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Gastronomie : 30 trentenaires qui comptent

 

Florent Ladeyn, dans son retaurant Le Ver Mont à Boeschepe (59).

Florent Ladeyn, dans son retaurant Le Ver Mont à Boeschepe (59). Crédits photo : Stéphane MORTAGNE. /PHOTOPQR/VOIX DU NORD

Après le Michelin et quelques semaines avant le Bocuse d'or à Stockholm, gros plan sur la génération montante.

À Pujaudran dans le Gers, Émilie et Étienne Gavanier, 35 ans, ont le vent en poupe. Leurs grands crus torréfiés sur place, dont l'Absolu, un pur arabica, rond aux notes de noisette, sont plébiscités par tous les étoilés de Midi-Pyrénées. «Nous sommes un couple d'ingénieurs agricoles issus du vin, explique Émilie. Nous nous sommes lancés il y a sept ans et avons pu embaucher cinq personnes.» Et de citer spontanément parmi leurs clients Sylvain Joffre, 32 ans, et son second, Jérôme Servat, 28 ans. Leur cuisine à base de produits régionaux (herbes et fleurs comprises) fait de telles étincelles dans leur restaurant, En Pleine Nature, à Quint-Fonsegrives près de Toulouse, qu'ils viennent, sans surprise, de décrocher leur première étoile.

Réseaux, cooptations, mutualisation et entraide… les trentenaires nouveau genre ne se la jouent pas perso. À Paris, des liens d'amitié existent entre des chefs comme Bertrand Grébaut (Septime) et Sven Chartier (Saturne), anciens juniors de chez Passard passés dans la cour des nouveaux grands et proches de leur cuisinier fétiche, Inaki Aizpitarte (Le Chateaubriand). Les grands-messes du Fooding et d'Omnivore dans les capitales européennes participent aussi de cette émulation gastronomique.

À l'affût des tendances internationales, ils n'hésitent pas à les importer, voire à en lancer. Cuisine druidique du Nord, raw food, ils se nourrissent tous des mêmes particules alimentaires. Une proximité généreuse qui existait à l'âge d'or de la cuisine française, dans les années 1960-1970, entre les Bocuse, Chapel, Guérard, Vergé, Troisgros (voir le formidable Mémoires de chefs, de Nicolas Chatenier), et que les générations suivantes ont eu tendance à oublier, entre querelles d'ego et crispations de carrières.

Étonnamment, c'est du côté des pâtissiers qu'est venu, il y a une petite dizaine d'années, ce nouveau souffle confraternel. Très précisément des deux Christophe (Michalak et Adam), à l'époque au Plaza et chez Fauchon, et grands copains dans la vie. Ensemble, ils décidèrent de créer le Club des Sucrés, avec d'autres stars de la profession, également à la manœuvre dans des palaces et grandes maisons. Le but? Se lancer d'amicaux défis, comparer leurs créations, échanger conseils et tours de mains. Presque quadras aujourd'hui, ils agrègent encore à leur bande de nouveaux électrons, magnétisés par ces challenges solaires.

Du local et de l'international

Ce sont aussi des entrepreneurs qui osent prendre des risques. À 33 ans, le maestro du sucré Camille Lesecq, ex-Crillon, ex-Meurice, a quitté les palaces internationaux. Avec son «maître» et désormais associé Christophe Felder, il a investi 700.000 euros dans l'acquisition de la pâtisserie OPpé à Mutzig, un charmant village dans le Bas-Rhin. Les amateurs de douceurs viennent de loin pour la fondante, gâteau au kirsch et aux amandes, et la tarte soufflée citron meringuée, réputée très légère et parfumée. Comme tous nos autres coups de cœur, Camille Lesecq a la passion des produits de qualité. Il est naturellement locavore, à l'instar de nombreux chefs de sa génération. Chez lui, les griottes viennent du verger voisin. Quant aux groseilles, mirabelles, quetsches et rhubarbe, elles lui sont livrées directement par des petits producteurs locaux. «J'ai les produits les plus frais possible, sans intermédiaire, et je sais exactement comment ils ont été cultivés.»

