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La claire fontaine

L’homme qui venait de franchir la frontière, ce 23 juillet 1873, était un homme mort et la police n’en savait rien. Mort aux menaces, aux chantages, aux manigances. Un homme mort qui allait faire l’amour avant huit jours.
En exil en Suisse, Gustave Courbet s’est adonné aux plus grands plaisirs de sa vie : il a peint, il a fait la noce, il s’est baigné dans les rivières et dans les lacs. On s’émerveille de la liberté de ce corps dont le sillage dénoue les ruelles du bourg, de ce gros ventre qui ouvre lentement les eaux, les vallons, les bois.
Quand il peignait, Courbet plongeait son visage dans la nature, les yeux, les lèvres, le nez, les deux mains, au risque de s’égarer, au risque surtout d’être ébloui, soulevé, délivré de lui-même.
De quel secret rayonnent les années à La Tour-de-Peilz, sur le bord du Léman, ces quatre années que les spécialistes expédient d’ordinaire en deux phrases sévères : Courbet ne peint plus rien de bon et se tue à force de boire ?
Ce secret, éprouvé au feu de la Commune de Paris, c’est la joie contagieuse de l’homme qui se gouverne lui-même.

Vidéos

 
Entretien avec David Bosc à propos de « La claire fontaine »
 
 

 

 

Extrait de texte

 
   Prétextant la venue prochaine de leur père, Juliette adoucit tant qu’elle put la maison de Courbet. Traînant sur la grève, non loin des lavandières, elle trouva une solide Piémontaise qu’elle expédia aussitôt à Bon-Port pour y faire le ménage. Et pour y assouvir aussi le besoin qu’avait Courbet d’une femme. Juliette n’était ni bégueule ni compliquée ; elle conduisait une lapine au lièvre sans en faire toute une histoire et ces choses-là ne la gênaient que s’il fallait les dire. La Piémontaise avait été apportée là pour les vendanges, avec d’autres, et elle n’était pas repartie.
   Au soir, les jupes encore humides d’avoir frotté les sols, la Piémontaise rejoignit Courbet dans sa chambre au bout du couloir. Comment s’appelait-elle ? Elle vint s’asseoir sur lui, ses deux mains en appui sur le gros ventre qu’elle repoussait doucement pour se faire de la place. L’association charnelle de deux corps quels qu’ils soient tombe toujours sous le sens. Si l’on entend faire jouir, si l’on veut jouir l’un de l’autre, aucun obstacle qui ne se change en point d’appui, et parfois en point d’orgue. Elle avait les seins hauts quoique lourds, d’un beau mouvement jusqu’à la pointe sombre, elle avait des hanches larges, une toison de poils noirs qui lui montait au nombril comme une procession de fourmis ; elle était magnifique.



 

Revue de presse

 
 

Presse écrite

 
   My Boox.fr, jeudi 12 septembre 2013
   Chronique de l’œil : lecture et peinture
   par Dominique Léger



   Les Mauvaises Fréquentations, jeudi 12 septembre 2013
   par Thierry Savatier
 
 
 
   Le Monde des livres, vendredi 13 septembre 2013
   Libre comme Courbet
   par Catherine Millet

