Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
J'ai terminé hier:L'écrivain et l'autre
Carlos Liscano, l'écrivain, est né en 1981, en prison. Militant politique, appartenant au mouvement de guérilla urbaine des Tupamaros, il fut arrêté, torturé, enfermé par le régime militaire de son pays, l'Uruguay, en 1972, pour ne sortir qu'en 1985. La lecture, à la bibliothèque du pénitencier, d'une nouvelle de Buzzati, « Les sept messagers », lui donna l'envie d'écrire pour échapper à la folie et contrôler sa pensée. Sur des feuilles de papier distribuées parcimonieusement, en lettres microscopiques, il imagina des fictions, décrivit la torture, la nausée, la dépendance, la douleur, la solitude. Grâce à un ami, ses textes passeront avant lui les portes de la prison et, lorsqu'il les retrouvera, ils serviront de matière à plusieurs livres comme La Route d'Ithaque, Le Fourgon des fous ou Souvenirs de la guerre récente (tous aux éditions Belfond).
« Ça s'est fait comme ça. J'ai compris un jour, fin 1980-début 1981, que j'étais écrivain. Pas que je serais écrivain mais que je l'étais », explique-t-il dans son nouvel opus, un remarquable essai autobiographique, L'Ecrivain et l'autre. Cette nécessité l'a sauvé, mais le temps de l'innocence littéraire s'éteignit le jour où, revenu à la liberté, il dut prendre en charge son dédoublement de personnalité : « J'ai le sentiment d'avoir construit un personnage qui est un écrivain, et je sais que derrière ce personnage, il n'y a rien. »
Audacieux, grave, ironique et d'une grande profondeur, son texte est à la fois un aveu d'impuissance et une quête d'absolu. A travers cet autoportrait, Carlos Liscano se confronte à l'impossibilité de créer : « Ma vie aujourd'hui [...] est un chemin de solitude, d'improductivité et de doute. » Incapable de vivre sans écrire, tout en se considérant comme un « petit artiste » face à ses maîtres en littérature, que lui reste-t-il ? Surtout pas la pitié, plutôt une lucidité féroce, mais aussi la force de rester aux aguets, dans l'attente, nuit après nuit. Refuser le confort du succès, s'interroger et combattre, ce n'est pas chez Liscano un effet de modestie mais la preuve qu'il demeure un résistant, capable de choix radicaux pour être à la hauteur et garder la foi.
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