Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Sur la piste du vrai Van Gogh
Autoportrait devant le chevalet (détail), Vincent Van Gogh, 1888. Crédits photo : Van Gogh Museum
À Amsterdam, le grand musée consacré au peintre a rouvert après sept mois de chantier. Toute la collection fait l'objet d'une nouvelle présentation qui révèle, sous le mythe, l'artiste à l'œuvre.
Depuis le 1er mai, le Van Gogh Museum a rouvert. Cette institution d'Amsterdam avait dû fermer sept mois pour revoir sa climatisation et son système de sécurité. Pendant ce temps, afin d'éviter trop de frustrations et de manques à gagner, elle avait accroché ses «highlights» à quelques canaux de là, dans l'antenne hollandaise du Musée de l'Ermitage. Et une quarantaine d'autres œuvres étaient expédiées en Corée et au Japon où elles bouclent une tournée triomphale permettant de financer en partie le rééquipement.
Aujourd'hui donc, la plupart des trésors laissés par le génie néerlandais ont retrouvé leur demeure. À l'intérieur, les volumes imaginés dans les années 1960 par Gerrit Rietveld - quatre plateaux autour d'un puits d'accès central - n'ont pas changé. Les parois auparavant blanches ont simplement été colorées à la manière du Musée d'Orsay. Fonds bleu, gris, voire de jaune canari comme pour Les Mangeurs de pomme de terre (alors que son auteur préconisait plutôt un support couleur «blés mûrs»).
Plus réussie est la nouvelle muséographie, thématique, donnant à comprendre ce fonds exceptionnel de quelque deux cents tableaux et de centaines de dessins et lettres. Enrichie de prêts à court terme, elle propose sur l'intégralité des surfaces une autre lecture, plus technique et moins mythique, de Vincent Van Gogh (1853-1890): le travail en plein air ; les toiles grattées ou recouvertes d'une nouvelle composition (sur 400 analysées, une centaine l'a été, parfois à plusieurs reprises) ; les outils et instruments, dont l'emploi fréquent du cadre à perspective ; les couleurs (Orsay a prêté la seule palette subsistante, celle qu'avait conservée le docteur Gachet) ; la touche, tantôt pâteuse tantôt diluée à l'essence, à l'exemple de Toulouse-Lautrec.
Cette conceptualisation très avisée de l'œuvre ne durera toutefois qu'un temps. Jusqu'à ce que soit réutilisable, début 2015, l'aile dessinée par Kisho Kurokawa en 1999 et destinée aux expositions temporaires. Afin de rendre cette extension plus simple d'accès et plus attrayante, une entrée va en effet être ménagée dans sa façade latérale nord, reliant ainsi l'aile au corps principal non plus seulement par le sous-sol mais de plain-pied, à partir de l'Esplanade des musées. Là où se trouvent le Rijksmuseum, le Stedelijk Museum et le Diamond Museum.
La beauté des voies nouvelles
En attendant, le parcours multiplie les enseignements et les découvertes sur l'homme et l'artiste. «Corriger une légende, c'est difficile, mais nous nous y efforçons, dit bravement Nienke Bakker, spécialiste des lettres de Van Gogh, conservatrice et co-commissaire. Il faut aller contre l'idée largement fausse d'un Van Gogh autodidacte, spontané, seul et marginal. Nous expliquons sa formation, notamment ses lectures scientifiques sur la théorie des couleurs ou l'anatomie. Nous soulignons ses visites aux musées, ses passages dans des ateliers et académies. Nous montrons ses reprises incessantes des maîtres réalisées à partir de sa collection de gravures. Nous rappelons qu'il a presque toujours œuvré en compagnie d'autres peintres. Pas seulement Gauguin, mais aussi, auparavant, avec des gens moins connus comme Anthon van Rappard ou Christian Mourier-Petersen. Dès 1883, bien avant Arles donc, il envisage la création d'une mutuelle d'artistes. Enfin, nous détaillons ses liens avec les avant-gardes, faits d'influences réciproques. L'impressionnisme de Monet et de Pissarro, le pointillisme de Seurat et de Signac, le cloisonnisme d'Émile Bernard ont été débattus par Van Gogh, pinceaux à la main…»
Au fil du parcours, on mesure ainsi un travail intense, fait d'exercices et d'expérimentations. Dix années de carrière seulement nous auront laissé plus de 800 peintures et un bon millier de dessins. Ils témoignent d'un engagement toujours sincère et entier pour ouvrir à la beauté des voies nouvelles, souvent inattendues. La marque du génie.
«Van Gogh à l'œuvre», jusqu'au 12 janvier, Van Gogh Museum. Tél.: + 31 (0) 20 570 52 00. www.vangoghmuseum.nl. Catalogueen français Actes Sud, 304 p., 55 €.