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Le Gange né de l'Himalaya

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EN IMAGES - Cet été, notre série Evasion vous emmène à la découverte des sources des grands fleuves. Après le Colorado, voici le Gange. Nombreux sont les hindous qui se rendent en pèlerinage à ses sources, au pied d'un glacier de l' Himalaya, à 4 000 mètres d'altitude

Les véritables sources du Gange sont inaccessibles au commun des mortels. Elles flottent quelque part dans l'immensité cosmique, tapies au cœur des textes sacrés de l'hindouisme, ce maquis fantastique qui est un défi à notre rigueur cartésienne et dans lequel il est probable que seuls les hindous soient tout à fait capables de se repérer.

En Inde, où tout est religion, le fleuve est évidemment une divinité: la déesse Ganga. On raconte que, pour la concevoir, Brahma, le dieu créateur, aurait récolté la transpiration jaillie de la plante des pieds de Vishnou: le dieu bienveillant fondait de bonheur alors qu'il écoutait, ravi, la musique que jouait Shiva, dieu de violence et de paix. La déesse est également fille de l'Himalaya, la reine des montagnes, et d'Himavat, le puissant esprit qui les anime. C'est du moins ce qu'affirme le Ramayana, ce texte majeur de l'hindouisme. Le fleuve ayant la particularité de purifier les êtres de leurs péchés, les dieux demandèrent à la montagne qu'elle le leur prête afin qu'il nettoyât les cieux. «Montée au ciel, raconte le Ramayana, Ganga brilla à travers la voûte étoilée, là où tu peux la voir aujourd'hui encore.» Faute de pouvoir grimper jusqu'à la Voie lactée, on se contentera ici de la source terrestre du fleuve: bien qu'elle ne soit pas d'un accès particulièrement facile non plus, elle a le mérite d'être à portée d'humain.

La géographie, qui est bien plus prosaïque que les textes sacrés, établit que le Gange prend sa source dans le glacier Gangotri, à environ 4 000 mètres d'altitude, dans le district d'Uttarkashi, Etat de l'Uttarakhand, non loin de la frontière tibétaine. Ce glacier mesure environ 30 kilomètres de long et est protégé par une formidable muraille de montagnes dont les sommets dépassent les 6 000 mètres de haut: le Shivling, le Thalay Sagar, le Meru…

Dans la ville sainte de Haridwar, les pélerins venus de toute l'Inde se pressent au bord du Gange pour se purifier dans ses eaux sacrées.

Dans la ville sainte de Haridwar, les pélerins venus de toute l'Inde se pressent au bord du Gange pour se purifier dans ses eaux sacrées. Crédits photo : STAN FAUTRE

La ville de Haridwar reçoit un incessant flot de pèlerins

Atteindre la source du Gange est un pèlerinage prisé qui démarre à Haridwar, une ville sainte. Alors que les dieux et les démons se disputaient le nectar d'immortalité, quatre gouttes tombèrent de la cruche dans laquelle il était contenu. Une à Allahabad, une à Nashik, une à Ujjain et une à Haridwar. Pour cette raison, chacune de ces villes accueille à tour de rôle, tous les douze ans, la Kumbha Mela, une des plus grandes manifestations religieuses au monde. La prochaine grande Kumbha Mela à Haridwar aura lieu en 2022…

En attendant, la ville reçoit un flot incessant de pèlerins qui viennent se purifier dans les eaux du Gange. Ici le fleuve déboule des montagnes, au terme d'une course de 250 kilomètres pendant laquelle il a chuté de plus de 3 500 mètres d'altitude! A partir de Haridwar, qui se trouve à 311 mètres au-dessus de la mer, il traversera, paresseux, l'immense plaine du Gange: 2 250 kilomètres le séparent encore de son delta et du golfe du Bengale. A la fin de la journée, un peu avant le coucher du soleil, alors qu'un vent chaud remonte le cours du fleuve, démarre sur les ghats de Haridwar le Ganga Aarti, la prière du soir: un incroyable spectacle.

