Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Michel Déon : «Ceux qui ont changé ma vie»
Décrite dans Mes Arches de Noé (Folio), la scène se déroule dans la cour d'école du lycée Janson-de-Sailly. Michel Déon - qui se prénomme alors Edouard - n'a pas encore 15 ans, mais quelques convictions politiques et des goûts littéraires affirmés. Orphelin d'un père haut fonctionnaire qui fut ministre à Monaco, il a grandi sans frère ni sœur, et le futur résident de Madère et Spetsai s'est déjà construit un imaginaire insulaire en dévorant des romans comme Robinson Crusoé. Dans ce lycée bourgeois du XVIe arrondissement de Paris où il n'est pas rare de voir des élèves descendre d'une voiture de luxe avec chauffeur avant de pénétrer dans l'établissement, il a pour bon camarade un certain François, boursier aussi brillant en mathématiques que fervent militant royaliste. Ce 7 février 1934, lendemain d'une journée au cours de laquelle la police a réprimé dans le sang une manifestation des ligues nationalistes aux allures d'émeute (15 morts et près de 1 500 blessés), le garçon aux yeux sombres et à la voix bientôt célèbre lui tend la petite carte bleue de membre de l'association des lycées d'Action française: «Cette fois, j'espère que tu as compris.» Déon la saisit et tend cinq francs en échange.