   Une partie de l’humanité frappant d’anathème les images sous prétexte qu’elles fascinent, tandis que l’autre partie ne cesse de dénoncer ses tromperies, nous devons admettre qu’une des fonctions du langage est de nous défendre contre ces menteuses, du moins à les circonvenir. Soit que les mots nous révèlent l’envers du décor (discours scientifique), soit que dans une surenchère de métaphores (littérature), ils laissent là l’image dans l’enclos de sa forme. Cette chronique se donne donc pour objet les liaisons dangereuses entre le texte et l’image, comment l’une séduit l’autre et le hante, et comment l’autre reprend le dessus, débusque ses ruses, l’engloutit sous ses propres effets. L’un des premiers livres que j’ai reçus cette rentrée est La Claire Fontaine, de David Bosc. Ça ne pouvait pas mieux tomber.
   L’auteur a tout juste 40 ans, né à Carcassonne, il est parti vivre à Lausanne. Sur la rive du lac Léman, sans doute a-t-il rencontré la figure de Gustave Courbet (1819-1877), à laquelle il consacre ce troisième roman. Il raconte les quatre dernières années de la vie du peintre à La Tour-de-Peilz, au bord du lac, où il s’est réfugié, le temps que les tribunaux français jugent de sa culpabilité dans la destruction de la colonne Vendôme. Pas de doute, il s’agit d’un roman, car l’auteur n’a pas dû s’appuyer sur beaucoup de documents pour décrire, de manière aussi vive, les relations de Courbet avec les gens du coin, les scènes d’auberge, les baignades dont il raffole. Pour le reste, les lieux, les faits, l’identité des personnes, les citations du peintre et celles des rapports de police, tout est exact. L’exil du plus truculent des communards, que d’ordinaire les historiens traitent en quelques lignes, l’écrivain le met en images. Quelquefois un peu trop.

   Paysages et tableaux
   Quand, dès la première page, j’ai lu que « La maison ventrue du père y trempe de tout son long – dans l’eau de la Loue –, miche dure mise à mollir pour les oies ou les coquecigrues », je me suis dit que je ne poursuivrais ma lecture que par pure conscience professionnelle. En fait, j’y ai pris beaucoup de plaisir. Voici pourquoi : au fur et à mesure que Courbet s’installe en Suisse, Bosc s’attarde de plus en plus sur les paysages et sur les tableaux, et l’âpreté des premiers, l’absence de tricherie des seconds (même si l’on peut toujours discuter la classification de « réaliste ») le conduisent à rendre ses armes de peintre imagier amateur. D’ailleurs, en cours de route, il expose bien la leçon retenue du maître : « Il était de ceux qui ne trouvent aucun sens à dire [...] qu’un arbre est majestueux, la forêt pareille à une cathédrale. » En se moquant des lieux communs qu’on rencontre chez les commentateurs, Bosc a-t-il pris conscience qu’il en avait laissé passer quelques-uns ?
   Mais au fil des pages, le style perd son afféterie. Le passage sur les nombreuses « dormeuses » qui font de Courbet « le premier à avoir peint la jouissance de la femme », celui sur les Trois baigneuses, tableau construit comme une descente de croix, sont simples et beaux. Voyez le dernier tableau peint avant de mourir : « Une fille pieds nus s’est assise au soleil, entourée de ses chèvres, sur l’herbe épaisse des prairies les moins hautes [...]. Bleu, noir, prasin. Entre l’amoncellement de matière chaotique et les pieds nus, l’œil amorce un va-et-vient qui l’instruit. »
   Dans une vidéo (sur le site Web de la librairie bordelaise Mollat), l’auteur dit que, parti pour écrire sur la contemplation, il s’est trouvé faire un livre sur la liberté. N’est-ce pas la sienne aussi qu’il a gagnée en s’émancipant du poids de la métaphore ?



   La République des livres, mercredi 11 septembre 2013
   Sylvie Germain et David Bosc, une sensation du monde
   par Pierre Assouline



   Passage du livre.com, mercredi 11 septembre 2013



   Matin-Dimanche, dimanche 8 septembre 2013
   Le jury du Goncourt sélectionne un écrivain qui vit à Lausanne
   par Michèle Audétat

   Vendredi, dans la première sélection pour le prochain Prix Goncourt, on a découvert… le nom de David Bosc. Un écrivain français. Mais qui habite Lausanne.

