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Catégories : A lire, Blake William, CE QUE J'AIME/QUI M'INTERESSE, CEUX QUE J'AIME

Blake et la traversée des apparences

william blake ou l'infini

Une plongée au cœur de la vie et de la création du grand visionnaire anglais, peintre et poète, William Blake.

 

26/2/14 - 11 H 23

Dans ses monographies, Christine Jordis a le plus souvent suivi un héros cherchant la liberté dans un ailleurs improbable – du côté de l’ascèse, avec Gandhi, ou du désert, avec le P. de Foucauld ou T.E. Lawrence. Plus intraitable que les autres dans sa révolte contre les institutions, contre le culte de l’argent dans une Angleterre bouleversée par la révolution industrielle, William Blake, lui, est allé plus loin encore dans l’exploration de ses mondes intérieurs, rendus accessibles par sa force créatrice. 

Reconnu par ses pairs, écrivains – Coleridge, Wordsworth – ou peintres – Constable, Fuseli –, mais souvent regardé avec méfiance par ses proches qu’effrayaient ses dons de visionnaire et qui le prenaient pour un fou, Blake tenta, tout au long de son existence (1757-1827) de fixer dans son œuvre de peintre, de graveur et de poète les apparitions et les fulgurances qui le hantaient. Christine Jordis retrace les étapes de sa formation, les premières années dans l’échoppe de bonneterie de son père, au cœur d’un Londres pauvre et violent, l’adolescence privée d’études mais nourrie des grands textes. 

Très tôt il lut les Écritures, Platon, Shakespeare, Milton, et fut le familier des textes mystiques ou ésotériques tels que les gnostiques et surtout Swedenborg (1688-1772). Assailli par des visions dès la plus tendre enfance, Blake pensa toujours que ces sortes de visitations étaient sa seule véritable richesse. L’étude de Christine Jordis est ainsi une biographie intérieure, au plus près du mystère de la création artistique. Le ressort caché de l’art de Blake, c’est la violence du désir, l’élan vers la joie et la vraie vie par-delà les limites imposées par la société ou les lois, une vie dont il voyait le reflet et fixait les vertiges dans les compositions hallucinées de ses dessins ou gravures et de ses textes prophétiques et épiques.

Si Blake bouleversa la langue poétique anglaise, c’est par l’entrechoc des univers violents et apocalyptiques qu’il captait, comme dans Le Livre d’Urizen où il veut saisir la Création, celle du monde et celle du poème, ce qui faisait dire à Bachelard dans La Terre et les Rêveries de la volonté qu’il est «un des rares exemples de cette imagination absolue qui commande aux matières, aux forces, aux formes». 

Et sa biographe suit, dans un quotidien précaire et même pauvre, le cheminement spirituel de Blake, d’une révolte contre une religion qui ne serait pas «naturelle» à l’élaboration de sa symbolique à travers des thèmes ou des personnages tels que la Chute, la destruction, Job, la lutte entre Dieu et Satan, le mariage du Ciel et de l’Enfer. En octobre 1804, après une vingtaine d’années qu’il juge pourtant «sombres et profitables», il est frappé à nouveau par une illumination qui lui rend, écrit-il à un ami, l’ivresse intellectuelle de sa jeunesse, de l’époque où il était en relation avec l’Invisible.

C’est alors qu’il revient à la Bible qui restera sa référence essentielle, du côté de la foi et non plus d’une simple mythologie, et qu’il redécouvre le Christ. Les figures qui le fascinaient depuis longtemps réapparaissent avec plus de force dans ses textes majeurs, Milton, Jérusalem, ainsi que dans ses gravures, La Résurrection ou L’Ange de la Révélation, ou ses illustrations de La Divine Comédie. Les derniers temps de sa vie sont éclairés par les grandes figures qui le visitent quelques instants – Moïse, David, Hérode – et dont il restitue le visage dans ses ultimes dessins nocturnes.

 

Francine de Martinoir

 

 

 

 

26/2/14 - 11 H 23

http://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Blake-et-la-traversee-des-apparences-2014-02-26-1112376

 

 

 

 

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