Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

"Hématomes", de Romain Slocombe, illustré par Jean-Claude Denis

Le Monde.fr |06.09.2013 à 12h05 • Mis à jour le06.09.2013 à 12h26

 
 

La couverture d'"Hématomes".La couverture d'"Hématomes". | Le Monde

Loin dans la mémoire

Vingt ans qu'Anne Chamberland a fui Bar-le-Duc à la suite d'un fait divers. Inquiète à l'idée de revoir cette «ville sinistre», cette plasticienne trentenaire a, toutefois, accepté de collaborer à un projet destiné à introduirel'art contemporain au cœur de la Meuse, dont le paysage reste modelé par les bombardements de 14-18.

Hermann Fritsch, le directeur du «Vent des tranchées», nom de l'opération, est enthousiaste. En chemin pour la résidence d'artiste où la sculptrice doit séjourner, ils s'arrêtent, pour déjeuner, dans un bar fréquenté par des habitués. Ici, les étrangers sont reçus avec méfiance. La Parisienne se tient sur ses gardes: le serveur lui rappelle vaguement quelqu'un... «Ce visage joufflu, empâté, aux yeux pâles, est associé dans son esprit à un souvenir très ancien. Mal à l'aise, elle devine qu'il s'agit d'un événement pénible, honteux. Enterré au fond de sa mémoire et qui se refuse à faire surface...»

Une illustration de Jean-Claude Denis pour « Hématomes ».Une illustration de Jean-Claude Denis pour « Hématomes ». | Le Monde

Hématomes concentre quelques thèmes chers à Romain Slocombe: les séquelles de la guerre, les sévices sexuels infligés aux enfants, l'avant-garde artistique, la collusion nauséabonde de la police et de la justice pour faire taire des innocents.

L'écrivain, âgé de 60 ans, a un parcours atypique dans le roman noir. Diplômé des Beaux-Arts, il s'est d'abord fait un nom dans la contre-culture, en participant à l'aventure du groupe Bazooka, puis au magazine Métal hurlant. En 1978, Prisonnière de l'Armée rouge, parodie des BD sado-maso américaines, est interdite à la vente aux mineurs.

Photographe, documentariste, auteur de bandes dessinées, illustrateur, spécialiste de l'imagerie japonaise et du bondage, Romain Slocombe a, parallèlement à son œuvre graphique, bâti une œuvre romanesque, où il incise au scalpel les plaies de l'Histoire: la guerre du Vietnam qui a inspiré son premier roman, Phuong-Dinh Express (1983), les exactions commises par les Japonais en Chine en 1937, la Shoah en Europe de l'Est. En 2000, Un été japonais inaugure, à la «Série noire», la tétralogie «La Crucifixion en jaune».

En 2011, Monsieur le Commandant (Nil éditions) fait découvrir cet écrivain singulier au grand public. Le récit se présente comme une longue lettre de délation rédigée sous l'Occupation par un académicien antisémite. Avec cet opus, Romain Slocombe a définitivement marqué la littérature du sceau de son impressionnant talent.

 

Retrouvez les "Petits Polars du Monde" sur la boutique en ligne du Monde

Retrouvez l'adaptation radiophonique des "Petits Polars du Monde, avec SNCF" chaque samedi de 21 heures à 22 heures, du 29 juin au 28 septembre, sur France Culture. A réécouter et podcaster sur Franceculture.fr

  Romain Slocombe et Jean-Claude Denis, vus par Jean-Claude Denis. Romain Slocombe et Jean-Claude Denis, vus par Jean-Claude Denis. | Le Monde

