Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Né sous l'étoile du thriller
Révélé en 2008 avec «Seul le silence», R. J. Ellory s'est imposé en quatre livres comme un des auteurs
de thrillers favoris des Français. Crédits photo : Photo : Stephane LAVOUE / PASCO
PORTRAIT - Père inconnu, mère décédée, orphelinat, prison : la vie n'a pas toujours été facile pour Roger Jon Ellory. Un passé douloureux dont il a su faire une arme littéraire : hantés par le thème de l'enfance, ses thrillers font partie des meilleurs du genre.
Roger Jon Ellory bientôt plus fort que Harlan Coben? Révélé en 2008 par Seul le silence, poignante enquête d'un homme blessé autour du meurtre de plusieurs fillettes, l'écrivain britannique est certes encore loin des chiffres de vente en France de l'auteur de Promets-moi et d'À quelques secondes près (qui vient de paraître au Fleuve noir). Mais il est devenu, en nos vertes contrées et en deux temps trois mouvements (ou plutôt en cinq ans et quatre thrillers d'une remarquable intensité), l'auteur préféré des amateurs de romans noirs. Malgré le scandale qui l'a éclaboussé l'année dernière (il s'est fait pincer à écrire, sous pseudo, des critiques dithyrambiques de ses livres sur le site internet Amazon, débinant au passage les romans de ses collègues!) et les récentes révélations sur son appartenance à l'Église de Scientologie, Ellory a la cote. Et ça n'est pas Mauvaise étoile , son nouveau roman, très réussi, qui risque d'affaiblir cette impressionnante popularité.
Ténébreux polar aux allures d'implacable road-movie, Mauvaise étoile raconte le destin de deux demi-frères orphelins qui, après avoir connu les maisons de redressement et la prison, se retrouvent embarqués par un dangereux psychopathe dans une longue et sanglante dérive à travers le Texas, durant les années 60. Une tragique histoire, où il est difficile de ne pas voir l'ombre du romancier. Né à Birmingham en 1965, R. J. Ellory n'a jamais connu son père. Et sa mère meurt alors qu'il a tout juste 7 ans. Confié à sa grand-mère, le jeune garçon passe sa scolarité en pension dans un orphelinat et connaît même, durant quelques semaines, l'expérience de la prison pour un vol de poules - ça ne s'invente pas! De là à être né sous une mauvaise étoile…
«Tennessee Williams a dit “la chance, c'est de croire que l'on a de la chance”. Quand on est dans une situation difficile, on peut choisir d'y rester. On peut aussi décider de se battre. Je crois que j'ai décidé, tout jeune, que je me battrais et que je ferais quelque chose de ma vie. Enfant, je me sentais un peu différent des autres. Je ne m'intéressais pas spécialement au foot, par exemple. Je voulais être photographe. Jouer de la musique. Lire. Je préférais toujours aller bouquiner dans une bibliothèque plutôt que d'aller au cinéma avec des copines. J'étais très timide. Mais au fond de moi, je me répétais que je voulais faire quelque chose d'intéressant de ma vie.»
«La période que j'ai choisie pour Mauvaise étoile, 1963, juste après Dallas, correspond pour moi aux derniers feux d'un monde. À la fin de l'âge de l'innocence.»
La plupart des thrillers de R. J. Ellory évoquent le thème de l'enfance. Une citation de la romancière new-yorkaise Cynthia Ozick, en exergue de Seul le silence («les souvenirs d'enfance sont éternels»), donnait déjà en 2008 le ton à une œuvre au noir largement marquée par les blessures du passé. Rien d'étonnant à ce que l'on trouve dans les premières pages de Mauvaise étoile un petit air de famille entre l'auteur et le héros du roman. Même si Ellory s'en défend mollement. «Je ne crois pas que c'était une volonté consciente pour moi de faire quelque chose qui soit autobiographique. Mais c'était d'une certaine manière inévitable. En fait, j'écris trois types de livres. Vendetta ou Les Anonymes sont de grands exposés sur la corruption du gouvernement, des politiques, etc. Des livres comme Les Anges de New York , où on retrouve un flic, un meurtre, une enquête, sont des polars plus conventionnels. Et puis il y a un troisième type de livres, qui sont, je crois, avant tout des drames humains, comme Seul le silence ou Mauvaise étoile. Et je ne pense pas que l'on puisse écrire des livres qui ont à voir à ce point avec la condition humaine sans échapper à la référence à ses propres émotions. Cela devient autobiographique par ce biais-là.»
