Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
A lire d’Elmore Leonard
Un événement survenant pendant votre jeunesse peut-il affecter le reste de votre existence ? Pour Carlos Webster, le personnage principal de ce roman, cela ne fait aucun doute. Ce jour d’automne 1921, son destin se forgera dans le drugstore de la petite ville d’Okmulgee, Oklahoma.
Dans ce lieu improbable, il se retrouve nez à nez avec l’un des plus redoutables gangsters de la région, Emmett Young. Il a 15 ans et, pour toute arme, une glace que ce dernier lui vole en l’insultant avant de tuer devant lui et de sang-froid un Indien de la police tribale.
Traquer sans relâche les mauvais garçons
Ce jour-là, Carlos jure de ne plus jamais être pris au dépourvu. Quelques semaines plus tard, en effet, lorsqu’il croise un voleur de bétail sur la propriété familiale, il le tue froidement d’un coup de fusil bien ajusté. On retrouve Carlos devenu « Carl » six ans plus tard, en 1927.
Il est adjoint du marshal et traque sans relâche tout ce que la région compte de mauvais garçons. En particulier l’ennemi public numéro un, Jack Belmont, le fils d’un magnat du pétrole qui a très mal tourné…
Ce roman à l’intrigue solidement charpentée se déroule dans les années où ElmoreLeonard est né (1925). Le récit fourmille de détails, d’odeurs, d’atmosphères qui laissent planer comme une certaine nostalgie. Mais une nostalgie toujours lucide, démystifiée.
Si l’époque est marquée par des gangsters de légende comme John Toland Dillinger, le couple Bonnie Parker et Clyde Barrow, Pretty Boy Floyd, Elmore Leonard n’en fait pas des portraits flatteurs.
Brouiller les pistes
Pour brouiller les pistes, ou en clin d’œil à sa longue et prolifique carrière (plus d’une quarantaine de nouvelles, autant de romans !), il mélange ici les genres. Le Kid de l’Oklahoma tient autant du western, sa première passion (1) que du polar. Carl, plus prompt à dégainer qu’à poser des questions, ressemble davantage à un shérif à la grande époque du Far West qu’aux policiers des précédents romans d’Elmore Leonard.
Le ton général est également plus noir, social, profond que d’ordinaire, même si l’humour reste omniprésent. Le traitement des personnages est également assez différent de celui auquel il nous a habitués. Le cas du journaliste de la presse à sensation qui suit les deux héros principaux dans leurs « aventures », est éloquent : il y a quelques années, Elmore Leonard l’aurait tourné en dérision.
Cette fois, même s’il joue avec lui, il lui témoigne de l’intérêt, voire un certain respect. Un peu comme s’il rendait une sorte d’hommage à cette presse qui a alimenté ses polars.
Un style captivant
Ces évolutions dans l’univers d’Elmore Leonard ne gâchent rien. Au contraire, son style souvent imité mais rarement égalé est toujours aussi captivant : une écriture très cinématographique avec des dialogues efficaces, réalistes, un subtil découpage de l’intrigue en plans séquences, d’innombrables rebondissements.
On comprend pourquoi il a été si souvent adapté au cinéma : de ses premiers westerns (3 h 10 pour Yuma, L’Homme de l’Arizona…) à ses polars (Jackie Brown, Be Cool, La Grande Arnaque, Hors d’atteinte, Get Shorty…)
Un style rythmé, dynamique qui refuse de s’encombrer « de tout ce que le lecteur ne lit pas » selon ElmoreLeonard : les descriptions lyriques des paysages ou des personnages, les métaphores… Dans un essai, Mes dix règles d’criture, le maître résumait, il y a quelques années, sa méthode en dix règles, et en particulier celle qui lui a assuré succès et longévité : « Si cela ressemble à de l’écrit, je le réécris. » Cela paraît si simple…
EN BREF
LA LOI DE LA CITÉ, Traduit de l’anglais (États-Unis) par Fabienne Duvigneau, Ed. Rivages/noir, 326 p., 8,50 €
Pour avoir refusé de laisser passer Clement Mansell à la sortie d’un parking de Detroit, le juge Alvin B. Guy est assassiné de cinq balles au volant de sa Lincoln Mark VI. Car on évite de mettre Clement Mansell en rogne, surtout lorsqu’il est sur une affaire.
Le sergent Raymond Cruz en sait quelque chose et il est bien décidé à mettre un terme à la carrière de ce personnage qui a déjà tué près d’une dizaine de personnes. Ce n’est pas tant ce dernier meurtre que le fait de savoir que Mansell lui a glissé entre les doigts lors d’une précédente affaire qui nourrit sa détermination.
Commence une enquête trépidante, et comme toujours avec cet auteur souvent adapté au cinéma, très réaliste. Ce roman publié aux Presses de la cité en 1985, fut couronné l’année suivante par le grand prix de littérature policière.
BEYROUTH-MIAMI, traduit de l’américain par Danièle et Pierre Bondil. Ed., Rivages/Thriller, 288 p, 19.50 €
Elmore Leonard partage avec Donald Westlake la palme de l’humour dans la littérature policière. Il le prouve avec cette histoire hilarante dans laquelle un parieur qui doit de l’argent à un bookmaker ne trouve rien de mieux que de kidnapper ce dernier pour éviter de payer sa dette.
VIVA CUBA LIBRE, Traduit de l’américain par Doug Headline. Ed. Rivages/Thriller, 400 p., 9.15 €
Cette histoire extraordinaire se déroule à Cuba en 1898, au moment où le peuple se soulève contre l’occupant espagnol.
Un nommé Ben Tyler, non pas braqueur de banque, mais amoureux des chevaux, débarque dans l’île au moment où le cuirassé américain Maine explose dans le port de La Havane. Notre héros va se transformer malgré lui en révolutionnaire.
Les rebondissements s’enchaînent, avec de l’humour et du suspense à revendre, un roman savoureux.
PRONTO, traduit de l’américain par Michel Lebrun. Ed. Rivages/Thriller,320 p., 9 , 15 €
A Miami, un petit bookmaker de 66 ans aimerait tant prendre sa retraite avec sa petite amie Joyce. Pour cela il a mis un gros pécule à gauche, provenant de ses prélèvements frauduleux sur les paris.
Hélas, il est traqué par des tueurs. Un policier le prend en sympathie et le protège. Cette histoire loufoque, magistralement traduite, nous entraîne aussi du côté de Rapallo en Italie, sur les traces d’Ezra Pound.
Emmanuel Romer
http://polar.blogs.la-croix.com/a-lire-delmore-leonard/2013/08/22/