Dans un décor minéral à couper le souffle, des saddhus font une pause avant de reprendre leur ascension vers la source du fleuve sacré.

Dans un décor minéral à couper le souffle, des saddhus font une pause avant de reprendre leur ascension vers la source du fleuve sacré. Crédits photo : STAN FAUTRE

Chaque jour, pour célébrer cet instant, une foule bruyante et sereine à la fois se rassemble là. Ce sont des familles dont le petit enfant s'est fait raser le crâne: une touffe de cheveux épargnée par le barbier flotte au sommet de son crâne. Il y a des gens de l'Inde entière: des paysans du Rajasthan ou du Maharashtra, des employés de bureau de Delhi ou de Calcutta. Des sadhus, ces ermites errants, maigres et absents, accomplissent leurs rituels avec détachement. Armés de lances et de sabres courbes, des Sikhs enturbannés et barbus fendent la multitude. On voit aussi des vendeurs de barbe à papa, des mendiants, des vaches ; quelques responsables de l'ordre aspergent de temps à autre la foule massée sur les escaliers d'une volée de gouttes d'eau sacrée.

Les pèlerins s'immergent en s'accrochant aux lourdes chaînes qui trempent dans le fleuve, les femmes en sari, les hommes en caleçons et les enfants tous nus. A la sortie du bain, ils se sèchent sur les dalles de grès rouge, créant de grandes flaques d'eau qui luisent dans l'air brûlant. Il y a des vendeurs de coupes votives, faites de feuilles emplies de roses d'Inde dans lesquelles est piqué un bâton d'encens. On peut aussi acheter des cornets de pois chiches ou des bonbons, des sifflets pour les enfants et des petits bidons à remplir d'eau sacrée. Debout, au bord du fleuve, près du temple dédié à Vishnou - l'empreinte de son pied est inscrite dans un rocher - neuf brahmanes vêtus de blanc psalmodient en sanskrit. Les pèlerins les écoutent avec un sourire béat: c'est la prière et c'est la fête. La cérémonie prend fin après que le soleil a disparu derrière les premières collines de l'Himalaya. La chaleur est toujours aussi enveloppante, la foule reflue vers la ville et déjà des sadhus, allongés sur rien, à quelques mètres du fleuve, s'endorment avec une étonnante facilité.

C'est au niveau du village de Devaprayag que la verte Alaknanda se joint aux eaux limoneuses du Bhagirathi. De cette fusion naît le Gange.

C'est au niveau du village de Devaprayag que la verte Alaknanda se joint aux eaux limoneuses du Bhagirathi. De cette fusion naît le Gange. Crédits photo : STAN FAUTRE

Délaissant la ville sacrée, une petite route s'élance dans l'Himalaya: des bus monstrueux et héroïques montent à l'assaut de ces montagnes en dents de scie à grands renforts de klaxon, secouant sans relâche leurs convois de pèlerins d'un nid-de-poule à l'autre pendant deux longues journées. C'est le temps qu'il faudra à ces malheureux voyageurs pour rejoindre Gangotri, la dernière ville avant les sources, à 3 000 mètres d'altitude. En chemin, certains font le choix de s'arrêter à Devaprayag.

Là, au pied d'un piton rocheux, la rivière Alaknanda rencontre la Bhagirathi: c'est de leur fusion que naît le Gange, bien qu'il soit admis que les sources du Gange se confondent avec celles de la Bhagirathi. Cette rivière doit son nom à Bhagiratha, un saint homme qui a vécu il y a bien longtemps. Le Ramayana raconte que, pour son malheur, ses soixante mille aïeux furent détruits d'un seul regard de courroux lancé par l'ascète Kapila. Depuis, leurs âmes erraient sans repos. Baghirata entreprit de les délivrer. Il se réfugia dans les montagnes et médita si longuement que Vishnou consentit à faire descendre le Gange sur la Terre afin que les cendres de ses ancêtres soient purifiées par le fleuve divin. Mais le risque était grand que Ganga, en tombant sur la Terre, ne l'anéantisse. Alors Shiva accepta de protéger notre planète. Il emprisonna la déesse dans ses cheveux: le fleuve y erra plusieurs années. Pour cette raison, Ganga est souvent associée aux représentations du dieu, flottant dans les cheveux de Shiva. Assagi, le fleuve jaillit enfin de la divine chevelure et depuis il s'écoule, paisible et joyeux, à travers l'Inde.

