Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Au Panthéon, les lobbies reconnaissants
Manifestation devant le Panthéon, le 26 août, por réclamer qu'on l'ouvre plus aux femmes. Crédits photo : Julien MUGUET/© Julien Muguet/IP3
Le monument n'a jamais été autant convoité. Chacun pousse son candidat. Le chef de l'État songe à y faire entrer une femme.
Le collectif Osez le féminisme n'a pas réussi à rassembler grand monde, lundi dernier, lors de la manifestation en faveur de l'entrée d'une femme au Panthéon. Qu'importe! Il a gagné la bataille médiatique. Alors que François Hollande est en pleine réflexion sur de possibles«panthéonisations», avec l'idée de rechercher une candidature féminine, Osez le féminisme a préempté un débat très actuel. Il n'y a que deux femmes au Panthéon (sur 75 résidents éternels), Marie Curie et Sophie Berthelot. Cette dernière est là en tant qu'épouse de Marcellin Berthelot, décédé une heure après elle.
Osez le féminisme propose donc de «remettre les actrices de l'histoire à leur juste place» et de transférer dans la crypte la révolutionnaire Olympe de Gouges, la mulâtresse Soliture, figure des esclaves en lutte (1772-1882) ou la militante anarchiste Louise Michel. La liste n'est pas fermée, bien sûr, et le mouvement a ouvert une page Facebook où sont suggérées Camille Claudel et Simone de Beauvoir. Le 6 septembre, une pétition du collectif va être remise à Philippe Belaval, président du Centre des monuments nationaux. Ce dernier a été chargé par François Hollande d'un rapport de préconisation sur des personnalités qui pourraient entrer dans le saint des saints. Il se propose de sonder les internautes, entre le 2 et le 22 septembre. Et pressent que la consultation va rassembler: de multiples groupes «s'agitent» pour pousser, qui un écrivain, qui un homme politique.
Les valeurs d'une époque
La bagarre se joue à coup de textes publiés dans la presse et de coups de fils Rue de Valois et à l'Élysée. Bien peu militent dans la sérénité. «Le Panthéon est un monument contradictoire: il se veut laïque et porteur d'une mémoire pérenne du pays, mais les personnalités que le pouvoir choisit sont toujours liées aux valeurs d'une époque», remarque Jean-Claude Bonnet, auteur de La Naissance du Panthéon, essai sur le culte des grands hommes (Fayard). À peine un nom avancé, une discussion enflammée s'ensuit, en général, dans la foulée.
En 2007, Bernard Kouchner, célébrant avec l'ambassadeur américain le deux cent cinquantenaire de la naissance du général La Fayette, promet de «porter au sommet de l'État» l'idée de transférer sa dépouille au Panthéon. Fureur de l'historien Jean-Noël Jeanneney, qui publie une tribune dans Le Monde contre ce «traître» jugé antirépublicain. Dans la foulée, Gonzague Saint-Bris lui répond sèchement. On en est là. L'historienne Mona Ozouf plaide sans relâche pour l'entrée du résistant Pierre Brossolette. Mais la panthéonisation de cette figure positive a aussi ses contradicteurs, à commencer par l'écrivain Pierre Péan, qui dénonce par avance un «affront» fait à Jean Moulin. Les deux grands résistants ne s'étaient-ils pas affrontés?
De son côté, Jacques Attali milite pour l'entrée de Diderot, auprès de Rousseau et de Voltaire. Il aurait une lettre de François Hollande lui assurant son soutien. Il le lui a rappelé récemment - le transfert ne serait, de toute façon que symbolique, puisqu'on ne sait pas où sont ses restes, jetés dans une fosse commune.
Olympe de Gouges a aussi ses partisans, à commencer par Anne Hidalgo, candidate PS à la mairie de Paris. Mais les Amis de Robespierre ont fait passer le message suivant à l'exécutif: si elle est choisie, il ne faudrait pas faire au passage le procès de la période révolutionnaire! Une nuée de femmes, dont Claudia Cardinale, Juliette Binoche, Élisabeth Badinter, Benoîte Groult ou Régine Desforges poussent, elles, le dossier George Sand. Pourquoi pas? Mais l'Association des amis de Sand estime qu'on ne peut pas retirer l'écrivain de Nohant, cette maison qu'elle aimait tant…
Enfin, parfois, c'est la famille qui s'oppose ; comme ce fut le cas en 2010, lorsque Nicolas Sarkozy suggéra de panthéoniser l'écrivain Albert Camus.
Alors qui? Murielle Mayette, à la tête de la Comédie-Française, porte l'entrée de Molière «figure du génie français, l'auteur le plus joué à l'étranger». L'idée plaît, par sa simplicité. Mais est-ce cela que le pouvoir recherche?