Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
New development on a former citrus-growing estate, Highland, California. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York(vu au Jeu de Paume mercredi)
Photo : les horizons perdus de Robert Adams
Exposition | Il a failli devenir pasteur. Mais l'homme des Grandes Plaines a préféré s'engager au service du paysage et de l'environnement. Une belle rétrospective lui est consacrée à Paris.
Les plus belles photographies de paysages de l'Ouest américain sont en noir et blanc : le ciel y est immense, la plaine, à perte de vue et l'ombre, rare. Elles ont été prises par l'Américain Robert Adams. On les découvre parmi les deux cent cinquante tirages (1965-2009) exposés au Jeu de Paume dans l'exposition « Robert Adams - L'endroit où nous vivons », qui révèle non seulement un artiste talentueux mais aussi un homme engagé. Ecologiste avant l'heure, le photographe témoigne de la majesté des régions où il a vécu, mais aussi de la déforestation, de la pollution ou de l'urbanisation débridée qui transformèrent le paysage ces quarante dernières années.
Nature et urbanisation chaotique
Robert Adams est né en 1937, dans une famille de méthodistes libéraux attentive aux questions sociales et soucieuse du respect de la nature. Le dimanche, avec son père, il voyage jusqu'aux terminus des lignes de bus, dans la banlieue de Denver, pour découvrir les Grandes Plaines le Continental Divide (la crête des montagnes Rocheuses), ou marcher le long des rivières Green et Yampa. « Traverser les champs de blé, les après-midi d'automne clairs et venteux, fut l'une des expériences les plus intenses de ma vie », se souvient Robert Adams. Est-ce la communion avec la nature et l'engagement de ses parents contre l'injustice sociale qui poussent le jeune Robert à entrer au séminaire pour devenir pasteur ? Sans doute ! Il abandonne toutefois cette voie lorsqu'il rejoint le campus de l'université de Redlands, en Californie, pour étudier l'anglais. Il y rencontre Kerstin Mornestam, une Suédoise naturalisée américaine, qu'il épouse en 1962, avant de passer son doctorat en littérature à Los Angeles. Un poste de professeur assistant d'anglais à Colorado Springs le ramène, plus tard, dans la région de son adolescence, en proie alors à une urbanisation chaotique. « Quand je suis revenu, je me suis aperçu qu'un peu de Los Angeles était arrivé dans le Colorado et ça m'a fait mal, raconte Robert Adams. Finalement, la photographie a été le moyen de chercher une réconciliation.»
Les débuts dans la photographie
La révélation eut lieu par hasard. Pour illustrer l'une de ses conférences sur le paysage, on lui suggère de montrer quelques vues de Colorado Springs. Il photographie la ville et, parmi ces images, il se surprend à en trouver certaines assez belles. Aujourd'hui, l'un des plus célèbres clichés de cette série montre un pavillon écrasé par le soleil, posé sur un gazon ras avec une silhouette solitaire qui se découpe dans l'encadrement de la fenêtre. La photo devient, pour Adams, un mode d'engagement ; mais, à la différence d'un photojournaliste, la dénonciation n'est jamais, chez lui, visuellement sensationnelle. Dans son Essai sur le beau en photographie (1981), il écrit : « Les images de paysages ont, je pense, trois vérités à nous offrir : géographique, autobiographique et métaphorique. La géographie seule est parfois ennuyeuse, l'autobiographie, souvent anecdotique, et la métaphore, douteuse. Mais ensemble [...], ces vérités se consolident l'une l'autre et renforcent ce sentiment que nous essayons tous de garder intact : une tendresse pour la vie. »
Pikes Peak, Colorado Springs, Colorado, 1969. © Robert Adams. Courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco et Matthew Marks Gallery, New York
Un style unique en noir et blanc
A partir de l'année 1966, Adams décide d'enseigner à mi-temps pour se consacrer à la photographie. Quand il ne passe pas son vendredi après-midi à l'étude de l'histoire du médium, il teste des appareils et apprend à tirer lui-même ses images. De petits formats, 15 x 15 cm, 15 x 20 cm ou 20 x 25 cm, rarement plus grands, pour forcer le spectateur à contempler attentivement le pays. Un pays qu'il saisit frontalement ou parfois de trois quarts, comme un marcheur qui découvrirait les lieux pour la première fois. Et toujours baigné dans une lumière moelleuse où le ciel occupe le cadre à égalité avec les plaines, les routes bordées de panneaux de signalisation ou une mesa (éminence rocheuse au sommet plat chère aux paysages de westerns). Ainsi, au fil des ans, son vocabulaire visuel se précise. Adams refuse la couleur trop réaliste à son goût. Sa palette se restreint à un camaïeu de gris. C'est, par exemple, sous un ciel plombé, qu'il révèle les coupes franches qui détruisent 90 % de la forêt primaire en Oregon. D'une banalité trompeuse, ces images restent paradoxalement harmonieuses. Etudiant, la beauté lui semblait être un mot obsolète. Mais il y vient vite. Définitivement convaincu par la puissance rédemptrice de la forme artistique, il avoue : « C'est même cette position centrale qui détermine, en fait, ma décision de prendre des photos. » Des photographies qui se sont surtout fait connaître par le livre, une quarantaine de monographies ayant été réalisées à ce jour.
Robert et son épouse, Kerstin, ne seront probablement pas présents au vernissage de l'exposition au Jeu de Paume. Dédaignant les mondanités, ils viendront plus tard, incognito. Ils vivent aujourd'hui à Astoria (Oregon). La petite maison qui domine l'estuaire du fleuve Columbia suggère à Robert Adams cette méditation : « Parmi les lieux sacrés de la côte, aucun n'est plus réconfortant que celui où un fleuve se jette dans la mer. Sa disparition nous rappelle que la vie est éphémère et, en même temps, la beauté de l'océan nous permet de l'accepter. »
Les propos rapportés sont extraits d'Essai sur le beau en photographie, de Robert Adams (éditions Fanlac).
Exposition « L'endroit où nous vivons » au Jeu de Paume (Paris), jusqu'au 18 mai 2014. Tous les détails…
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