Dans le business des foodtrucks, ces camions où l'on s'achète de quoi manger sur le pouce, les jeunes femmes sont particulièrement présentes. Nathalie N'Guyen, 25 ans, ancienne graphiste passée par «MasterChef», sert des bobuns dans son camion Bol et vient d'ouvrir My Crazy Pop, le premier pop-corn store de France (à Paris, dans le XIe arrondissement). À 33 ans, Kristin Frederick croule sous les idées. Elle fait un malheur avec ses burgers servis au Camion qui Fume et vient en outre d'inventer un nouveau concept mondial: le pop-corn bar. Après un test réussi dans le multiplexe de Luc Besson, à Aéroville, au nord de Paris, où l'on peut déguster son maïs soufflé à la truffe fait minute, elle rêve de décliner l'idée dans tous les cinémas de l'Hexagone. Voire de l'exporter aux États-Unis. En attendant, elle planche déjà sur un autre projet qui devrait bousculer la streetfood: transformer de vieux kiosques parisiens en crêperies haut de gamme.


Gourmets et connectés

Sur le blog, Lucie de la Héronnière et Mélanie Guéret revisitent les marques cultes de la grande distribution, sans colorants ni additifs.

Sur le blog, Lucie de la Héronnière et Mélanie Guéret revisitent les marques cultes de la grande distribution, sans colorants ni additifs. Crédits photo : Guillaume Langlais

Cela n'a échappé à personne: smartphone dans une main, fourchette dans l'autre, les «foodies» se sont transformés en véritables photoreporters. Et Cyril Benhamou (30 ans) n'est sans doute pas étranger au phénomène. C'est lui qui, il y a trois ans, avec ses camarades Marc Lebel (30 ans) et John Karp (31 ans), a lancé le premier site français de partage de photos culinaires, doublé d'une application mobile: Food Reporter. Sitôt dans la boîte, la prise de vue est mise en ligne sur le site, mais également sur Facebook et Twitter. «Notre start-up n'aurait jamais pu voir le jour sans les réseaux sociaux, confie le «CEO» Cyril Benhamou. Chaque photo publiée sur votre profil crée un effet boule de neige.» Le site répertorie aujourd'hui deux millions de clichés, soit le double de l'an dernier, et compte s'implanter sur au Royaume-Uni et en Allemagne.

Geoffrey La Rocca (27 ans) s'était fait remarquer en créant un média pure player couvrant tous les déplacements de Nicolas Sarkozy pendant la campagne de 2007: ElyseeInside.fr. Ce petit génie du Web compte désormais faire de Madeleine Market, son épicerie de luxe (truffes, foie gras, caviar, jambons ibériques…) en ligne, lancée il y a un peu plus d'un an, un leader européen d'ici à 2015.

Quant au site Cookening lancé en mai 2013, il propose de réunir becs fins et cordons bleus anonymes: après paiement sécurisé, les invités s'attablent ainsi chez l'habitant et entament la conversation autour de petits plats maison. «Être connecté, c'est surtout une manière plus simple de faire des rencontres dans la vie réelle», explique Cédric Giorgi (30 ans). Le jeune entrepreneur à l'origine du site n'en est pas à son premier fait d'armes informatique: en 2010, il avait déjà participé au lancement du «curateur» d'actu en ligne Scoop.it.

À travers Geek & Food, le Lyonnais Quentin Caillot (27 ans) affirme de son côté une vision décomplexée de la cuisine, toujours à l'affût des tendances culinaires les plus pointues et des produits les plus improbables. Récemment, le site publiait ainsi un article sur le «cronut», étrange croisement du croissant et du donut, lancé il y a peu à New York par le pâtissier français Dominique Ansel…

Mais question sucreries, on avoue tout de même un faible pour le blog de La Super Supérette orchestré par Lucie de la Héronnière (journaliste de 26 ans) et Mélanie Guéret (graphiste de 28 ans). Chaque semaine, les deux copines revisitent elles-mêmes (sans colorants ni additifs, donc) un produit culte de la grande distribution: le cake Savane devient «Le Sauvage», les Kinder Surprise deviennent «Les Surprenants» et, notre préféré, le cake Vandame rebaptisé «Le Jean-Claude».