   L’an dernier, la Suisse romande avait suivi passionnément la longue course qui avait conduit l’écrivain genevois Joël Dicker jusqu’au seuil du Prix Goncourt. Cette année, en ira-t-il de même avec David Bosc dont La Claire Fontaine figure sur la première liste de quinze romans sélectionnés pour le prix qui sera attribué le 4 novembre ?
   Bon, c’est vrai, David Bosc n’est pas ce qu’on appelle un « écrivain romand ». Il est né à Carcassonne, en 1973. Il a passé son bac à Marseille et il a étudié à Paris. Mais, depuis 2005, David Bosc habite Lausanne où il travaille comme éditeur chez Noir sur Blanc. Et son livre baigne dans la lumière des paysages lémaniques où Gustave Courbet s’était établi après avoir fui la France qui voulait lui facturer la reconstruction de la colonne Vendôme abattue par les communards. Le peintre s’était installé à La Tour-de-Peilz (VD) en 1873. Il y a vécu les quatre dernières années de sa vie qui sont retracées dans La Claire Fontaine.
   David Bosc a découvert les éditions Noir sur Blanc à Varsovie, à la bibliothèque de l’institut français : « Je vivais alors en Pologne avec ma future femme. » Quelque temps plus tard, à Paris, David Bosc croise la fondatrice des éditions Noir sur Blanc dans une réception donnée à l’ambassade de Pologne : « Vera Michalski m’a demandé si j’étais intéressé par l’idée de vivre en Suisse. J’ai immédiatement accepté sa proposition de venir y travailler. »
   En 1996, le premier livre de David Bosc était un essai consacré à l’écrivain anarchiste Georges Darien (éd. Sulliver). il a publié ensuite deux romans chez Allia : Sang lié (en 2005) et Milo (en 2009). Et c’est chez un autre éditeur de belle qualité, Verdier, qu’il vient de sortir La Claire Fontaine.
   Verdier fera-t-il le poids face aux mastodontes de l’édition française qui font d’ordinaire main basse sur le Prix Goncourt ? David Bosc a-t-il une chance face aux écrivains de cette première sélection qui sont plus célèbres, plus « bancable » ou plus parisiens que lui (Jean-Philippe Toussaint, Sylvie Germain, Yann Moix, Marie Darrieussecq…) ? On n’en sait rien, mais on l’espère : La Claire Fontaine est un pur enchantement […].



   Le choix des libraires.com, jeudi 5 septembre 2013
   par Émilie Dontenville, Librairie Mollat à Bordeaux



   Matin-Dimanche, dimanche 1er septembre 2013
   Gustave Courbet fait la planche
   par Michel Audétat

   Les peintres inspirent-ils de bons romans ? Il est parfois permis d’en douter. Avec L’Œuvre qui présentait un artiste décalqué de Cézanne, Émile Zola n’avait produit qu’une laborieuse dissertation. Et Ramuz, qui ne manquait pourtant pas de talent s’était aussi empêtré dans son Aimé Pache, peintre vaudois. Méfiance donc : on ouvre prudemment La Claire Fontaine, où David Bosc évoque les quatre années que Gustave Courbet a passées en Suisse, et on ravale aussitôt sa suspicion. Dans cette claire fontaine, on a trouvé l’écriture si belle qu’on ne regrette pas de s’y être baigné.
   Né à Carcassonne (1973) et auteur de deux autres romans parus chez Allia, David Bosc vit désormais en Suisse et il a sous les yeux, à peu de chose près, les mêmes paysages que Courbet découvrit après avoir quitté la France en 1873. Deux ans plus tôt, durant la Commune de Paris, le peintre avait appelé au renversement de la colonne Vendôme, ce qui fut fait. D’où ses « emmerdements », comme il dit : la Commune ayant été renversée à son tour, on lui présente la facture de la colonne et c’est pourquoi il file. En octobre 1873, Courbert s’installe à La Tour-de-Peilz. Il y vivra les quatre dernières années de sa vie.
   D’où vient la réussite de David Bosc ? De son écriture précise et dense ? De la finesse avec laquelle il donne à voir, à respirer, à imaginer ? De la liberté ondoyante dont il use pour circuler dans la vie du peintre ? De tout cela qui concourt à dévoiler, peu à peu, le portrait d’un Courbet non pas à son crépuscule mais au plus près de sa source vive. Délesté des vanités parisiennes, peut-être plus libre qu’il ne l’a jamais été, voilà un homme qui laisse parler sa nature, s’imbibe de vin blanc, chante à la chorale de Vevey, peint une enseigne pour un aubergiste de Nyon et connaît la joie d’être au monde en faisant la planche sur les eaux du Léman.