Au fur et à mesure qu'elle prend de l'altitude, la route se fait étroite et poussiéreuse, bordée de ravins vertigineux. Mais la brume de la plaine est bien vite un mauvais souvenir: le soleil luit désormais dans un ciel franc et pur, l'air se rafraîchit. La route s'arrête devant Gangotri. De prime abord, cette petite ville ressemble aux autres villages indiens, avec son incroyable vacarme, son flot de mendiants et de rickshaws, ses vaches et ses boutiques minuscules. Mais sur les étals des marchands, on trouve principalement deux types de produits. Des objets de culte et des sachets de fruits secs: les indispensables compagnons du pèlerin. Car demain, dans un ultime effort, il faudra partir à pied. S'engager dès l'aube sur le sentier qui grimpe entre les cèdres et marcher vers la source sacrée qui gronde, impassible et austère, au fond de la vallée.

Un pélerin solitaire médite dans un paysage lunaire où le fleuve dévide le ruban moiré de ses premières eaux.

Un pélerin solitaire médite dans un paysage lunaire où le fleuve dévide le ruban moiré de ses premières eaux. Crédits photo : _CYR

C'est ici que la rivière jaillit du ventre du glacier

Dix-huit kilomètres de marche sous un soleil de plomb, dans un paysage grandiose et sévère où des ruisseaux dévalent en écumant les pentes caillouteuses de montagnes immenses. Puis, la source. Elle est annoncée par les craquements de la glace, le bruit sourd d'un rocher qui se précipite dans les eaux, le grondement de la rivière qui jaillit du ventre du glacier. Les pèlerins qui arrivent ici sont rares.

A moitié nus, trois sadhus sont assis sur des cailloux. Ils méditent en silence, le visage tourné vers le soleil, dans la fumée d'un bâton d'encens. D'autres pèlerins se débarrassent de leurs vêtements, heureux de se plonger dans la rivière glacée. Puis ils remplissent d'eau le petit bidon qu'ils rapporteront chez eux: un précieux cadeau à partager avec la famille, l'eau du Gange étant indispensable pour accomplir les rites de la religion hindoue. Leur prière terminée, les sadous se lèvent et rangent méticuleusement le peu qu'ils possèdent: une couverture, une bouteille d'eau, des sandales… L'un de ces hommes s'appelle Tchakour Dass. Il est maigre et porte sur son front le symbole de Vishnou. Il marche pieds nus. Fin comme un trait de fusain, il se faufile avec grâce entre les rochers, fait quelques ablutions, lance des gouttes d'eau vers le ciel puis remplit une bouteille en plastique. Il ira la vider sur le lingam de Rameshvara. «J'espère, explique-t-il, vivre assez longtemps pour accomplir ce pèlerinage.» Question légitime: cette pierre particulièrement sacrée se trouve dans l'Etat du Tamil Nadu, tout au sud de l'Inde, à plusieurs milliers de kilomètres de là. Il s'y rendra à pied.

 


Le carnet de voyage

Avant de partir

Décalage horaire. Heure de Delhi: GMT + 5 h 30. Quand il est midi à Paris, il est 16 h 30 à Delhi. Taux de change: un euro vaut 69 roupies indiennes. Visa: la procédure d'obtention du visa est relativement longue. L'agence VFS est un courtier efficace ( www.vfs in-fr.com). Tarif du visa tourisme valide six mois: 65,50 €, une seule entrée.