Les sourceurs d'exception

Alexandre Drouard et Samuel Nahon, duo de limiers à la recherche de produits de qualité, ont créé Terroirs d'avenir.

Alexandre Drouard et Samuel Nahon, duo de limiers à la recherche de produits de qualité, ont créé Terroirs d'avenir. Crédits photo : Sébastien SORIANO/Le Figaro

La nouvelle scène gastronomique se fédère autour de jeunes chefs qui partagent une vision commune du produit. Conscience environnementale, sensibilité aux circuits courts qui garantissent la fraîcheur et les qualités nutritionnelles des aliments, souci de la saisonnalité… Autant d'éléments qui poussent les cuisiniers à se rapprocher de leurs fournisseurs. Les produits sont désormais à l'épicentre de cette cuisine plus que jamais nature, mais encore faut-il en dénicher les meilleurs.

D'où le rôle des «sourceurs», ces chercheurs de trésors qui parcourent la France à la recherche de variétés anciennes de fruits et légumes, de races à viande tombées en désuétude, de volailles au pedigree distingué. Un métier pas forcément repéré par Pôle emploi mais qui a un impact considérable sur notre assiette! Chefs de file de ces trentenaires sourceurs: Alexandre Drouard (30 ans) et Samuel Nahon (29 ans), le duo de Terroirs d'avenir. En 2009, ces anciens condisciples d'école de commerce, membres de Slow Food, créent leur société pour jouer les intermédiaires entre les petits producteurs locaux et des bistrots de plus en plus perméables à cette nouvelle consommation responsable. Ils brassent large, du bistronomique (Saturne, Septime, Le Baratin…) au triple-étoilé comme Yannick Alléno. Ce dernier, à l'époque encore au Meurice, peaufine avec eux son menu Terroir Parisien, qui servira de prémices à ses futurs bistrots. En décembre 2012, ils ouvrent leur première boutique de primeurs à Paris (rue du Nil, dans le IIe arrondissement), suivie peu après d'une boucherie et d'une poissonnerie.

Autre personnalité totalement atypique dans cette nouvelle génération de têtes chercheuses, David Akpamagbo, 29 ans, diplômé de HEC et producteur-éleveur de bovins. Depuis son exploitation du Ponclet (Finistère), il parcourt l'Hexagone pour découvrir les meilleures races de vaches laitières et ainsi fournir aux restaurants et aux particuliers le nec plus ultra du beurre et de la viande. Il aime se situer dans une dynamique du vivant et rappeler qu'il n'est enfermé ni dans une race ni dans une identité ou un terroir, mais qu'il cherche l'exceptionnel. Son beurre fermier au lait cru et ses viandes sont déjà présents chez Lasserre, Michel Rostang ou Philippe Labbé.


Chefs, la relève assurée

Julien Dumas, nouveau patron de brigade au Lucas Carton, place de la Madeleine (Paris VIIIe).

Julien Dumas, nouveau patron de brigade au Lucas Carton, place de la Madeleine (Paris VIIIe). Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/Le Figaro

Un jour, son tour viendra. Place de la Madeleine, la nouvelle carte du Lucas Carton est toujours signée par Alain Senderens, sous contrat avec le restaurant jusqu'à ses 76 printemps en 2016. Une coquetterie. Depuis janvier, le vénérable chef fait des essais avec un blond du genre discret: Julien Dumas, le nouveau patron de la brigade. «C'est un garçon très bien, complimente Senderens. Ensemble, nous avons imaginé un carpaccio de daurade grise sur le modèle du tigre qui pleure, un canard Apicius au porto avec des figues et de la réglisse ou encore un chèvre servi avec une crème d'amandes et du champagne.» Et Nathalie Vranken, la propriétaire des lieux de commenter: «Julien Dumas passé chez Rech d'Alain Ducasse est un spécialiste du poisson. Avec Alain très tourné vers la cuisine asiatique, la combinaison est intéressante.»

