Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Beyrouth s'attaque à l'art contemporain
Le projet de la Aïshti Foundation. Au cœur, un vertigineux «void» créera un puits de lumière sur les quatre étages d'un bloc qui doit supporter le soleil intense du Moyen-Orient. Crédits photo : Aishti Fondation
En 2015, la Aïshti Foundation exposera artistes internationaux et libanais. Un défi en réponse à la guerre.
Rendez-vous un samedi après-midi d'hiver à Jal el-Dib, à l'entrée nord du Grand Beyrouth. Là, un chantier avec ses tiges d'acier qui percent le béton surgit comme une œuvre contemporaine d'une zone autrefois encombrée d'entrepôts gris. Devant, passe la route bruyante que les 4×4 dévorent en ignorant le Code de la route européen. Derrière, la Méditerranée.
D'une énergie juvénile, Tony Salamé, «juriste tombé dans la passion du commerce par hasard lors de ses études de droit à Aix-en-Provence» et homme d'affaires créateur de l'empire du luxe Aïshti en 1998, surveille avec passion la naissance de sa Aïshti Foundation qui unit dans le même espace des mondes contraires, la mode et son commerce d'une part, l'art contemporain et l'éducation du public de l'autre (4000 m2 sur 20.000 m2). Au cœur, un vertigineux «void» créera un puits de lumière sur les quatre étages d'un bloc qui doit supporter le soleil intense du Moyen-Orient. Un voile d'acier jouera les moucharabiehs pour séparer les espaces commerciaux et culturels. Avec un «sky bar» sur le toit pour réunir les visiteurs.
En avril 2015, ce bord de mer sera transfiguré par une série de panoramas surélévés comme des festons. Et sera inauguré le bâtiment signé David Adjaye, britannique né en 1966 à Dar es-Salaam en Tanzanie d'un père diplomate ghanéen. Il est l'architecte de l'art, fêté de la première Frieze Art Fair de Londres à la fondation T-BA21 de Francesca de Habsbourg, pétulante archiduchesse d'Autriche, qui marie arts et architecture dans des «pavillons» prototypes.
Hommage à la couleur de la terre
Légèrement de biais dans toute sa masse, la Aïshti Foundation tangue comme un vaisseau spatial qui a atterri au jugé. Pas une paroi verticale dans la structure d'ensemble, donc un travail complexe pour les architectes et maîtres d'œuvre. La silhouette est soulignée par l'ocre de la double membrane extérieure en baguette d'aluminium. «Les premiers essais en céramique étaient beaucoup trop lourds et délicats à assembler», souligne Ziad N. Kassem en charge du projet. Cette version rend hommage à la couleur de la terre et des briques libanaises et regarde directement vers le futur.
Le marketing se doit d'être diplomate dans ces terres marquées par la guerre civile, la guerre larvée des religions, la guerre voisine en Syrie. Aïshti veut dire «je t'aime» en japonais, donc personne n'est offensé. Partout dans Beyrouth, les affiches de Noël pour les boutiques Aïshti souhaitent d'ailleurs un simple «merry» et oblitèrent le «Christmas» trop connoté chrétien. Jal el-Dib est un quartier à majorité chrétienne, mais personne ce jour-là ne prononce ce mot ni n'entre dans ce vieux débat.
Devant l'énorme maquette de son projet, Tony Salamé se concentre sur le positif: «Je reçois 50 mails par jour de mes fournisseurs inquiets de la situation au Liban. J'ai confiance. Je suis toujours resté ici, malgré tout. L'art est la réponse à la guerre, à l'instabilité, au danger. Il correspond à une jeunesse libanaise qui a dû voyager à cause des événements et qui revient enrichie de ce qu'elle a appris et vu.» Sa fondation entend exposer art contemporain international et jeune scène libanaise. Une réponse implicite à la critique vive de l'intelligentsia qui n'aime pas ses Kate Moss en pose yoga et en or par Marc Quinn, son Cèdre du Liban par Giuseppe Penone, ses Fontana aux monochromes bien éclatants, ses Pomodoro dorés, et lui reproche d'ignorer la scène libanaise et sa peinture, violemment colorée, foncièrement politique.
«Beyrouth est unique. On sent que la ville a besoin de cette énergie et elle nous donne de l'énergie en même temps. Les artistes étrangers le ressentent, comme Jim Lambie, Marc Quinn. Les curators aussi, comme Massimiliano Gioni (commissaire de la 55e Biennale de Venise en 2013), Germano Celant (commissaire de l'exposition “Quand les attitudes deviennent forme”, à la Fondation Prada de Venise en 2013) pensent que c'est à Beyrouth que l'art trouvera son point d'ancrage au Moyen-Orient.»
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En 2015, la Aïshti Foundation exposera artistes internationaux et libanais. Un défi en réponse à la guerre.
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