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Royaume-Uni : la vigueur de la reprise rebat les cartes politiques

Par Nicolas Madelaine | 09/09 | 06:00
 

Le retour de la Grande-Bretagne sur la scène de la croissance prive la gauche de ses arguments anti-austérité. Les travaillistes sont contraints de revoir une fois de plus leur corpus idéologique. Ils pourraient s'orienter vers la promotion d'une politique économique de l'offre.

Boll pour « Les Echos »
Boll pour « Les Echos »

Il y a un an à cette époque, la coalition à majorité conservatrice au pouvoir à Londres était sur le point de perdre le pari de l'austérité. David Cameron craignait même pour son leadership chez les torys. Aujourd'hui, le paysage politique britannique est méconnaissable. L'avance de la gauche dans les sondages a diminué de moitié. En cette rentrée 2013, la balle est repassée dans le camp des travaillistes : c'est à eux et à leur leader de montrer, à un peu plus d'un an du début de la bataille électorale de 2015, de quelle étoffe ils sont faits.

La raison du retour en grâce du gouvernement conservateur est toute simple : l'économie britannique rebondit. La semaine dernière a été un véritable feu d'artifice de bonnes nouvelles. Même le nouveau gouverneur de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, avec sa promesse de laisser les taux d'intérêt à leur plus bas jusqu'à 2016 pour ne pas freiner la reprise, est pris de court : les marchés ne croient pas qu'il pourra tenir cet engagement. Ainsi, lundi, l'indice des directeurs d'achats (PMI) d'août du secteur manufacturier a montré la plus forte hausse des commandes depuis vingt ans. Mardi, le même indicateur pour la construction a crû à son rythme le plus élevé depuis six ans. Enfin, mercredi, on a appris qu'un indice similaire dans les services, c'est-à-dire le gros de l'économie du pays, avait touché un pic jamais atteint depuis décembre 2006. Non seulement le Royaume-Uni a appris au printemps qu'il avait échappé à une triple récession après révision des statistiques de l'Insee local, mais le voilà désormais revenu dans la locomotive de l'économie mondiale. L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) prévoit que la croissance britannique dépasse celle des Etats-Unis, du Japon et des grandes économies de la zone euro au second semestre de cette année. Même si George Osborne, le chancelier de l'Echiquier, ne veut pas vendre la peau de l'ours, la Grande-Bretagne se sent sortie du ventre mou de l'Europe et devenue économiquement plus comparable aux Etats-Unis. Ce succès est-il dû à la politique de compétitivité fiscale et d'orthodoxie budgétaire du gouvernement ? Est-il le fait d'une politique délibérée du gouvernement, malgré les risques que cela entraîne, de relancer la bulle immobilière ? Ou provient-il de la reprise de tous les pays occidentaux ? Il est sans doute trop tôt pour le dire. Mais les députés conservateurs ont déjà commencé à vanter leur clairvoyance.

Pendant ce temps, chez les travaillistes, Ed Miliband et son « shadow chancellor » Ed Balls voient leurs critiques sur l'impact contre-productif de l'austérité sur l'économie s'affaiblir. Or il s'agissait de leur argument massue. Le mois de juillet a été également marqué par une sombre affaire de trucage par un syndicat de la sélection de candidats Labour dans une circonscription écossaise. Pour clarifier les liens de son parti avec les centrales, Ed Miliband a lancé une petite révolution dans le financement de sa formation politique. Les membres d'un syndicat devront désormais choisir en cotisant à leur centrale de verser aussi de l'argent au Labour alors que c'était auparavant automatique. Il s'agit d'une réforme potentiellement courageuse mais risquée. Le syndicat GMB a, en effet, déclaré la semaine dernière que cela pourrait se traduire par un versement de 150.000 livres au Labour au lieu 1,2 million. Enfin, le Labour continue de souffrir du manque de charisme d'Ed Miliband ; les études d'opinion lui déniant toute qualité de leader.

Un mois avant les grandes conférences des partis, l'impatience est donc clairement palpable à gauche. Le Labour a émis quelques idées jugées intéressantes au cours des derniers mois. Il veut faire des élections 2015 un scrutin sur le thème du niveau de vie. De fait, le salaire moyen mesuré en termes réels a chuté de 9 % depuis début 2008 et il est peu probable que la reprise économique corrige cette situation de sitôt. Cela dit, rétorque-t-on à droite, toutes les élections n'ont-elles pas comme thème central le niveau de vie ?

Au Labour, on explique que le parti n'a pas intérêt à présenter des idées concrètes trop longtemps avant les élections. Mais on promet une véritable refondation de la doctrine du parti et un renouvellement par rapport à l'approche « New Labour ». Ed Miliband s'apprêterait à proposer une politique « pro-offre » (et non pas de relance de la demande) de gauche : représentation salariale au comité de rémunération des entreprises, salaire avec lequel on peut vivre et non plus « minimum », formation continue... Le leader travailliste a effectivement recruté toute une équipe de penseurs politiques - tous des hommes de 40 à 50 ans - qui ont la réputation de ne pas avoir peur de bousculer les idées reçues. Curieusement dans ce pays réputé pour son pragmatisme, les conservateurs étaient déjà venus au pouvoir en 2010 avec des idées iconoclastes et audacieuses.

Si l'on croit la presse britannique, la conférence de Brighton à la fin du mois donnera une idée plus concrète des ambitions idéologiques du Labour. Une chose est sûre, Ed Miliband devra avoir des arguments solides. La droite, et notamment la presse de droite, a montré, avec le candidat travailliste Neil Kinnock en 1992, qu'elle pouvait exploiter les faiblesses personnelles d'un adversaire avec une virulence implacable.

Nicolas Madelaine
Correspondant à Londres

 

 
Les points à retenir
Le conservateur David Cameron vit un véritable retour en grâce à la faveur de ses résultats économiques.
Avec une croissance qui devrait dépasser celle des Etats-Unis cette année, le pays revient dans le wagon de tête de l'économie mondiale.
Pour les travaillistes, qui avaient fait de la politique d'austérité leur cible, il faut trouver un nouvel angle d'attaque pour regagner l'opinion.
 
 

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