Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Christie's inaugure le marché chinois
Parmi les quarante-deux lots proposés par Christie's pour sa première vente en Chine, figurent notamment des œuvres de Pablo Picasso. Crédits photo : PETER PARKS/AFP
Dans ce pays de 1,5 milliard d'âmes, les ventes
publiques y sont un phénomène récent et les perspectives sont gigantesques.
C'est un jour historique pour Shanghaï. Ce jeudi, Christie's organise une vente aux enchères au nouvel hôtel Shangri-La. Pendant trois jours, la maison de ventes a programmé lectures et leçons magistrales sur l'histoire de l'art, visites des musées publics et privés, rencontres avec des artistes, dîners de gala. Elle s'est également chargée de réserver des hôtels à ses riches clients, notamment américains, dont beaucoup ne sont jamais venus en Chine, sauf à Hongkong. «C'est un événement aussi important que la création de Christie's le 5 décembre 1766, à Londres, et son implantation le 15 mai 1977, à New York. Nous prenons pied en Chine et pour la première fois, nous y allons seuls», s'enorgueillit François Curiel, président de Christie's Asie.
L'événement a aussi valeur de test pour l'empire du Milieu qui, cent ans après les premières lois restrictives sur les exportations d'objets, ouvre son marché de l'art. Les perspectives sont gigantesques. Dans ce pays de 1,5 milliard d'âmes, les ventes publiques y sont un phénomène récent. La première remonte à 1994, organisée par China Guardian, une des deux plus importantes maisons chinoises. La même année, Christie's et Sotheby's ont ouvert un bureau de représentation à Shanghaï.
Depuis, Sotheby's s'est aussi installé à Pékin, en 2007, et les sociétés chinoises pullulent: «Il en existe 5700», affirme le journaliste francophone Zheng Ruolin, auteur d'un portrait édifiant de ses compatriotes, Les Chinois sont des hommes comme les autres (Denoël, 2012). «Trop de petites sociétés vendent des faux, en faisant monter artificiellement les prix et en se heurtant à des mauvais payeurs», explique-t-il. Le problème des impayés chinois a défrayé la chronique en France et a incité, depuis 2011, la Chinese Auctioneers Association, organe de régulation du marché équivalent à notre Conseil des ventes volontaires, à imposer aux enchérisseurs un dépôt d'arrhes de l'ordre de 20 %.
Selon Zheng Ruolin, «l'expérience de Christie's et de Sotheby's, qui doit organiser une vente en solo en décembre, va permettre de régulariser le marché». Et de poursuivre: «Les collectionneurs chinois sont très en attente de peintures occidentales de premier choix, qui ne sont pas proposées par les maisons chinoises.»
Pour la vente de ce jour, le catalogue de Christie's compte quarante-deux lots. Des vins - Latour, Mouton-Rothschild, Lafite, Margaux -, des bijoux, des montres dont des prototypes de Patek Philippe, des tableaux contemporains chinois, dont Bicycle de Zeng Fanzhi, et une série de sculptures de Sui Jianguo. Ainsi que des toiles impressionnistes et modernes et d'après-guerre, dont Hommes assis, de Picasso (1969), un Giorgio Morandi de 1963 et Diamond Dust Shoes (1980-1981) d'Andy Warhol.
Estimation globale: 15 millions de dollars. Modeste, comparée aux 500 millions de dollars engrangés par les ventes de Hongkong. «Ce n'est qu'un début!», prévient François Curiel. Et Shanghaï n'est pas un port franc comme l'ancienne colonie britannique. Les Chinois qui importent sur le continent doivent s'acquitter de taxes de l'ordre de 15 à 20 %.» En outre, la vente aux enchères s'accompagne d'une vente de gré à gré, qui représente 17 % du chiffre d'affaires de Christie's en Asie, d'une vente on line et d'une vente de charité avec une œuvre créée, mercredi, par l'artiste Cai Guoqiang, au profit du futur musée d'art contemporain dessiné par Frank Gehry à Quanzhou, dans le sud-est du pays.
L'Europe est un peu blasée, mais ici c'est encore un grand spectacle
Pour assister aux enchères, deux salles de 800 personnes pour la première vente et de 300 pour la seconde ont été prévues. Elles seront assurément pleines. «L'Europe est un peu blasée. Mais en Chine, c'est encore un grand spectacle», observe François Curiel, installé depuis 2010 dans la capitale économique.
À ses côtés, chez Christie's, Géraldine Lenain observe d'un œil avisé cette ouverture du marché. En 2003, elle fut la première experte occidentale chez Guardian, à Pékin. Son département, les antiquités asiatiques, n'est pas concerné par la réforme, qui exclut les objets antérieurs à 1949. D'ailleurs, même les œuvres contemporaines peuvent être interdites de vente si le «bureau des reliques», équivalent de notre ministère de la Culture, les considère comme un «trésor national».
Toutefois, la nouvelle licence témoigne d'une prise de confiance récente de la Chine vis-à-vis de l'Occident et révèle l'ambition culturelle de l'empire, qui a ouvert 360 musées l'an dernier. Or il faut des œuvres pour ces établissements. En moins de cinquante ans, ils sont passés de 21 en 1949 à 3 400 aujourd'hui, selon Guo Xiaoling, directeur du Musée de Pékin. La Chine est devenue moteur du marché de l'art mondial, défiant son modèle, les États-Unis. En 2011, un artiste contemporain chinois, Zhang Daqian (mort en 1983), a même détrôné Picasso, avec une œuvre adjugée 550 millions de dollars, contre 315 millions pour le peintre catalan.
Mais les élites chinoises ne regardent l'art que sous le prisme de l'argent. «Ceux qui connaissent Marc Chagall n'ont pas d'argent et ceux qui ont de l'argent ne le connaissent pas», résume Zheng Ruolin. Les maisons de ventes ont bien compris le rôle essentiel de la pédagogie dans un pays où l'enseignement de l'histoire de l'art ne va pas encore de soi.
- L'auteur
- Sur le même sujet
- Réagir (0)
- Partager
Partager cet articleEnvoyer par mail
Christie's inaugure le marché chinois
Dans ce pays de 1,5 milliard d'âmes, les ventes publiques y sont un phénomène récent et les perspectives sont gigantesques.
< Envoyer cet article par e-mail - Imprimer
- Haut de page
Ses derniers articles