Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
"Coller" à Nadeau. L'éditorial du "Monde des livres"
LE MONDE DES LIVRES | 21.06.2013 à 16h37 | Jean Birnbaum
Maurice Nadeau, qui vient de mourir, était la rencontre faite homme. La première fois que nous nous sommes parlé, c'était chez lui, à Paris, près du jardin du Luxembourg, au milieu des livres et des journaux. Je venais recueillir ses paroles pour une émission de radio consacrée à la transmission de l'espérance révolutionnaire. D'emblée, il avait tenu à raconter son coup de foudre pour celui qu'il considérait comme son "éveilleur essentiel", le sociologue Pierre Naville (1904-1993), intellectuel révolutionnaire et pionnier du surréalisme. C'est Naville qui, en 1933, accueillit le jeune Nadeau dans la maigre troupe des trotskistes français, alors que l'étudiant frondeur venait d'être exclu du Parti communiste. Ils firent connaissance dans un local poussiéreux de la porte Saint-Martin, où Naville et sa femme Denise étaient en train de plier des exemplaires du journal La Vérité. "Tiens, aide-nous !", lui lança Naville.
Exactement sept décennies plus tard, Nadeau évoquait cette rencontre décisive avec sa gouaille juvénile, les lèvres rieuses : "Intellectuellement, j'étais attiré par Naville... C'était un homme de caractère, qui avait une connaissance philosophique. Il pouvait me parler de Hume, de Locke, des gens que je ne connaissais pas. Il me faisait lire ! Il y a ce côté-là, qui fait que je me colle à lui, si vous voulez. C'est-à-dire que s'il a besoin de quelqu'un, c'est moi qui accours. Ce côté fidèle, quoi !"
A la fois journaliste, critique et éditeur, infatigable militant des idées et des lettres, Nadeau a toujours maintenu ce rapport amoureux aux textes, qui était d'abord une rencontre avec un auteur, avec l'altérité. Ne disait-il pas que ses Mémoires littéraires, parus sous le titre Grâces leur soient rendues (Albin Michel, 1990), auraient pu tout aussi bien s'appeler "Le Livre des autres" ? Il nous revient maintenant de demeurer fidèles à son élan pour les livres, de rester "collés" à lui. C'est simple : si l'esprit de Nadeau nous appelle, on accourt !
Jean Birnbaum
http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/06/21/coller-a-nadeau_3433200_3260.html