Né à Grenoble en 1979, Julien Dumas est un self-made cordon-bleu: il ne connaissait personne dans la restauration. «Mais j'allais souvent voir mon parrain qui tenait un hôtel à Carnac. C'est là que j'ai découvert le poisson. Dès l'âge de 11 ans, j'adorais manger. Le McDo, je ne pouvais pas trop…» Sorti de l'école hôtelière de sa ville natale, il a fait ses armes à la Réserve de Beaulieu puis chez Ducasse et Piège avant de rejoindre Senderens.

Stéphanie Le Quellec, chef du restaurant La Scène à l'Hôtel Prince de Galles  (Paris VIIIe).

Stéphanie Le Quellec, chef du restaurant La Scène à l'Hôtel Prince de Galles  (Paris VIIIe). Crédits photo : VALERIE LHOMME/Madame Figaro

On lui souhaite le même parcours fulgurant qu'Akrame Benallal. À 32 ans, et trois ans seulement après l'ouverture de sa table éponyme (Akrame) à Paris, ce chef d'origine algérienne vient de décrocher son deuxième macaron ­grâce à des plats signatures comme son ris de veau, avocat, tacos et son homard au chocolat blanc et au radis daïkon. Lui non plus ne venait pas du milieu des casseroles. Sa mère, Luisa, est une ­excellente cuisinière, il regardait Maïté à la télé et il a travaillé dur pour faire ses gammes notamment auprès de Pierre Gagnaire, «son deuxième papa». Un perfectionniste tout comme Julien ­Tongourian, 32 ans. Formé par Yannick Alléno au Meurice, ce discret chef de cuisine est l'étoile montante du groupe de Joël Robuchon. D'autres se révèlent beaucoup plus médiatiques. Romain Tischenko, qui avait remporté l'édition 2010 de «Top Chef» et fait ses armes chez William Ledeuil (Ze Kitchen Galerie), a pu ouvrir à 26 ans son propre bistrot, Le Galopin, dans l'est de la capitale.

Audrey Jacquier, 22 ans, aux fourneaux du Vivarais (Lyon IIe), est en course  pour les Bocuse d'or.

Audrey Jacquier, 22 ans, aux fourneaux du Vivarais (Lyon IIe), est en course  pour les Bocuse d'or. Crédits photo : LE FOTOGRAPHE

Plus fort encore, deux autres ex-candidats de la même émission viennent de se voir décerner leur première étoile. Stéphanie Le Quellec (gagnante 2011) dont la cuisine épurée fait le bonheur des clients du Prince-de-Galles, et le Chti Florent Ladeyn (finaliste en 2013) qui a ouvert son second restaurant à Lille. Thibault Sombardier, 28 ans, possède, lui, déjà son macaron mais il rêve d'ouvrir son propre restaurant. Pour y arriver plus vite, ce chef spécialisé dans le poisson participe à la saison 5 de «Top Chef» sur M6. Pour l'instant, il n'a pas encore été éliminé. À Pau, Yuri Nagaya, 37 ans, a vu sa notoriété exploser en étant couronnée du prix Fooding de la meilleure cuisinière 2014 pour ses plats fusions de haute volée.

Oscar Garcia, La maison d'Uzès (30),  est le plus jeune étoilé de la dernière promotion Michelin.

Oscar Garcia, La maison d'Uzès (30),  est le plus jeune étoilé de la dernière promotion Michelin. Crédits photo : Lefrancq G. / Andia.fr

À Lyon, on parle beaucoup de Grégoire Baratier, 27 ans, chef du Jean Moulin et membre du cercle très fermé des Toques Blanches. Tabata Bonardi, Brésilienne de 35 ans et ex-candidate pétulante de «Top Chef» 2012, est, depuis cet automne, aux commandes du restaurant Marguerite. C'est la première femme à diriger une adresse de Monsieur Paul (Bocuse). Aux fourneaux du Vivarais et en lice pour les Bocuse d'or, Audrey Jacquier, 22 ans, est la plus jeune de notre sélection et surtout l'une des rares femmes. Les profiteroles de volaille, les rognons et la tête de veau sont quelques-unes de ses spécialités. Quant à Oscar Garcia, à La Table d'Uzès, il est à 25 ans le plus jeune étoilé de la dernière promotion Michelin.

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