains l'intéresse particulièrement puisqu'il collabore aussi avec Marc Villard, Tito Topin, Jean-Luc Fromental, Jean-Luc Coatalem, avec qui il signe Jolie mer de Chine ou Rien de neuf à Fort Bongo (chez Casterman) ou Tonino Benacquista pour Les Amours insolentes-17 variations sur le couple. En 2008, il signe l'adaptation en bande dessinée d'une nouvelle de Dennis Lehane, Coronado. L'œuvre de Georges Simenon l'inspire également : il va illustrer nombre de ses romans pour les éditions Omnibus.
Parallèlement à son travail d'auteur de bande dessinée, à ses livres pour la jeunesse, comme Dune (Seuil Jeunesse) ou Adsiwal sur un texte de Manchette (Gallimard jeunesse), Loustal publie ses illustrations dans des journaux comme le New Yorker, fait des affiches de films, des couvertures de livres.
Grand voyageur, il rapporte de ses pérégrinations des carnets de dessins qu'il propose depuis 1990 (Seuil). En 2009, il a réuni dans un magnifique ouvrage à la Table ronde nombre de ses Dessins d'ailleurs. En 2012, South African Road Trip évoque ses souvenirs d'Afrique du Sud, publiés aux éditions Zanpano.
Fin 2012, chez Casterman, Loustal a imaginé une nouvelle bande dessinée, Pigalle 62.27 sur un scénario de Jean-Claude Götting, un très bel hommage au polar des années 1950 avec vengeance, escroquerie et ambiance cinématographique d'après-guerre. Chr. F.
Yann Plougastel et Christine Ferniot