Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Neil Young, le pape des décibels
« Imprévisible » est le qualificatif qui décrit sans doute le mieux Neil Young, même si l’on a longtemps hésité avec « déconcertant ». Car Neil Young ne fait jamais rien comme les autres.
Les mémoires qu’il publia l’année dernière, « Une autobiographie » (Robert Laffont), ne sont pas linéaires. Livrées à la va- comme-je-te-pousse pour ne pas dire décevantes. Le 8 juin dernier sur la scène de Bercy, le concert commença par une écoute de « La Marseillaise » presque au garde-à-vous de la part des musiciens, enchaînée avec une version tonitruante de « Love and Only Love ».
Malgré tout, cette nouvelle tournée en compagnie de son groupe fétiche, le Crazy Horse, obéit à quelques règles. La première est celle de la fidélité. Le groupe qui l’accompagne est celui qui, au fil des années, l’aida à enregistrer de magnifiques albums (« After The Gold Rush », « Zuma », « Rust Never Sleeps »). On le retrouve sur les deux dernières livraisons « Americana » et Psychedelic Pill ».
Frank Sampedro (guitare), Billy Talbot (basse) et Ralph Molina (batterie) aiment tout autant les larsens que leur chef. Ensemble, ils enlacent à corps perdu la fée Electricité pour quelques moments forts bruyants qui déstabilisent la frange du public peu habituée, mais ravit celle qui reconnaît en Neil Young le pape du grunge. Lorsque Kurt Cobain mit fin à ses jours, il avait d’ailleurs dans sa poche ces quelques mots : « Vaut mieux cramer d’un coup que s’éteindre à petit feu… », extraits de « Hey Hey, My My »., l’un des morceaux de bravoure de cette tournée.
Si ce déchaînement de la part de papys (moyenne d’âge entre 67 et 70), peut prêter à sourire, lorsqu’il se trouve entrecoupé de morceaux aussi magnifiques que « Cinnamon Girl » ou « Blowin’ in the Wind », c’est une vague d’émotion qui submerge l’audience.
Neil Young fête cette année son demi-siècle de bons et loyaux services. Son premier disque est sorti en 1963 avec les Squires. Et il n’a jamais pu oublier cette période charnière qu’était sa première visite européenne avec le Crazy Horse, juste avant la sortie de « Harvest ». Alors que la récolte s’avérait exceptionnelle – ce disque était un mix de folk et de rock doublé d’une limpidité à toute épreuve –, l’innocence de cette beauté s’avéra éphémère. Le 18 novembre 1972, le guitariste du Crazy Horse, Danny Whitten, s’éteint, à la suite d’un mauvais dosage de Valium et d’alcool ; le 4 juin c’est au tour du roadie Bruce Berry de succomber à une overdose d’héroïne. Neil Young continuera bien sûr à enregistrer quelques magnifique ballades, mais avec désormais un goût d’amertume. Blessure à jamais ouverte, son art se fera volontiers emporté et coléreux, car Neil Young s’est toujours senti responsable de la mort de ses anciens compagnons.
« Vaut mieux cramer d’un coup que s’éteindre à petit feu… », crie-t-il chaque soir, c’est pour cette raison que les deux heures en sa compagnie passent sans temps mort.