Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Beineix, l'énergie du rêve
Chaque pièce de cette exposition est un décor, un climat intérieur. Ci-dessus, la cuisine de 37,2° degrés le matin. Crédits photo : Philippe Fuzeau/M-A30Musée des Années Trente de Boulogne-Billancourt
Le metteur en scène de Diva ou de La Lune dans le caniveau, cinéaste, plasticien, poète, s'expose jusqu'au 29 septembre au musée des Années Trente de Boulogne-Billancourt. Anthologie de films , de tableaux, de décors, une balade attrayante à faire dans son univers, en ces mois d'été.,
Aller visiter le «Studio Beineix», au Musée des années trente, à Boulogne, c'est autre chose que se rendre à une exposition. C'est entrer dans un lieu étrangement vivant, sorte d'appartement-atelier où les souvenirs de cinéma aux noms entêtants comme des parfums, Diva, La lune dans le caniveau, 37,2° le matin, se mêlent à des tableaux, à des poèmes, à des objets familiers, au piano qui s'anime parfois, pour évoquer toute une histoire très personnelle. Une histoire de création qui est aussi une manière de vivre, et qui se poursuit à travers des formes diverses.
D'ailleurs, ce jour d'août où l'on vient explorer son studio, justement, Jean-Jacques Beineix est chez lui, en train de travailler à une sculpture faite de toutes sortes de canettes compressées, qu'il dispose en suspension colorée. «Une sorte de pixel art, dit-il. Au Venezuela, les gamins récoltent les canettes pour en tirer un peu d'argent auprès des ferrailleurs…»
Il n'a pas renoncé au cinéma, il a un scénario prêt, l'histoire d'une aristocrate et de sa femme de ménage maghrébine, transformées l'une par l'autre. Mais il n'est pas parvenu à convaincre les financiers. Depuis qu'il n'a pu mener à bien L'Affaire du siècle, à cause d'un financier défaillant, il n'a plus tourné. «C'était une comédie de vampires sur le thème de la transmission: un vieux vampire est poursuivi par de jeunes vampires incompétents qui veulent faire leur apprentissage de vampires en accéléré…»
Le projet était très avancé, comme en témoignent les nombreux croquis de décors de Thierry Flamand. Beineix l'a transformé en BD, avec le dessinateur Bruno de Dieuleveult (deux tomes sont déjà parus, deux autres à venir). «Aujourd'hui, au cinéma, l'industrie a presque complètement gagné. Personne ne veut prendre de risque. Que faire?»
«Continuer d'être un artiste»
Beineix, qui a survécu aux naufrages et dépassé ses colères, se répond à lui-même: «continuer d'être un artiste». De faire vivre ses rêves et ses visions à travers la peinture, l'écriture, la musique (il joue du piano depuis quinze ans). C'est ce qui donne à l'exposition son charme tout à fait singulier: on habite une maison puissamment onirique où chaque pièce est un décor, et un climat intérieur.
Il y a la salle de bains de Diva, baignée de la lumière bleue de Jacques Monory et de la musique de Puccini, écoutée à l'écran par Bohringer dans sa baignoire. La cuisine de 37,2° degrés le matin. La bibliothèque de Mortel Transfert. Le salon de musique avec son piano revêtu d'une peinture de Beineix, La Fin du monde, et consacré aux Vexations de Satie (jouées lors de visites concerts).
La galerie d'art, où sont accrochées les toiles de Beineix, lignes brisées et chromatisme intense. Derrière, dans l'ombre, des extraits de La Lune dans le caniveaudistillent leur poésie vénéneuse.
Le «cabinet de curiosités» rassemble des objets qui évoquent le parcours biographique de Beineix, ses études de médecine ou sa passion pour la course automobile. Mais tout communique, par ce qu'il appelle «les effets miroirs des arts entre eux», et par l'indomptable énergie de rêve qui l'anime.
Il en avait fait le sujet de Roselyne et les lions. Il cherche, dit-il, «l'essence, double ou triple», «les choses qui sont derrière les choses». «Car tout est trompeur.» Studio Beineix est un étonnant atelier de l'illusion.
Musée des années trente, Espace Landowski, 28, avenue André Morizet, Boulogne-Billancourt (92) www. museedesannees30-beineix.fr