L'auteur: Romain Slocombe

Né en 1953 à Paris, Romain Slocombe poursuit des études artistiques à la faculté de Vincennes puis aux Beaux-Arts. Dans les années 1970, il participe aux débuts du magazine Métal hurlant. Très jeune, il s'intéresse au Japon et en particulier aux images bondage, en dessinant de jeunes infirmières asiatiques attachées, bandées et plâtrées, qu'on retrouve dans l'album érotique Prisonnière de l'Armée rouge ! publié en 1978 aux Humanoïdes Associés. Il réalise aussi des couvertures pour la collection « Folio » de Gallimard et signe, entre autres, deux albums avec Marc Villard, Cauchemars climatisés, en 1987, et Cité des anges, en 1989. C'est la guerre du Vietnam qui lui inspire son premier roman graphique, Phuong-Dinh Express, en 1983, aux Humanoïdes Associés. À partir de 1992, Romain Slocombe s'oriente également vers la photo, puis la vidéo en 1995 en réalisant documentaires et court-métrages. En 2000, il passe à l'écriture et entame une tétralogie romanesque avec Un été japonais (« Série noire », Gallimard). Viendront Brume de printemps, Averse d'automne (« Série noire », 2001 et 2003) puis, en 2006, Regrets d'hiver, aux Éditions Fayard. On y retrouve sa passion pour les Japonaises, la photographie érotique, les personnages loufoques, comme son héros Gilbert Woodbrooke, mais aussi l'histoire du Japon entre 1937 et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il privilégie désormais la fiction policière et publie Envoyez la fracture ! dans la collection « Suite noire », en 2007 ou Mortelle résidence, au Masque. Puis, en 2012, dans la collection « Les Affranchis », Romain Slocombe imagine une lettre de dénonciation avec Monsieur le commandant (NiL éditions) en se mettant dans la peau d'un écrivain pétainiste. Cette invention d'un salaud majuscule lui vaut le prix Nice Baie des Anges. En 2012 également, on retrouve son personnage de Gilbert Woodbrooke dans Shanghai connexion, chez Fayard Noir, troisième volet de sa trilogie intitulée L'Océan de la stérilité. En septembre 2013 il publie au Seuil un roman d'espionnage situé dans les années vingt : Première Station avant l'abattoir. Chr. F.

 

L'illustrateur: Jean-Claude Denis

Jean-Claude Denis est né à Paris en 1951. Il poursuit des études aux Arts décoratifs et, à sa sortie, fonde le groupe Imaginon avec Caroline Dillard et Martin Veyron. S'il réalise des illustrations pour la publicité ainsi que des couvertures de livres, il s'oriente, en 1978, vers la bande dessinée, en publiant dans Pilote, puis chez Dargaud, André le Corbeau. Avec Martin Veyron, il réalise un conte pour enfants, Oncle Ernest et les ravis (Casterman), avant de travailler en solo pour l'album Cours tout nu chez Futuropolis, en 1979. En 1980 commencent, dans À Suivre, les aventures de Luc Leroi, que ses lecteurs retrouveront régulièrement au fil des années et des albums. Ce petit rouquin plein de loufoquerie et d'humour reste un des personnages phare de Jean-Claude Denis. En 2012, une réédition des sept histoires de Luc Leroi (accompagnées de cinq courts inédits) est parue chez Casterman sous le titre Luc Leroi reprend tout à zéro. Jean-Claude Denis est aussi un auteur de séries pour enfants comme Les Aventures de Rup Bonchemin (Casterman), de contes et de carnets de voyage. En 1991, il signe L'Ombre aux tableaux, chez Albin Michel, une aventure de peintre maudit, puis Quelques mois à l'Amélie (Dupuis), dont le héros est un écrivain en panne d'inspiration. Cet album, d'une grande maîtrise, obtient le prix du dialogue et de l'écriture au Festival d'Angoulême en 2002. Viendront en 2004 La Beauté à domicile, histoire d'amour hitchcockienne (Dupuis), puis, en 2006, Le Sommeil de Léo, comédie sociale (Futuropolis), Tous à Matha, roman graphique avec une bande-son très rock, paru en deux tomes chez Futuropolis. Jean-Claude Denis est également musicien. Après avoir imaginé, en 2006, le groupe rock, Dennis Twist en compagnie de Margerin, Vuillemin, Dodo, Denis Sire... devenu Les Hommes du président, il a fondé le groupe Nightbuzz avec Charles Berberian. En 2012, Jean-Claude Denis a obtenu le Grand Prix de la ville d'Angoulême, devenant ainsi le président du festival 2013. Chr. F.

 
 

Les petits polars du "Monde"

http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/09/06/hematomes-de-romain-slocombe-illustre-par-jean-claude-denis_3465258_3260.html

Les commentaires sont fermés.