Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Régime minceur pour les voitures
LE MONDE | 10.09.2013 à 12h20 • Mis à jour le 10.09.2013 à 16h32 | Par Philippe Jacqué (Francfort, envoyé spécial)
Présentation de la nouvelle Peugeot 308 à Montbéliard, le 6 août. | SEBASTIEN BOZON/AFP
Yves Bouvier se régale. En ce mois de juillet, à l'usine PSA Peugeot-Citroën de Sochaux, l'ingénieur présente les principales améliorations de son "bébé" au nom barbare de EMP2, pour "Efficient Modular Platform 2". Ce soubassement de la nouvelle berline 308 de Peugeot, présentée au Salon de Francfort (Allemagne), qui doit ouvrir ses portes jeudi 12 septembre, ou du monospace C4 Picasso de Citroën, est révolutionnaire pour le groupe franc-comtois : après plusieurs années de recherche et développement, il pèse 70 kg de moins que la plate-forme précédente.
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"Il a fallu faire évoluer les matériaux utilisés, explique M. Bouvier. Notre choix s'est porté sur l'acier à ultra haute limite élastique (UHLE) et celui à très haute limite élastique (THLE). Désormais, 76 % du soubassement est réalisé à partir de ces aciers plus minces et donc plus légers, contre 18 % sur la précédente plate-forme." L'EMP2 doit aussi sa silhouette à de nombreux composants de liaisons au sol en aluminium et à un plancher du coffre soudé, en matière composite. Ces innovations ont permis de gagner 27 kg.
CHAQUE GRAMME COMPTE
Ce n'est pas tout. Montrant certaines pièces soudées, sans trace apparente de soudage, l'ingénieur précise : "Grâce à différents procédés d'assemblage, dont la soudure laser mais aussi l'hydroformage, un procédé innovant d'emboutissage des aciers à haute limite élastique, pas moins de 10 kg ont été économisés." La nouvelle conception et les efforts pour rendre cette plate-forme plus modulaire ont permis de gagner encore 33 kg... Pour habiller les 308 et C4 Picasso, les ingénieurs de PSA et de ses équipementiers ont également chassé le kilo superflu pour réduire le poids global, EMP2 comprise, du véhicule de 140 kg !
Dans l'automobile, chaque gramme compte. Tous les constructeurs cherchent à faire mincir leurs nouveaux modèles. En 2012, la dernière génération de la Golf, la 208 de PSA ou la Clio 4 avaient chacune perdu 100 kg par rapport à la génération précédente. Cette année, le dernier x5, un 4 × 4 de BMW, a fait une cure de 90 kg...
Quelle mouche les a donc piqués ? Les réglementations, européenne mais aussi américaine et bientôt chinoise, demandent aux constructeurs de limiter la consommation et les émissions de CO2 de leurs nouveaux véhicules. En 2020, la moyenne des véhicules commercialisés ne devra pas dépasser en Europe 95 grammes de CO2 par kilomètre, alors que les meilleures marques affichent aujourd'hui un peu moins de 125 grammes... Or "le poids est l'un des facteurs principaux déterminant la consommation d'énergie, indique Hadi Zablit, du Boston Consulting Group. Plus un véhicule est lourd, plus il faut utiliser de puissance pour le faire accélérer, maintenir sa vitesse ou l'arrêter. C'est mathématique".
Pour réduire d'un gramme de CO2 les émissions, il faut réduire le poids d'un véhicule thermique de 10 kg à 12 kg... Depuis les années 1970 et le choc pétrolier, tous les groupes ont promis de mettre au régime leurs voitures, longtemps sans succès. En 1961, indique l'Ademe, un véhicule particulier pesait en moyenne en France 758 kg. En 2011, c'est 1,266 tonne. En cinquante ans, un véhicule a pris une demi-tonne ! Si une citadine pèse aujourd'hui près d'une tonne, une grande berline classique pèse 1,4 tonne, tandis qu'une berline de luxe tutoie 1,8 tonne...
RÉGLEMENTATION CO2
A la décharge des constructeurs, depuis quarante ans, les règles de sécurité les ont forcés à rigidifier leurs véhicules et à leur ajouter de la masse. Mais ce n'est pas la seule explication de cette tendance à l'embonpoint généralisé. Pour se différencier, chaque marque y est allée de son option. La climatisation, le lève-vitre électrique, les systèmes d'insonorisation de l'habitacle, la radio, puis les systèmes de GPS ont un prix, et... un poids.
