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Giovanni Battista Beinaschi (1636-1688)

Auteurs : Vincenzo Pacelli et Francesco Petrucci

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Giovanni Battista Beinaschi (1636-1688)
Jacob découvre le puits dont l’eau abreuvait les brebis de Laban
Pinceau et lavis brun - 22,5 x 33,3 cm
Paris, Musée du Louvre
Photo : Musée du Louvre

 

L’édition italienne, une fois encore, vient nous donner une preuve de sa vitalité : un peintre baroque actif entre Rome et Naples dans la seconde moitié du XVIIème siècle, Giovanni Battista Beinaschi (Fossano (Cuneo), 1636 – Naples, 1688) relativement peu connu du grand public – il n’est pas mentionné dans le Larousse des peintres – vient de bénéficier d’un superbe ouvrage, publié par Andreina et Valneo Budai Editori (juillet 2011). Les auteurs, un historien de l’art napolitain, Vincenzo Pacelli, et un romain, Francesco Petrucci, ont conjugué leurs efforts pour rédiger une monographie accompagnée d’un catalogue raisonné des œuvres. Sept historiens dont Pietro Boccardo, Gianluca Forgione et Giuseppe Porzio ont été sollicités pour la rédaction de divers chapitres (fortune critique, notices du catalogue,…).

Le plan est celui que l’on attend de ce type de livre : deux chapitres (de 100 pages chacun) sur l’activité de l’artiste à Rome et à Naples, la fortune critique et enfin le catalogue raisonné (102 pages) ; les apparati : œuvres perdues, rejetées et pièces d’archives complètent utilement le travail.

Mais qui est, en quelques lignes, Giovanni Battista Beinaschi ?
D’origine piémontaise, il reçut son éducation artistique auprès du peintre Esprit Grandjean. Très tôt, avant 1652, il entreprit le voyage d’étude à Rome. Il fut l’élève de Pietro del Po (1610-1692). Comme le rapporte Mariette (Abecedario, 1851, I, p. 108-109) : « Il n’est pas certain qu’il ait été disciple de Lanfranco, mais il n’est pas moins vrai qu’il en fut le sectateur et imitateur qui voulant marcher de trop près sur les traces de ce grand peintre a fait trop souvent la charge de sa terrible manière. Il a donné dans le noir, il a chargé ses contours et quoyque ce qu’il a peint montre de la verve et du génie, il n’a presque rien fait d’agréable… ».
Outre cette influence déterminante pour l’évolution de son style, on décèle à travers sa production artistique la méditation des grands maîtres : Raphaël mais aussi Jules Romain, Annibal Carrache, Poussin et surtout Pierre de Cortone.

De 1664 à 1676, Beinaschi s’établit à Naples au moment où s’est opéré un renouveau de la peinture qui, grâce à Mattia Preti mais surtout à Luca Giordano, s’ouvre aux nouvelles tendances baroques remplaçant ainsi les formules naturalistes et classicisantes qui prévalaient durant la première moitié du siècle. Beinaschi, moins novateur cependant que Giordano, multiplie à cette époque les grandes décorations baroques pour les églises de Naples, les fresques illustrant l’Histoire de saint Nicolas de Bari à S. Nicola alla Dogana en 1664 (détruites) ou l’Histoire de la Vierge à S. Maria degli Angeli à Pizzofalcone vers 1660-1670. Ces œuvres montrent sa prédilection pour les formes tourbillonnantes dans un espace ouvert et les raccourcis savants. Elles témoignent de l’influence de Lanfranco et, à travers lui, de celle de Corrège.

En 1676, Beinaschi retourne à Rome et réalise sous la direction de Giacinto Brandi des fresques allégoriques dans la chapelle Saint-Barnabé à l’église S. Carlo al Corso.
Il s’installe ensuite définitivement à Naples où il exécutera l’une de ses œuvres majeures : le Paradis en 1680 pour la coupole des SS. Apostoli, sujet déjà abordé par Lanfranco en 1641-1643 à la chapelle du Trésor du Duomo de Naples. Beinaschi va assouplir le graphisme de ses figures et éclaircir sa couleur pour atteindre un modelé plus pictural. Il entreprendra ensuite d’autres réalisations, notamment au Gesù Nuovo. Mais alors que Giordano connaît une gloire internationale, le public se détourne rapidement de l’art plein de verve de Beinaschi qui va tomber presque aussitôt dans l’oubli1.

Le chapitre de Petrucci sur Beinaschi entre Rome et Naples déçoit pour un problème de mise en page : des tableaux secondaires sont reproduits en couleurs, en pleine page ; le peintre de bataille est expédié en quelques lignes et l’important tableau de Nantes, Bataille de Josué contre les Amaléchites (ill. 1), me semble sous-estimé ; les dix dernières pages de l’essai de Petrucci concernent Naples : il fait donc double emploi avec l’essai suivant de Pacelli sur la période napolitaine ; des œuvres essentielles du séjour romain (les fresques des églises romaines Santa Maria del Suffragio, Santi Ambrogio et Carlo al Corso) sont reproduites trop loin, dans le chapitre sur la fortune critique ; des erreurs de légende (p. 9) ; les figures de comparaison ne sont pas toujours maîtrisées : la fig. 108 (Beinaschi, Couronnement d’épines), aurait due être accompagnée d’un Trevisani sur le même thème et non d’un Beinaschi (Incrédulité de saint Thomas) un peu atypique puisque ce dernier renvoie au Caravage et à Guerchin ; enfin, on décèle parfois un manque de coordination : une Crucifixion de saint Pierre donnée à Beinaschi (?) p. 49 ou à Beinaschi lui-même, n° B1, p. 271.