   Site de la Librairie Compagnie, septembre 2013
   L’avis du libraire



   Le Nouvel Observateur, jeudi 29 août 2013
   Exil et mort d’un peintre : Le roman de Courbet
   par Bernard Géniès

   Au lendemain de la Semaine sanglante, qui vit l’écrasement de la Commune de Paris par les troupes versaillaises, Gustave Courbet est condamné à six mois de prison et 500 francs d’amende. Le verdict n’est pas si sévère pour celui qui fut membre du Conseil de la Commune et président de l’éphémère Fédération des Artistes. Mais deux ans plus tard, en 1873, à l’issue d’un nouveau procès, il est jugé responsable de la démolition de la colonne Vendôme et se voit réclamer la somme de 323 091 francs au titre des frais de reconstruction de ce monument érigé par Napoléon pour célébrer sa propre gloire. Redoutant d’être à nouveau emprisonné, Courbet prend le chemin de la Suisse, pays où il vivra les quatre dernières années de sa vie.
   Ce sont les derniers mois de cette existence que David Bosc dépeint dans un roman lumineux. On y croise la silhouette de Rimbaud (qui, en juillet 1873, franchit lui aussi une frontière, quittant Bruxelles pour rentrer en France après que Verlaine lui eut tiré dessus) ou encore celle de Baudelaire (dont Courbet fit le portrait en 1848). Courbet est inquiet, certes. Mais il n’a pas renoncé à la peinture. Il peint les rives du lac Léman, un portrait de son père Régis et jusqu’à cet ultime Grand Panorama des Alpes qu’il laissera inachevé. Procédant par fines touches, faisant resurgir les ombres et les moments furtifs d’une vie tout entière consacrée à l’art, David Bosc construit le portrait d’un proscrit qui refuse de renoncer tant à son métier qu’à sa propre existence.
   Jouisseur (il aime les femmes, l’eau des rivières où il se rue comme un ogre, il ne se prive ni de bonnes chères ni de vin blanc), il omet de succomber à la nostalgie. Rien ici ne laisse deviner l’amertume. Chaque jour de la vie de Courbet est une célébration : il continue à traquer le client (il faut vivre !), organise des expositions, se mêle aux fêtes villageoises, négligeant les griffes de la maladie qui commence à le ronger. David Bosc cisèle avec un rare bonheur le récit de cette joyeuse et lente descente aux enfers. La veille de sa mort, Gustave Courbet reçut des mains de son père une lampe sourde. Il ne vit jamais briller son faisceau.



   L’Humanité, jeudi 29 août 2013
   Vendanges d’or du roman français
   par Alain Nicolas

   Avec 357 livres, 50 de moins qu’en 2012, la rentrée littéraire reflète les difficultés de l’édition. Littérairement parlant, la qualité des œuvres ne connaît pas la crise.

   […]
   Ancien communard, Gustave Courbet fut, on le sait, condamné par les versaillais à payer les frais de reconstruction de la colonne Vendôme, ce qui le contraignit à s’exiler en Suisse jusqu’à sa mort, en décembre 1877. Quatre années jugées par la critique inégales, voire perdues. Et si elles avaient été dans sa vie de peintre des années heureuses, productives ? David Bosc, dont on avait apprécié Sang lié et Milo, s’attache à cette période ignorée où l’amour de la vie explose en liberté dans tous les instants du peintre des Trois Baigneuses.
   [...]



   L’Hebdo (Suisse), jeudi 29 août  2013
   Rentrée littéraire : nos coups de cœur

   […] Ce récit bref, sensuel, raffiné et terreux, raconte les dernières années de Gustave Courbet en Suisse. Pas besoin d’intrigue artificielle : l’enjeu, c’est le regard qu’un grand peintre porte sur le monde, son « affrontement avec le temps ». Très travaillé, La Claire fontaine donne l’agréable impression d’avoir été improvisé, jeté sur le papier, comme la peinture étalée par Courbet sur ses toiles avec son couteau à palette. Précis mais vivant. Courbet est devant nous, « sa bedaine, sa barbe de sapeur », son appétit et sa soif gargantuesques. Il se baigne dans le Léman à des heures indues et traite les autorités de La Tour-de-Peilz de « chenoilles ». Il visite un « bordel honnête » de Vevey, où les filles ont « de bonnes joues rouges et une odeur de savonnette ». Il fascine pour sa façon d’enjamber les frontières, comme un Tsigane. De n’être « ni moderne ni nostalgique », de peindre des natures mortes « secrètement émues », des vagues « médusées » et comme changées en ciment, des animaux à l’odeur de « carnage » et des femmes qui tressaillent sous le feu du plaisir. […]



