Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Aline : « La France est un pays difficile pour la pop »
Propos recueillis par Pauline Le Gall - Le 31/12/2012
Lescop, Granville, La Femme… On ne parle plus que de la pop française dont Aline est une figure de proue, le lien manquant entre les Smiths et Etienne Daho. Des paroles mélancoliques, des lignes mélodiques claires et catchy, le groupe signe « Regarde le ciel » et s'embarque le 24 janvier pour une tournée dans toute la France, qui passera par l'Alhambra le 28 mai.
Faire de la pop en français ressemble à un périlleux exercice de funambulisme. Dans les années 80, on est soit Taxi Girl, soit Début de Soirée. Soit Daho, figure pionnière de la french pop, soit Desireless. La balance du kitsch bascule d’un côté ou de l’autre. Cette position sur le fil a entraîné la disparition précipitée de la pop en France dans les années 90, emportant dans sa chute Gamine et les Valentins. Quand Aline s’est formé, au printemps 2009 à Marseille, Romain Guerret, leader du groupe, a décidé de chanter dans la langue de Molière. Il avait envie de prendre le contrepied de l’école Phoenix, qui avait imposé l’anglais comme langue officielle du rock. Ses influences? Les guitares claires des Smiths, des premiers albums des Cure et de The Jesus and Mary Chain. Romain veut décomplexer la pop française, comme il avait déjà tenté de le faire avec son premier projet solo, Dondolo. Son nouveau groupe s’appelle Young Michelin, et ses premiers titres, compilés sur un EP terriblement efficace, permettent au groupe de gagner le concours des Inrocks CQFD. Un procès contre le géant du pneu plus tard, le quatuor se voit obligé de devenir Aline. Le groupe se forge une solide réputation avec une première balade tubesque Je bois et puis je danse, et devient porte drapeau d’une pop qui prend de l’ampleur avec Granville, La Femme, Pendentif... La nouvelle scène française est née. On a rencontré Romain Guerret (chanteur) et Arnaud Pilard (guitariste) à la Flaq (bar et salle d’expo de Paris 2). Ils parlent à cœur ouvert de la difficulté de faire de la pop en France et de ce que ça fait, pour des fans des Cure, d’être comparés à Gold et Indochine.
On parle beaucoup du fait que vous ne chantiez pas en anglais. N’est-ce pas irrationnel que tout le monde s’étonne de vous entendre chanter en français... en France ?
© Frank LoriouRomain : Oui, c’est le retour à la normale ! Les artistes français ont toujours chanté en français, sauf depuis dix ans avec Phoenix et toute la vague de la french touch qui a cartonné à l’étranger. C’est la mondialisation ! Tout le monde s’est mis à chanter en anglais. Quand on a commencé, aucun autre groupe de rock ou pop ne chantait en français, sauf la Femme. Ça paraissait exotique. Mais on ne s’est pas tous appelé en disant « on va faire de la pop en français ». Chaque groupe l’a fait dans son coin. Au même moment, on a eu les mêmes inspirations, les mêmes envies, de reproduire cette démarche qu’avaient Gamine ou Etienne Daho dans les années 80, c’est à dire de prendre un background anglais et de chanter en français.
Arnaud : Surtout, ce phénomène est en train d’être récupéré par les grosses maisons de disques, ça va gagner tout le monde. Il y a des groupes qui chantaient en anglais, qui se mettent à chanter en français.
Il y a une ligne assez fine entre la pop indé et un son assez kitsch-revival 80s. Comment trouvez-vous le juste milieu ?
Romain : Aline a toujours été sur cette ligne de crête. Cela ne tombe jamais ni d’un côté ni de l’autre, du moins on essaie de ne jamais tomber dans la variétoche mais de rester sur le côté indé, sur une ligne claire, avec quelque chose d’assez défini, réfléchi et de stylisé.
C’est ce qui sépare Daho d’Indochine...
Romain : On nous a beaucoup comparé à Indochine parce que l’on utilise une boîte à rythme. C’est lié au chant en français. Pour nos compatriotes qui n’ont pas de culture musicale, ça fait tout de suite penser à Indochine. Et, hélas, ils ne cherchent pas plus loin.
Arnaud : On a même eu droit à Gold...
Romain : Les gens veulent absolument nous mettre dans la catégorie « revival années 80 », alors que ce n’est pas du tout la démarche. On n’avait pas une volonté de sonner années 80, mais de mettre le plus d’émotion possible dans la musique et qu’elle soit écoutable dans 30 ans. C’est très littéral, il n’y a pas de second degré, on veut que ça touche immédiatement. Cela dit, Indochine a fait deux premiers albums qui sont super bien donc ce n’est pas grave ! C’est à cause des Inconnus qu’ils ont connu une traversée du désert pendant presque dix ans. La France, c’est le pays de Baudelaire et Proust. Mais aussi celui des Inconnus et de Coluche ! Un pays difficile pour faire de la pop.
Arnaud : l’industrie du disque favorise beaucoup plus les artistes solo, il y a très peu de groupes ici.
Justement, est-ce qu’Aline s’exporte à l’étranger ?
Arnaud : Young Michelin a d’abord buzzé à l’étranger. Les premiers à nous avoir repéré c’est Holiday Records, le label américain de the Drums, Cloudberry Records (label de pop anglais, ndlr), des fanzines en Amérique du Sud...
Romain : Les premiers retours ont été à l’étranger et surtout en Angleterre... Tout de suite, là-bas, on nous a reconnu comme faisant partie de leur famille avec le son de guitare, les mélodies. Ils n’ont pas les mêmes grilles de référence. Eux vont te parler des Smiths ou de Jesus and Mary Chain. En France, on te parle d’Indochine.
Est-ce que le changement de nom forcé de Young Michelin à Aline a marqué un tournant pour le groupe ?
Arnaud : Sur le coup, ça a vraiment été un coup dur... Et puis, en définitive, ça a créé un certain buzz autour du groupe pendant qu’on enregistrait l’album. On en a parlé sur le site du Parisien, d’Europe 1... Les gens n’arrivaient pas à croire qu’on se fasse emmerder par Michelin. On était les gentils dans l’histoire, les gentils popeux qui se font embêter par la vilaine multinationale. C’était assez drôle.
Pourquoi Aline ?
Romain : On avait fait une fausse bio de Young Michelin et, à l’époque, je ne voulais pas qu’on sache qui était dans le groupe. Quand on fait des profils sur les sites comme Myspace on est obligé de mettre une ville. J’avais donc inventé une cité, Aline, qui n’existe pas en France. Quand on a changé de nom, je me suis dit que c’était bien de faire le lien avec notre histoire en tant que Young Michelin.
Arnaud : Et puis, il y a plein de groupes qui ont changé de nom comme les Cure. Ça fait de la matière, c’est marrant ! Même si, sur le moment, on ne le vivait pas du tout comme ça.
Avez-vous eu peur de l’effet de mode autour de la nouvelle scène française ?
Romain : Ça va passer parce que la presse est en train de monter ce gros buzz sur « la nouvelle nouvelle scène française ». D’un côté, c’est bien parce que ça met tout le monde en avant, ça tire vers le haut. Le revers de la médaille, c’est qu’il s’agit d’une baudruche qui dégonflera assez vite. Après l’idée, c’est de rester en place !
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