En revanche, le chapitre de Vincenzo Pacelli (« Beinaschi et la décoration baroque à Naples », pp. 121-209), grâce à une couverture photographique exceptionnelle – près de 90 photos couleurs - et à un texte documenté, donne une épaisseur assez extraordinaire à l’artiste : nous tenons là l’œuvre du plus grand contemporain de Luca Giordano, dont l’héritage fut important pour Angelo et surtout Francesco Solimena et ses élèves, comme pour ceux de Luca Giordano : Matteis, Farelli et Tommaso Fasano2.

Le catalogue raisonné (pp. 231-346) pêche par un grave défaut : les photographies (noir et blanc) ne sont pas légendées. Ainsi, deux tableaux sur le thème des Deux Trinités sont analysés p. 272 (B2 et B3) ; lequel des deux est reproduit ? Après enquête c’est le B3 (celui de la coll. Lemme)3. Les renvois aux photos couleurs ne sont pas effectués : il faut du temps pour réaliser que le B3 en question est reproduit en couleur p. 103. De façon subtile, les auteurs ont tenu compte de la typologie de l’œuvre ; ainsi le catalogue raisonné est divisé en sous-chapitres : cycles décoratifs (p. 231), tableaux d’autel (p. 271), tableaux de collectionneurs ou de chevalet (p. 293) ; les études de têtes d’hommes ont été regroupées ; celles-ci durent être nombreuses : d’une Tête d’Apôtre (Musée de Macerata ; n° 37, p. 309), il en existe deux autres versions de qualité honorable dans les musées de Bordeaux et de Caen.

Pour conclure, deux regrets : dans la lignée de Jacob Bean et de Walter Witzthum qui ont écrit un article pionnier sur les dessins de cet artiste en 1961, on eut aimé lire un chapitre spécifique sur Beinaschi dessinateur qui n’est étudié qu’en cinq pages (pp. 37-42).
On peut par exemple attirer l’attention du lecteur sur un important dessin conservé au musée du Louvre (ill. 2) : consulter le tome II du corpus des dessins de Nicolas Poussin4 eut permis aux auteurs d’enrichir le corpus des dessins avec un Jacob découvre le puits dont l’eau abreuvait les brebis de Laban. Pour mesurer combien il reste encore de découvertes à faire sur l’œuvre peint de Beinaschi, il nous suffira de citer un important dessin de l’artiste, Le Déluge (Düsseldorf, Kunstmuseum), préparatoire à une fresque (ou à un tableau de chevalet) non documentée par son plus fidèle biographe, Bernardo de Dominici.
Quel regret aussi pour un lecteur français de constater que Mariette est à peine mentionné : Beinaschi a droit à une trentaine de lignes dans son Abecedario (T. I, pp. 108-109). Même si Mariette reste critique (« il n’a presque rien fait d’agréable… Il était fait pour les grandes machines et surtout pour les plafonds »), il apporte des renseignements importants au lecteur et connaisseur européen du milieu du XVIIIe siècle[[La base RETIF apporte elle aussi de nombreux renseignements dont les auteurs n’ont pas toujours tenu compte : un Saint François (Compiègne, musée Vivenel) ; un Moïse frappant le rocher (abbaye Sainte Marie du Mont des Cats, près de Lille) ; du Saint Ermite (musée de Lille), il existe une autre version au musée de Dijon ; Job raillé par sa femme (Bastia, église Saint Jean Baptiste) ; une Piéta (Libourne) ou un Saint Thomas de Villeneuve distribuant les aumônes (église paroissiale de Formentin).

De même le travail d’enquête dans diverses documentations parisiennes eut permis d’enrichir le corpus (nous donnons ces renseignements en précisant que les attributions n’ont pas été vérifiées) : une étude peinte pour un Abel ou un Damné (galerie Tarantino, novembre 2008) ; des tableaux dans diverses églises : Le Serpent d’airain, 135 x 185 cm, dans l’église de Chartrettes ; une Mort de Joseph (proche du tableau d’une collection anglaise, cat. B18) dans l’église Notre-Dame de Saint Omer ; deux tableaux déposés par l’église du Saint-Sépulcre d’Abbeville dans le musée de cette ville, Les Pélerins d’Emmaüs et L’incrédulité de Saint Thomas (260 x 200 cm) ; un Frappement du rocher chez Leegenhoek en 1966 ; ou un Triomphe de Bacchus (66 x 154 cm) sur le marché de l’art (vers 2000).

Vincenzo Pacelli et Francesco Petrucci, Giovanni Battista Beinaschi, Pittore barocco tra Roma et Napoli, Andreina et Valneo Budai editori, 2011, 400 p., 160 €. ISBN : 9789788890492.

 

 

Arnauld Brejon de Lavergnée, jeudi 17 novembre 2011

 


Notes

1Seicento, le siècle de Caravage dans les collections françaises, Paris, 1988-1989, p. 128.

2V.P., p. 209.

3Une seule remarque sur le catalogue. L’œuvre Les deux Trinités, est connue en deux exemplaires (n° B1 et B2, p. 272) ; le tableau B2 (non reproduit) me semble de qualité nettement supérieure à celui de la collection Lemme (B3).

4Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat, Nicolas Poussin, 1594-1665. Catalogue raisonné des dessins, Milan, 1994, n° R 846.

http://www.latribunedelart.com/giovanni-battista-beinaschi-1636-1688

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