Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
À Beyrouth, la renaissance en suspens
Une poignée de jeunes Libanais se retrouvent pour dire «non au retour de la guerre civile». Leur point de ralliement: la place des Martyrs, seul espace public en plein cœur de Beyrouth qui, depuis le rassemblement du quart de la population libanaise le 14 mars 2005 pour dire non à la tutelle syrienne, est dans leur esprit le précurseur de ceux des places Tahrir ou Taksim. Pourtant, ils savent que leur secret espoir de se noyer dans une marée humaine est vain. Plus divisé que jamais, le Liban est l'otage de la guerre dévastatrice en Syrie voisine. Et les héros du «printemps de Beyrouth» ont été assassinés. Ses victimes remplacent dans l'imaginaire collectif les nationalistes pendus en 1916 par le gouverneur ottoman, représentés dans le groupe statuaire des martyrs au centre de la place. Le portrait géant de Gébrane Tuéni, le patron assassiné d'An-Nahar, a longtemps habillé la façade du siège du quotidien. Situé au coin nord-ouest de la place, c'est le premier immeuble neuf construit après que sont passés les excavateurs de Solidere, la société privée chargée de reconstruire le centre-ville au lendemain de la guerre, dont le principal actionnaire n'était autre que le premier ministre Rafic Hariri, qui avait fait fortune dans le bâtiment en Arabie saoudite. À quelques mètres de là, dans une rue adjacente, un monument est dédié à l'intellectuel Samir Kassir, tué lui aussi ; tandis que la tente blanche abritant le mausolée de Rafic Hariri, victime d'un attentat en février 2005, occupe une parcelle du flanc ouest de la place, au pied de la monumentale mosquée Mohammad al-Amine, emblème de son legs architectural.