   L’Histoire, n°391, jeudi 29 août 2013
   Comme à Gravelotte
   par Pierre Assouline

   Faut-il le prendre comme une bonne nouvelle ? Question de point de vue, selon que l’on se place du côté des historiens ou de celui des romanciers. Mais si l’on est un peu des deux, et que l’on se réjouit du brouillage des frontières, on ne peut que s’en féliciter : avec ses 357 romans, la rentrée littéraire témoigne à nouveau que la fiction française continue de flirter avec l’Histoire.

   Une tendance s’accentue qui consiste à faire roman d’une vraie vie. […] David Bosc y excelle dans La Claire Fontaine (Verdier) en isolant les derniers temps de Courbet le Communard exilé en Suisse. […]



   Le Temps, samedi 24 août 2013
   David Bosc s’inspire des toiles de Courbet et fait revivre l’artiste en exil au bord du Léman
   par Eléonore Sulser

   En 1873, le peintre, poursuivi pour sa participation à la Commune de Paris, passe en Suisse. Il s’installe à La Tour-de-Peilz et continue de peindre, de vivre, d’aimer, de se baigner, de boire et de rire. Il meurt en 1877. La Claire Fontaine fait le récit de ses dernières années au bord du lac.

   Le livre s’ouvre sur le corps de Courbet. Silhouette un peu fatiguée – il a 54 ans – mais puissante, qui chemine, sourire, pipe aux lèvres, Courbet quitte Ornans, son village natal. Et, sitôt parti, se baigne dans la Loue, nu, heureux dans l’eau fraîche. Pourtant, en ce mois de juillet 1873, son départ est un exil. Courbet quitte la France. Il a aimé, joui pleinement de la Commune de Paris. Elle a été réprimée dans le sang. On veut lui faire payer les frais de reconstruction de la colonne Vendôme, déboulonnée par la Commune.
   Courbet passe donc en Suisse. On le voit au Val-de-Travers, à Neuchâtel, à Genève, à Nyon, Rolle, Lausanne, Vevey, mais c’est à La Tour-de-Peilz qu’il s’arrête. À la pension Bellevue d’abord, puis dans une maison, justement nommée, Bon-Port. Il prend souche au bord du Léman, lac à peindre et où se baigner. Ce grand corps de Courbet, David Bosc – l’auteur de ce réjouissant La Claire Fontaine, né à Carcassonne en 1973, qui vit en Suisse et qui a déjà signé deux romans, Sang lié et Milo (Allia) –, va le suivre dans ses élans, ses amours, ses excès, sa créativité forte jusqu’à la disparition du peintre en 1877.
   À l’invention romanesque qui s’appuie sur la biographie de Courbet, l’auteur ajoute des documents authentiques, rapport de police, lettres, articles – souvent savoureux – qu’il cite entre guillemets : « Monsieur G. Courbet a donné trois tableaux d’un aspect étrange. L’un est censé représenter le Château de Chillon, mais il est bien difficile de le reconnaître dans cette masure grimaçante, pesamment jetée sur un lac gris-noir que dominent des monceaux de couleur bleu ternes », écrit le Journal de Genève en 1874 commentant L’Exposition fédérale à Lausanne à laquelle le peintre participe. Courbet sera d’ailleurs, David Bosc le montre, excellent citoyen, rejoignant chorales et autres amicales, se prêtant volontiers aux officialités qu’on lui propose.
   La langue du roman suit pas à pas la peinture. Les mots croquent, claquent, s’amusent ; portent haut leurs couleurs comme les pinceaux vifs du peintre. Partout, il y a de la densité et de la vie. David Bosc paraît s’être coulé dans les toiles de Courbet pour y puiser sa propre palette d’écrivain. « La grève grise, la mer gris-bleu et l’horizon que ne vient soulager aucune voile, le ciel sans arrangement baroque, sans trouée soudaine, sans une once de gloire. »
   Un bon livre – et c’en est un – doit avoir un point de vue, proposer une vision du monde. Dans La Claire Fontaine, le point de vue et la proposition sont à la fois doubles et mêlés – puisque l’écriture rejoint les toiles. Il y a l’œil du romancier qui suit le peintre au présent, qui s’imprègne de ses tableaux, de sa vie, qui montre cet homme libre, puissant dans son art, d’une vitalité magnifique, d’une joie, même, hors du commun : « Courbet porte témoignage de la joie révolutionnaire, de la joie de l’homme qui se gouverne lui-même, et c’est une source vive. »
   Et puis il y a l’œil du peintre, que souligne sans cesse l’auteur. Cet œil qui restitue le monde, ses couleurs, ses formes, avec une force peu commune. C’est bien la nature que Courbet donne à voir, mais comme transfigurée, rendue plus puissante encore, plus vraie, par sa patte et son regard. « Courbet plongeait son visage dans la nature, les yeux, les lèvres, le nez, les deux mains, au risque de s’égarer peut-être, au risque surtout d’être ébloui, ravi, soulevé… » Autant qu’un roman, il y a là aussi un essai amoureux sur la peinture, sur une époque. Au moment où Courbet quitte Ornans, Rimbaud est sur les routes, expulsé de Belgique, note David Bosc. Et de rappeler aussi que Courbet, jadis, reçut chez lui à dormir un jeune poète nommé Baudelaire.
   La Claire Fontaine, c’est celle où s’abreuve l’auteur, c’est Courbet lui-même bien sûr dans son corps, sa vie, son travail. Un être, une œuvre où s’abreuver à son tour, où se ressourcer, voilà ce que le livre indique à son lecteur.



