Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
La magie des lectures d'enfance
Enfant, nous possédons ce plaisir de la lecture et cette capacité innée de se plonger dans les univers les plus divers. Crédits photo : Michael Zumstein/Agence VU
François Rivière évoque ses lectures de jeunesse dans une anthologie. L'occasion rêvée d'interroger des écrivains de tous âges sur leur premier émoi littéraire.
C'est le livre que l'on a soigneusement rangé dans le rayon jeunesse de son esprit. Entre le portrait flou du meilleur copain d'enfance et le souvenir enchanté du premier vélo sans petites roues. Notre livre préféré quand on était enfant, lu et relu avant l'extinction des feux dans les chambres. S'y sont croisés, selon les âges et les époques, Camille, Madeleine et Marguerite, Jim Hawkins et les quatre filles du docteur March, le capitaine Nemo et le prince Éric, Dagobert et Fantômette, Harry Potter et Alex Rider.
François Rivière en a choisi délibérément neuf, la crème de sa bibliothèque alors qu'il était adolescent, afin de les rassembler dans une anthologie pour la collection «Bouquins». On découvre les titres avec une curiosité mêlée de surprise. Les livres qu'ils citent ont presque tous disparu des rayonnages actuels, épuisés et pas réédités. Ils furent pourtant les best-sellers de leur époque, des ouvrages que tous les jeunes lisaient: Mon Petit Trott, d'André Lichtenberger, Émile et les détectives, d'Erich Kästner, Le Cheval sans tête de Paul Berna, Adieu mes quinze ans, de Claude Campagne, Les Cent Un Dalmatiens de Dodie Smith… Un choix subjectif mais parfaitement assumé par le biographe d'Enid Blyton et de James Matthew Barrie. «J'ai choisi des livres qui ont marqué le début d'une histoire entre leur auteur et moi. Je peux les relire aujourd'hui avec le même plaisir. Il ne faut pas avoir honte de le dire. Le point de départ de toute cette entreprise
est pourtant un souvenir amer. Il y a quelque temps, alors que je visitais une médiathèque dans le Sud-Ouest, le directeur m'a dit qu'on l'obligeait à éradiquer tous les livres parus avant les années 1970. Il avait ainsi constitué une sorte de mausolée pour ces ouvrages.»
Choisi avec le cœur
Qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre en littérature jeunesse? Forcément un ouvrage choisi avec le cœur. L'auteur a d'emblée éliminé les classiques trop évidents, Le Petit Prince de Saint-Exupéry ou Le Lion de Kessel, car ce sont ceux que l'on est obligé de lire. Lui préfère évoquer le plaisir de la lecture et rappeler cette capacité innée qu'a l'enfant de se plonger dans les univers les plus divers et d'y retourner sans compter. Son choix s'est arrêté sur quatre romanciers anglais, un Allemand et quatre Français. La plus connue est Enid Blyton, le Shakespeare des petits Anglais du XXe siècle dont il a sélectionné L'Ile de l'aventure, opus d'une série moins connue que Le Club des cinq. Elle écrivit 700 ouvrages pour la jeunesse! L'inverse de la dramaturge anglaise Dodie Smith, qui écrivit peu pour les enfants mais s'inspira de ses chiens pour trousser un roman délicieusement mordant. Walt Disney récolta les fruits de la célébrité en adaptant ses Cent un Dalmatiens, ce qu'il fit également avec le Mary Poppins de Pamela Travers.
Quant aux auteurs français pour la jeunesse, à l'époque aussi prolifiques que certains Anglais grâce aux séries qui s'arrachaient, la mode était au pseudonyme. Les auteurs se cachaient pour écrire leurs romans jeunesse, réservant leur vrai patronyme aux romans «nobles», pour adultes. C'est le cas de Paul Berna, auteur du Cheval sans tête, alias Jean Sabran, qui reçut en 1955 le grand prix du Salon de l'enfance pour cette chronique agitée dans la banlieue ouvrière du Paris de l'après-guerre. Ce fut le cas aussi de Claude Campagne, pseudonyme cachant le couple Jean-Louis et Brigitte Dubreuil, qui composèrent Adieu mes quinze ans pour les grands enfants. On ne parlait pas encore d'ados à ce moment-là, mais les ingrédients étaient déjà en place pour les séduire: du mystère et des sentiments. Une recette toujours éprouvée de nos jours.
Les chefs-d'œuvre de la littérature de jeunesse, édition établie et présentée par François Rivière, Bouquins-R. Laffont, 1 266 p., 30
Michel Déon: Robinson Crusoé
«C'est le livre de ma vie ou comme je l'ai écrit un jour: “le livre qui m'a ouvert au monde”. C'était un cadeau de mon père. Une édition assez ancienne avec une couverture rouge et de la dorure, une rareté dont je n'avais pas saisi sur le moment la valeur, trop fasciné que j'étais par l'histoire imaginée par Daniel Defoe.»
Flore Vasseur: Le Lion
Flore Vasseur. Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro
«Je l'ai découvert grâce à ma demi-sœur qui l'avait adoré. Quand elle en parlait, elle avait les yeux brillants, pleins d'étoiles. Je devais avoir entre huit et dix ans quand je l'ai lu. C'est le livre de mon enfance à cause de l'émotion sur le visage de ma demi-sœur.»
Jean-Christophe Ruffin. Crédits photo : François BOUCHON/Le Figaro
Jean-Christophe Rufin: Michel Strogoff
«J'ai adoré ce livre de Jules Verne. Je revois encore la couverture rouge et or. Et je n'ai jamais oublié la scène au cours de laquelle Strogoff est aveuglé par une épée brûlante.»
Marie Modiano: Les contes d'Andersen
Marie Modiano. Crédits photo : Catherine HELIE / GALLIMARD/Opale/Catherine HELIE / GALLIMARD/Opale -
«Ils m'ont beaucoup marquée. Toutes ces histoires et ces personnages me faisaient évidemment rêver, mais un peu peur aussi… C'est un univers assez sombre pour des enfants. Dans l'histoire du Petit Soldat de plomb ou de La Petite Fille aux allumettes, par exemple, il y a quelque chose de poignant.»
Sylvain Tesson. Crédits photo : PIERRE VERDY/AFP
Sylvain Tesson: Construire un feu
C'est un texte terrible, sans espoir. Dans une forêt boréale, un chien, soudain, s'aperçoit que son maître est un loup, prêt à tout pour sa survie y compris à tuer le meilleur ami de l'homme. La bête, alors, s'enfuit. Voilà qui décille. Jack London le savait: chien ou homme, on vit seul et on meurt seul. Lorsque l'on referme la nouvelle, on a cessé d'être un enfant.»
Tristan Garcia. Crédits photo : SANDRINE ROUDEIX/Le Figaro
Tristan Garcia: Sans Atout et le cheval fantôme
«Le héros de Boileau-Narcejac voyage seul pour la première fois et découvre le frisson d'un monde sans parents. Son enquête le confronte à un imaginaire qui mêle légende bretonne, bunker nazi et trésor perdu. J'ai rêvé à l'évocation de ces mystères de vacances, introduisant dans le quotidien quelque chose d'étrange et d'ancien.»
- L'auteur
- Sur le même sujet
- Réagir (1)
- Partager
Partager cet articleEnvoyer par mail
La magie des lectures d'enfance
François Rivière évoque ses lectures de jeunesse dans une anthologie. L'occasion rêvée d'interroger des écrivains de tous âges sur leur premier émoi littéraire.
< Envoyer cet article par e-mail - Imprimer
- Haut de page
Ses derniers articles