Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
De Manet à Cézanne: impressions de soleils cachés
Bénerville, La Plage par Eugène Boudin, 1890. Crédits photo : Collection particulière, DR
Pour ses 80 ans, le musée Marmottan rassemble une centaine d'œuvres rares, voire inédites, de peintres impressionnistes. Toutes propriétés privées.
Plaire en proposant un parcours original, malgré un thème aussi vaste et rebattu que celui de l'impressionnisme: tel est le défi que s'est lancé il y a huit mois le musée Marmottan, dans la perspective de son quatre-vingtième anniversaire.
Pour cela les commissaires Marianne Mathieu, adjointe du directeur Patrick de Carolis, et Claire Durand-Ruel-Snollaerts, arrière-arrière petite-fille du galeriste historique des impressionnistes, ont choisi de ne demander des prêts qu'à des collectionneurs privés. En outre, elles n'ont retenu que ce qui n'avait pas - ou guère - été montré dans les trésors de ces riches français et étrangers. La plupart de ces derniers sont anonymes. Mais on peut citer le mexicain Perez Simon qui montre régulièrement des pans de son fonds au musée Jacquemard-André et à la Pinacothèque, l'avocat d'affaires texan Erich Spangenbergl, la famille Nahmad, les Larock-Granoff ou encore le financier Scott Black qui a envoyé un Cézanne, un Monet et un Degas (une rarissime évocation posthume du père de l'artiste). Souvent, on le constate, il s'agit d'Américains… Claire Durand-Ruel rappelle à ce propos que Paul son aïeul n'avait vraiment réussi à imposer les impressionnistes qu'en les exposant à New York, en 1886.
Si tout n'a pas la qualité muséale et ne suffit pas à raconter l'histoire du mouvement autrement que de manière schématique, le caractère inédit des œuvres livre plusieurs regards originaux susceptibles de combler les amateurs. Dès l'entrée, par exemple, placée dans la rotonde, La Terrasse de Méricexécutée par Frédéric Bazille - artiste rare car mort au combat en 1870 - étonne: c'est la version première, et radicale, de Réunion de famille son chef-d'œuvre d'Orsay qui imposera le portrait de groupe en plein air. Le format est plus petit, les personnages sont plus éloignés et ne nous regardent pas. C'est ce tableau qui fut refusé au Salon de 1867 tandis que l'autre, aujourd'hui fort célèbre, y fut admis l'année suivante.
Dans le premier couloir, place aux précurseurs. Avec Corot, Jongkind et Boudin dont le vaste Bénerville, La plage est accroché à proximité des toutes premières feuilles de Monet. Curiosités: ce sont des portraits à charge. Ils plurent au peintre des ciels normands cher à Baudelaire. Une amitié s'ensuivit et l'aîné apprit au cadet à planter son chevalet sur les grèves et les falaises. L'histoire commençait et sa légende avec…
Vertige et mélancolie
En face, Manet, l'autre aîné, le parrain de Paris autrement plus sulfureux, est évoqué par la seule version préparatoire subsistante du Bar aux Folies Bergère, sa dernière œuvre majeure. La serveuse ne nous fixe pas encore franchement, mais le jeu du reflet dans la glace, derrière son comptoir, est déjà sciemment faux. Il est le signe d'une peinture qui se libère des codes, s'affranchit même de la réalité pour se célébrer comme telle. La décennie 1880-1890 est lancée. Marmottan l'émaille de surprises. Ainsi ce Monet exceptionnel, Sur les planches de Trouville, hôtel des Roches noires connu jusqu'alors uniquement par des reproductions en noir et blanc. Ou cette Aiguille d'Étretat comme vue par le trou d'une serrure…
De son côté, en plus de ses vues parisiennes empreintes du léger vertige et de la mélancolie qui le caractérise, Caillebotte livre deux splendides jardins en grand format: tournesols et dahlias pré-vangoghiens au premier plan. Cézanne, lui, déçoit par ses géraniums et pieds-d'alouette trop maniérés dans un petit vase de Delft. Il aurait dû les laisser à Monticelli. Où sont ses pommes si simples et tellement révolutionnaires? On le préfère inspiré par Daumier, insérant le Sancho de Cervantes dans ses fameuses baigneuses. Sa touche facettée explose alors.
Non loin, Pissarro et Sisley se redécouvrent également avec des tableaux nouveaux. En 1873 le premier livre une meule, sept ans avant la série de Monet… Quant au second, il excelle dans les transparences de bleu - en rares aplats pour Gardeuses d'oies au bord du Loing, ou en touches fragmentées plus habituelles dans le Barrage du Loing à Saint-Mammès(1884, inédit). Largement présent, Renoir se signale par la variété de ces techniques. Dans le jamais vu Madame Renoir et son chien, vers 1880, les personnages sont noyés jusqu'à dissolution dans une nature luxuriante faite d'une myriade de touches vibrantes. Tout oppose cette composition au sage portrait porcelainé de Lucie Bérard en tablier blanc(1884). Enfin ce voyage en quatre-vingt peintures, une vingtaine de dessins et sculptures (dont une terre cuite pourLe Penseurde Rodin) se termine avec le maître de céans, Monet. Ultime surprise: au lieu de nymphéas le voilà qui préfère peindre des hémérocalles…
Jusqu'au 6 juillet au musée Marmottan-Monet 2, rue Louis-Boilly (Paris XVIe). Catalogue Hazan, 232 p., 29 €. Tél.: 01 44 96 50 33. www.marmottan.fr
- L'auteur
- Sur le même sujet
- Réagir (0)
- Partager
Partager cet article
De Manet à Cézanne: impressions de soleils cachés
Pour ses 80 ans, le musée Marmottan rassemble une centaine d'œuvres rares, voire inédites, de peintres impressionnistes. Toutes propriétés privées.
< Envoyer cet article par e-mail - Imprimer
La rédaction vous conseille :
- Le Mariage de la Vierge de Rosso Fiorentino en lune de miel à Paris
- La gigantesque toile Les Halles signée Lhermitte revient à Paris
- La Jeune Fille à la perle fait fureur à Bologne
- Van Gogh raconté à la manière du peintre
- Le nouvel art de gérer les musées
- Régime minceur pour les arts anciens et lointains
- En 2014, l'art contemporain montre ses muscles