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Yair Lapid : «La solution de deux États est la seule»

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    • Par Adrien Jaulmes
    • Mis à jourle 13/08/2013 à 15:03
    • Publiéle 12/08/2013 à 19:38
Yair Lapid, le ministre des Finances israélien et chef de file du Yesh Atid, chez lui, à Tel Aviv en janvier.

Yair Lapid, le ministre des Finances israélien et chef de file du Yesh Atid, chez lui, à Tel Aviv en janvier. Crédits photo : GIDEON MARKOWIZC/EPA/MAXPPP

INTERVIEW - Yair Lapid est depuis cinq mois à la tête du ministère des Finances dans le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, il a reçu lundi Le Figaro.

Le ministre des Finances israélien Yair Lapid a eu plusieurs carrières avant la politique. Il a été acteur, journaliste, présentateur vedette à la télévision, boxeur amateur et écrivain à succès. Un an à peine après avoir créé son parti, Yesh Atid («Il y a un futur»), il est arrivé en deuxième position aux élections de mars dernier et est devenu un partenaire clef de la coalition gouvernementale de Benyamin Nétanyahou.

LE FIGARO. - Vous venez pour la première fois d'exprimer votre désaccord avec le gouvernement auquel vous appartenez, après l'annonce d'un appel d'offres pour de nouvelles constructions de l'autre côté de la ligne verte, dans les Territoires occupés?

Yair Lapid. - Je pense que c'est une décision qui intervient à un très mauvais moment, à la veille de la reprise des négociations avec les Palestiniens et alors que nous devons faire preuve de bonne volonté. Sur le fond, cette décision ne change pas grand-chose. Comme une majorité d'Israéliens, je pense que le statut de Jérusalem n'est pas en question et que la ville ne doit pas être divisée. Mais quand bien même, il n'y a pas de raison pour annoncer juste à ce moment des mesures qui pourraient discréditer un processus déjà entouré de méfiance mutuelle et de mauvais souvenirs. Je suis donc allé contre mon habitude de jouer collectif, et j'ai décidé de m'opposer clairement et ouvertement à cette décision. Même si ces appels d'offres ne sont qu'une étape dans une procédure complexe, c'est d'une certaine façon encore pire. Je veux être sûr que mes partenaires dans la coalition comprennent que je ne laisse pas passer ça.

Va-t-on vers une crise gouvernementale?

Non, nous restons une partie prenante et stable de la coalition et mes partenaires le comprennent. Mais ces sujets doivent être considérés plus sérieusement avant d'être annoncés. Espérons que cela n'entravera pas la reprise du processus de paix.

Quelle est votre réaction à la récente décision de l'Union européenne de suspendre les financements aux institutions et entreprises israéliennes ayant des activités dans les Territoires occupés?

C'est une très mauvaise décision, qui intervient aussi à un très mauvais moment. Le seul résultat de cette mesure est de rendre les choses plus difficiles pour les partisans de la paix des deux côtés. Du côté israélien, elle ne fait que donner des arguments à ceux qui disent que l'on ne peut pas faire confiance aux Européens, qui sont quoi qu'il arrive contre nous, et qu'il ne sert à rien de négocier. Du côté palestinien, elle renforce les arguments des extrémistes du Hamas et du Djihad islamique qui disent à Abou Mazen que le temps est du côté des Palestiniens, et qu'il vaut mieux ne pas négocier et laisser la pression augmenter contre Israël. C'est une décision prise à Bruxelles par des gens qui ne comprennent pas la situation dans laquelle nous nous trouvons ici. Et quand je dis nous, je ne dis pas le gouvernement israélien, mais tous ceux qui sont pour une solution négociée. J'espère sincèrement que l'Union européenne va revenir dessus, il est encore temps.

La position de l'UE n'a-t-elle aucun mérite?

Nous avons à faire face à des problèmes très compliqués. Des gens intelligents se sont penchés sur ce dossier pendant plus de vingt ans et n'y sont pas arrivés. Et d'autres, assis dans leur fauteuil à Bruxelles, nous expliquent que nous devons faire la paix en donnant les Territoires: ils devraient être un peu plus prudents, et admettre que la question n'est pas aussi simple. Cette façon superficielle d'aborder les choses alimente l'alliance perverse entre l'extrême gauche européenne et les radicaux islamistes, qui inspirent les campagnes de boycotts contre Israël. C'est à la fois néfaste, immoral, et cela ne contribue en rien à la paix dans la région.

«On ne peut pas laisser un régime islamique extrémiste comme l'Iran se doter de missiles à tête nucléaire»

Vous vous considérez comme un partisan de la paix?

Oui. Je suis entièrement en faveur de la solution à deux États, israélien et palestinien. C'est la seule et unique solution. Je suis convaincu que c'est celle qui va finalement prévaloir. Je sais aussi que nous ne pouvons pas ignorer les précédentes négociations, et tout le monde sait de quoi je veux parler: les blocs de colonies resteront en Israël, Jérusalem restera israélienne, mais nous savons que la grande majorité des Territoires sera rendue, donc que beaucoup de colonies seront évacuées. Je pense que ça me place de façon très claire sur l'échiquier politique. Comme sur beaucoup de sujets, je ne suis ni de droite, ni de gauche: je suis au centre. Tout comme une majorité d'Israéliens, ce qui explique notre succès aux dernières élections. La majorité des Israéliens sont modérés et comprennent très bien ce qui est nécessaire pour parvenir à la paix. Je suis un réaliste, un pragmatique, mais ça ne veut pas dire que je sois dépourvu de convictions. Je crois profondément au processus de paix, et aussi dans l'importance de la classe moyenne israélienne, qui comme partout dans le monde, connaît une crise globale en voyant son pouvoir d'achat se réduire. En tant que ministre des Finances et en tant que représentant du parti Yesh Atid, je ne pense pas qu'il soit judicieux de dépenser de l'argent dans des colonies qui seront évacuées. Mais aussi longtemps que des gens y vivent, le pays ne peut pas les ignorer.

Pensez-vous que ces négociations aient une chance de succès?

Le sentiment général est celui de très faibles attentes. Je préfère qu'il en soit ainsi. Quand on entreprend un processus aussi complexe, c'est la meilleure attitude à avoir. On ne peut ainsi qu'avoir de bonnes surprises.

Vous êtes membre du Cabinet de sécurité israélien: qu'en est-il des rumeurs renouvelées sur les possibilités d'une attaque préventive d'Israël contre les installations nucléaires iraniennes?

Le fait est qu'Israël ne peut pas se permettre un Iran nucléaire. Un nouveau président iranien vient d'être élu, mais les dirigeants restent les mêmes. On ne peut pas laisser un régime islamique extrémiste comme l'Iran se doter de missiles à tête nucléaire. C'est d'ailleurs un problème qui ne concerne pas seulement Israël, mais aussi la France, la Grande-Bretagne, les États-Unis, le monde entier, jusqu'à l'Arabie saoudite et les pays du Golfe. C'est le problème de tout le monde, et tout le monde doit s'en préoccuper. La France a pris des positions fermes sur les sanctions et nous lui en savons gré. Mais le problème reste entier, et nous ne pouvons l'oublier un seul instant.

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