Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Fazil Say, le courage et la rage
Le pianiste turc, Fazil Say, en concert à Ankara, en octobre 2010. Crédits photo : © Stringer . / Reuters/REUTERS
Le musicien avait été condamné en septembre dernier par un tribunal d'Istanbul à cause de tweets jugés provocateurs envers l'islam.
Dix mois d'emprisonnement avec sursis et une mise à l'épreuve de deux ans: c'est la peine prononcée à l'encontre du pianiste et compositeur turc Fazil Say, en septembre dernier! Le jugement, prononcé une première fois le 15 avril dernier par un tribunal stambouliote, avait pourtant été cassé en appel dix jours plus tard et renvoyé devant une cour de première instance pour vice de procédure.
L'affaire remonte à un an et demi. En avril 2012, Ankara avait ouvert une enquête à la suite de déclarations sur Twitter, où le pianiste virtuose s'était avoué fier de revendiquer son athéisme et avait moqué l'appel à la prière du muezzin. Des propos qui, selon une justice turque réprimant l'insulte aux valeurs religieuses, pouvaient être passibles de trois mois à un an de prison.
Porte-parole de la communauté laïque
«Je suis peut-être la première personne au monde à faire l'objet d'une enquête pour avoir déclaré son athéisme», avait-il alors commenté au quotidien Hürriyet . En réalité, les relations entre l'artiste, très soutenu en Europe et notamment en France (il enregistre en exclusivité pour la maison de disques Naïve), et le parti islamo-conservateur AKP, au pouvoir depuis 2002, étaient déjà tendues. Figure d'Istanbul, où il habite depuis dix ans à quelques rues à peine du Bosphore, le musicien est connu et apprécié de nombreux intellectuels locaux, qui reconnaissent en lui l'un des porte-parole de la communauté laïque.
Dès 2007, son Requiem pour Metin Altiok, poète tué lors du massacre de Sivas, en 1993, avait été censuré par le ministère turc de la Culture. L'année suivante, un autre oratorio, dédié au poète exilé Nazim Hikmet, avait vu sa représentation à Francfort annulée sous la pression des conservateurs. Entre-temps, le compositeur s'était défendu par voie de presse et avait confié ses inquiétudes pour son pays, face à la montée de l'islam radical. Il avait alors reçu des centaines de lettres d'injures et des menaces de mort.
En 2010, les relations s'étaient encore envenimées comme l'on célébrait en France l'Année de la Turquie. Le pianiste, qui jouit chez nous d'une solide réputation, autant pour la force d'évocation de ses compositions que pour leur qualité mélodique - une cinquantaine d'œuvres à ce jour, dont trois symphonies, - avait alors refusé d'y associer ses concerts au Théâtre des Champs-Élysées, à l'occasion d'une carte blanche justement intitulée «Alla turca».
Si sa récente condamnation a suscité de la part de l'Union européenne de nombreuses réactions de soutien, elle n'a pas non plus réduit l'artiste au silence, en dépit de la mise à l'épreuve dont elle s'accompagne. Du moins du point de vue artistique, la musique restant, selon lui, «la meilleure des réponses à l'Histoire». En témoignent ses deux dernières symphonies, Mesopotomia et Universe, d'une force évocatrice inouïe, parues fin novembre. Et une activité de pianiste toujours aussi intense: près de 120 concerts par an!
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Le musicien avait été condamné en septembre dernier par un tribunal d'Istanbul à cause de tweets jugés provocateurs envers l'islam.
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