En fait, le véritable régime n'a commencé que dans les années 2000, sous la pression de la réglementation CO2, mais aussi avec le développement de nouveaux modèles... électriques. Pour assurer une autonomie suffisante à un véhicule électrique, il faut rendre la caisse et l'habitacle le plus léger possible puisque la batterie, elle, pèse lourd. Ainsi BMW, avec sa nouvelle i3, s'est mis à la fibre carbone et à l'aluminium, deux matériaux rigides et 50 % plus légers que l'acier, voire au magnésium pour certaines pièces. La Volt de General Motor a pour sa part préféré des matériaux composites.
"Dans le cadre de l'i3, l'utilisation de l'acier n'aurait pas permis de donner à notre véhicule 160 kilomètres d'autonomie", explique-t-on chez BMW. Si les constructeurs haut de gamme se permettent de recourir à des technologies très onéreuses, qu'ils peuvent répercuter sur le prix de vente, les généralistes doivent ruser et jongler avec les matériaux, afin de trouver le meilleur équilibre entre le poids gagné et le coût le plus juste. Ainsi, si la 308 a des ailes en aluminium, elle dispose du premier coffre en composite. Ce dernier, produit par Plastic Omnium, coûte plus cher qu'un hayon traditionnel en acier, mais pèse 3 kg de moins.
"MAPPING" SONORE DE L'HABITACLE
Outre la caisse et la carrosserie, qui constituent la moitié du poids d'un véhicule, tous les éléments sont pesés au trébuchet. Des sièges, plus incurvés pour réduire leur masse, aux éléments de décoration intérieure, en passant par les dispositifs d'insonorisation, ou les panneaux de portes dans des matériaux plus légers et naturels comme... le bois, les joints d'étanchéité, les cablages, les vitres, le moteur, l'alternateur, les batteries, les systèmes de suspension ou de frein... Tout y passe.
Chez Faurecia, un "mapping" sonore de l'habitacle des véhicules est réalisé pour traquer les éléments de mousse d'insonorisation superfétatoires. Saint-Gobain Sekurit a pour sa part récemment dévoilé une nouvelle vitre avant de 4 mm d'épaisseur, au lieu de 5 mm. Une minuscule différence qui permettra de gagner jusqu'à 1,3 kg par voiture !
Pour gagner quelques kilos supplémentaires, un constructeur peut raccourcir ou réduire la taille d'un véhicule de quelques centimètres. Ce sera autant de matière, et donc de masse, en moins.
"LIMITER LA PUISSANCE ET LA VITESSE"
"Pour alléger un véhicule, ajoute M. Zablit, on peut tout simplement limiter la puissance et la vitesse. Grâce à cela, il est possible de baisser le poids du système de freinage." Beaucoup de constructeurs ont préféré faire du "downsizing", et réduire la taille d'un moteur, sans en altérer la puissance. "Cela a permis de gagner déjà pas mal de masse, indique Guy Maugis, le patron en France de Bosch, premier équipementier mondial. Passer d'un moteur 6 cylindres de 3 litres à un moteur de 3 cylindres de 1,2 litre permet de réduire son poids de moitié... Les équipements sont plus petits, donc mieux dimensionnés, et donc plus légers."
De même, poursuit-il, "si on arrive à faire baisser de 10 % le poids d'un lève-vitre électrique, il nécessitera une puissance électrique moindre. Nous allons donc pouvoir doter la voiture d'un alternateur plus petit... donc plus léger". Avec les progrès de la technique, ajoute M. Maugis, "à chaque génération de produits, nous cherchons à le rendre à la fois plus petit, plus léger. En 1978, le système de frein ABS de la classe S de Mercedes pesait par exemple 6 kg. En 2013, un système ABS couplé à un système ESP (système anti-dérapage) affiche un poids inférieur à 1 kg. En trente-cinq ans, on a divisé le poids par cinq".
Il y a un prix à tout. "Pour miniaturiser, il faut trouver d'autres solutions techniques et améliorer l'utilisation des terres rares, notamment, poursuit M. Maugis, Pour réduire la taille d'un moteur, on utilise par exemple des aimants permanents, qui sont très friands en terres rares, qui sont très onéreuses..." Mettre au régime minceur ses voitures, cela nécessite des milliards d'euros d'investissements... Pour sa seule 308, PSA a par exemple investi quelque 750 millions d'euros.
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Industrie automobile
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