Comme tous les romans de ce grand fan de Truman Capote - auquel il emprunte parfois sans vergogne -, Mauvaise étoile se passe en Amérique, au fin fond de l'Arizona et du Texas, dans un décor à ses yeux plus romanesque que les rues de Birmingham ou les paysages des Midlands. Et dans les années 60, une époque cruciale à ses yeux. «Les années 60 américaines sont une période déterminante. Surtout à cause de l'assassinat de Kennedy. Durant les très prospères années 50, les gens ont commencé à croire que le rêve américain allait durer. Qu'ils allaient avoir pour toujours de belles maisons, de grosses voitures. Que tout était stable, sûr et durable. Et puis avec la crise de Cuba, l'assassinat de Kennedy et la guerre du Vietnam, la belle façade s'est fissurée. Les Américains ont commencé à penser qu'ils n'étaient pas invulnérables. L'assassinat de Kennedy a également développé un climat de suspicion à l'intérieur du pays. Et un certain sentiment d'autodestruction. Jusqu'alors, l'Amérique faisait naturellement confiance à son gouvernement, respectait son autorité, convaincue que sa presse, ses médias, lui disaient la vérité. Et puis arrivèrent les rumeurs sur la responsabilité de la CIA dans la mort de Kennedy ou sur le fait que les astronautes n'avaient pas marché sur la Lune. Et tout commença à vaciller. La période que j'ai choisie pour Mauvaise étoile, 1963, juste après Dallas, correspond pour moi aux derniers feux d'un monde. À la fin de l'âge de l'innocence. Un des deux frères représente ce monde révolu. L'autre, par sa violence aveugle, le monde tel qu'il est en train de devenir.»
Une enquête sans téléphone portable ni internet
Pour autant, l'aspect purement historique n'est pas le seul qui justifie aux yeux d'Ellory ce choix des années 60. Comme beaucoup d'auteurs de thrillers depuis quelques années, l'écrivain anglais avait envie d'un roman noir «à l'ancienne», où l'intrigue puisse se développer sans être contaminée par une technologie omniprésente. «Je voulais une enquête de police sans ordinateurs, sans téléphones portables, sans internet. J'avais besoin d'un environnement où il soit facile de disparaître. Où un fuyard n'est pas identifié en trente secondes grâce à son ADN, puis localisé dans la demi-heure à cause de son permis de conduire et de son GPS. Je n'avais pas très envie d'une ambiance Les Experts. Quand j'ai attaqué ce livre, je voulais vraiment écrire un road-movie. Ainsi qu'une histoire d'amour. Un road-movie avec Roméo et Juliette, en fait. Et j'avais besoin de temps. Pas qu'ils se fassent attraper au premier virage.»
Et il est vrai que d'un bout à l'autre, Mauvaise étoile évoque les grands films qui ont fait la gloire du road-movie policier, des Amants de la nuit de Nicholas Ray à Bonnie and Clyde d'Arthur Penn en passant par La Balade sauvage de Terrence Malick, un de ses films préférés. «Le cinéma a toujours eu une immense importance dans ma vie. Ma grand-mère était une grande amatrice de l'âge d'or d'Hollywood. Lorsque je rentrais de l'orphelinat, durant les vacances de Noël, ou l'été, nous regardions des films avec Cary Grant, Edward G. Robinson, Humphrey Bogart. Des films avec des scripts et des dialogues incroyables, comme L'Inconnu du Nord-Express, d'Hitchcock, d'après un roman de Patricia Highsmith, avec des dialogues signés Raymond Chandler. Je pense que le cinéma a profondément influencé ma manière d'écrire. J'adore, par exemple, les échanges rapides de dialogues. Je crois que c'est Chandler qui disait qu'il n'y a aucun aspect de l'intrigue que l'on ne puisse révéler grâce aux dialogues. Mon désir d'écrire vient de ma passion du cinéma.»
Crédits photo : _MAR
Juste retour des choses, le cinéma, justement, commence à s'intéresser à ses romans. En France, la piste d'une adaptation de Seul le silence par Olivier Dahana été pendant un certain temps sérieusement explorée. Et d'autres projets sont dans les tuyaux. Mais pour le moment, le romancier a des échéances plus pressantes. Et tout aussi excitantes: bientôt R. J. Ellory va entrer en studio, guitare en bandoulière, pour enregistrer un album de rock avec son groupe, les Whiskey Poets, rebaptisé désormais Zero Navigator, «un nom qui ne veut rien dire, qui n'évoque pas un genre particulier de musique, mais qui est facile à retenir». Une affaire très sérieuse pour ce rocker de 48 ans, originaire de la ville de Black Sabbath et de Duran Duran, mais fan des clubs de blues de Memphis ou de Chicago. De ces clubs ou justement, tard dans la nuit, on peut encore entendre les accords d'un vieux classique de Booker T Jones, «Born Under a Bad Sign» - né sous une mauvaise étoile»…
Mauvaise étoile, Sonatine, 540 p., 22 €. Traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau.
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PORTRAIT - Père inconnu, mère décédée, orphelinat, prison : la vie n'a pas toujours été facile pour Roger Jon Ellory. Un passé douloureux dont il a su faire une arme littéraire : hantés par le thème de l'enfance, ses thrillers font partie des meilleurs du genre.
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