L'agence de voyage

Terres d'Aventure (0825.70.08.25 ; www.terdav.com) propose un voyage de quatorze jours aux sources du Gange. Au programme, la visite des villes sacrées de Haridwar et Rishikesh, puis le voyage jusqu'à Gangotri et un trek jusqu'aux sources du Gange avec nuits sous la tente et porteurs. A partir de 2 350 € par personne, incluant: l'avion, les transports terrestres, un guide francophone, le permis de trek, l'hébergement en pension complète et le transport des bagages. Les pourboires ne sont pas compris.

L'avion

Air France (36.54 ; www.airfrance.fr). Un vol quotidien à destination de Delhi au départ de Paris-Charles- de Gaulle. A partir de 779 € l'aller - retour. Tarif valable du 17 août au 31 octobre 2013.

A Gangotri, le dernier temple sur le chemin qui mène à la source du fleuve.

A Gangotri, le dernier temple sur le chemin qui mène à la source du fleuve. Crédits photo : STAN FAUTRE

L'hébergement

A Haridwar. Le Haveli Hari Ganga (www.havelihariganga.com) est un ancien ashram reconverti en hôtel. Il se trouve sur le bord du fleuve: quelques marches et l'on peut s'y immerger, comme tout bon pèlerin. Assez charmant. Un restaurant de bonne qualité. La chambre à partir de 79,50 €, petit déjeuner inclus.

De Haridwar à Gangotri, pas d'hôtels intéressants, mais des adresses propres qui offrent l'intérêt de partager, ne serait-ce que brièvement, le quotidien d'Indiens en pèlerinage vers la source du Gange. A Rishikesh, le Ganga Beach Resort (www.gangabeachresort.com) est correct. Chambre à partir de 50 €.

Campement à Bhojvasa: ce camp de base, à deux heures de marche des sources du Gange, est installé au bord du fleuve. La propreté n'est pas son meilleur atout. Heureusement, le campement proposé par Terres d'Aventure est de bonne qualité: cuisinier, vaste tente… Pour se remettre de ces émotions, à Delhi, The Rose (www.therosenewdelhi.com) est un charmant boutique hôtel. Tenu par un couple de Français, il est installé dans le village de Hauz Khas, qui présente la particularité d'être entièrement entouré de parcs, situation enviable au cœur de la capitale indienne. C'est un quartier assez branché où l'on trouve de très nombreux bars et restaurants. Chambre à partir de 50 €. Dans l'hôtel, un restaurant sert de la cuisine française.

Restaurants

De Haridwar à Gangotri, aucune adresse notable mais la nourriture, quoique peu variée, est bonne.

A Delhi, le village de Hauz Khas regorge de bonnes adresses. Parmi elles, Raas (rue principale, N° 9A, premier étage), un restaurant qui sert une excellente cuisine indienne et pakistanaise dans un cadre assez chic. Le spectacle est autant dans l'assiette que dans la salle, qui est prisée de la jeunesse dorée de Delhi. Autour de 40 €.

Bon à savoir

Entre Haridwar et Gangotri, vous traverserez un pays sacré: alcool interdit, nourriture strictement végétarienne. La randonnée est facile, la seule difficulté étant causée par l'altitude (on monte de 3 000 à 4 000 mètres).

Lire

L'Hindouisme, d'Alexandre Astier, éditions Eyrolles, 220 p., 10 €. Petite histoire de l'Inde, d'Alexandre Astier, Eyrolles, 210 p., 10 €.

Le Râmâyana conté selon la tradition orale, Albin Michel, 500 p., 10,90 €.

L'Odeur de l'Inde, de Pier Paolo Pasolini, Folio, 155 p., 4,40 €.

Une certaine idée de l'Inde, d'Alberto Moravia, Arléa, 135 p., 8,50 €.

Guide du routard, Inde du Nord, 15 €.

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