Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Les cadeaux impudiques de Rodin à Clemenceau
Femme nue debout, les bras relevés derrière la tête, vers 1894, Rodin. Crédits photo : © Paris, Collection musée Clemenceau
Découverts dans les archives du Tigre, des dessins érotiques du sculpteur sont exposés pour la première fois.
C'est la première fois qu'on les montre et ils irradient. Pourtant placés derrière un grand bronze de Maillol, après des toiles célèbres de Manet et avant d'éclatants nymphéas de Monet, ces dessins érotiques de Rodin constituent le clou de l'exposition «Clemenceau et les artistes modernes», à l'Historial de la Vendée des Lucs-sur-Boulogne.
Discrètement présentés dans un petit cabinet, ces papiers à lettres diaphanes ou aux formats de plus grandes dimensions ont appartenu au Tigre. Ils dormaient dans les archives de son bureau parisien, rue Benjamin-Franklin, et ont été découverts par hasard, en 2005. «Ils se trouvaient dans une enveloppe qui n'avait jamais été ouverte», précise Christophe Vital, de l'Historial. Clemenceau l'aurait-il lui-même cachetée? Une telle pudeur ne ressemble guère à ce caractère cru, qui eut un jour ce mot: «En amour, le meilleur moment est celui où l'on monte l'escalier.»
Quoi qu'il en soit, ces trente-deux inédits s'ajoutent au millier de feuilles connues d'un Rodin classé X. Ils ne figuraient pas dans l'exposition de ses 140 dessins les plus osés organisée en 2007 au Musée Rodin puis à la Fondation Gianadda de Martigny (Suisse). Ils confirment l'extrême liberté que le sculpteur s'accordait en privé. Dans son atelier de la rue de L'Université à Paris ou à Meudon, il demandait à ses modèles féminins de se laisser aller. Résolument anti-académique, il cherchait les attitudes les moins convenues. L'œil fixé comme le désir sur son sujet, il jetait alors, obsessionnel et jubilatoire, quelques traits d'une pointe fine de graphite. Puis lavait la silhouette obtenue de quelques gouttes d'aquarelle très diluée. La tache abstraite de marron, jaune, rose vif ou de parme devenait carnation, chevelure, pubis… Aucun tabou alors. Au contraire: du sexe pur ; les éléments essentiels retenus. Ceux de femmes seules oubliant leur Pygmalion, parfois se caressant, s'exhibant, ou bien en couples saphiques.
Concentrés d'énergie vitale
Rodin considérait ses dessins comme «la clef de son œuvre». Pour lui, il n'y avait «rien dans la nature qui ait plus de caractère que le corps humain». Les dessins offerts à Clemenceau, cet ami qui l'avait soutenu dans l'élaboration difficile de son Balzac, semblent ainsi de purs concentrés d'énergie vitale.
La danseuse Isadora Duncan a témoigné d'une séance de pose chez Rodin: «Il me regardait de ses yeux brillants sous ses paupières baissées, puis avec la même expression qu'il avait devant ses œuvres, il s'approcha de moi. Il passa sa main sur mon cou, sur ma poitrine, me caressa le bras, passa ses doigts sur mes hanches, sur mes jambes nues, sur mes pieds nus. Il se mit à pétrir le corps comme une terre glaise, tandis que s'échappait de lui un souffle qui me brûlait, qui m'amollissait.» Même cette avant-gardiste se troublait. Trop prude en définitive. Elle ne figure probablement pas dans ces œuvres radicales.
Clemenceau et les artistes modernes, Historial de la Vendée, Les Lucs-sur-Boulogne (85). Jusqu'au 2 mars. www.historial.vendee.fr
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