   La Croix, mardi 6 août 2013
   Cézanne au pays de Courbet
   par S.G.

   […]

   Le 23 juillet 1873, Courbet, accusé d’avoir fait détruire la colonne Vendôme durant la Commune, se réfugie en Suisse, à La Tour-de-Peilz, un village sur les rives du Léman. Il y meurt quatre ans plus tard, emporté par une cirrhose. De cette ultime halte, scandée par des baignades et des beuveries quotidiennes, les visites de ses proches, d’admirateurs ou d’anciens amis communards exilés à Genève, et quelques excursions à travers la Suisse, David Bosc a fait la matière de son dernier roman, hymne à la liberté d’un artiste indomptable. La langue généreuse, fleurie, grasse comme les pâtes de Courbet, excelle dans la description de ses toiles, jusqu’à ce grand Panorama des Alpes laissé inachevé, avec le lac en « abîme bleu-noir ».

 

Radio et télévision

 
« Un livre un jour », par Olivier Barrot, France 3, vendredi 27 septembre 2013 à 17h20
« La Fabrique de l’Histoire », par Emmanuel Laurentin, entretien avec Perrine Kervran, France Culture, jeudi 12 septembre 2013 à 9h
« Entre les lignes », par Jean-Marie Félix, entretien avec David Collin, lectures de Jacques Roman, Radio Suisse Romande - Espace 2, lundi 9 septembre 2013 à 11h
« La Librairie francophone », depuis le festival « Le Livre sur les quais », à Morges (Suisse), par Emmanuel Khérad, France Inter, samedi 7 septembre 2013 de 15h à 16h
« Comme on nous parle », par Pascale Clark, chronique par Nathalie Crom, France Inter, mercredi 4 septembre 2013 entre 9h et 10h
« Le Journal du samedi », chronique par Geneviève Bridel, Radio Suisse Romande (La 1ère), samedi 31 août 2013 entre 6h et 8h30

http://www.editions-verdier.fr/v3/oeuvre-laclairefontaine.html

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