Recueil de poèmes en hommage aux deux auteurs
Cecilia Bartoli, une Desdémone toutes griffes dehors
Cecilia Bartoli en mai 2013, à Salzbourg. (AFP)
Absente des Opéras français depuis 1990, la soprano a illuminé l’«Otello»de Rossini, lundi à Paris.
Le festival Rossini proposé par le Théâtre des Champs-Elysées s’est ouvert en fanfare, lundi soir, en accueillant la production signée Patrice Caurier et Moshe Leiser, pour l’Opéra de Zurich, de l’Otello de Rossini. L’œuvre est peu donnée, car difficile à distribuer vocalement, avec ses trois ténors à la couleur et au style différents dans les rôles d’Otello, Rodrigo et Iago. Mais cet Otello marque surtout le retour de Cecilia Bartoli dans une production scénique à Paris, vingt-quatre ans après sa dernière apparition dans les Noces de Figaro, à l’Opéra-Bastille. Seule différence avec la production présentée à Zurich et qui vient d’être publiée en DVD, le chef et l’orchestre, remplacés, avenue Montaigne, par Jean-Christophe Spinosi et son Ensemble Mattheus.
Passion. Ceux qui ont encore à l’oreille le Rossini d’un Claudio Abbado risquent de s’évanouir dès l’ouverture tant l’Ensemble Mattheus, qui joue sur instruments anciens, sonne court, rythmiquement brouillon et faux. Mais c’est le choix de Cecilia Bartoli, autant pour des raisons musicologiques que pratiques, sa voix d’une puissance relative ayant du mal à s’imposer avec des orchestres plus lourds jouant sur instruments modernes. Si le diapason à 430 Hz peut excuser l’intonation fluctuante des hautbois, cor ou flûte, on s’explique moins les décalages rythmiques permanents, hormis lorsque Cecilia Bartoli chante et que l’orchestre se cale subitement sur sa pulsation.
Malgré la distribution soignée, les contre-ré sonores de John Osborn (Otello), l’émission souple, le timbre doré et l’articulation élégante d’Edgardo Rocha (Rodrigo), et l’Emilia stylée de Liliana Nikiteanu, il n’est pas exagéré de dire que la performance vocale et dramatique de Cecilia Bartoli en Desdémone fait littéralement décoller cet Otello qui, sans elle, serait ennuyeux à mourir. Dans la robe noire que lui a dessinée Agostino Cavalca et les lumières magnifiques de Christophe Forey, ses éclats de passion ou de détresse, servis par un art consommé de la colorature, du legato et du pianissimo, aimantent l’ouïe et l’œil instantanément.
Grâce. Les spectateurs de la première ont fait un triomphe à cet Otello ainsi qu’à sa distribution, mais ont hué le chef et les metteurs en scène, malgré de belles trouvailles, comme l’air du saule accompagné non d’une harpe mais d’un tourne-disque : un moment de pure grâce, à l’égal du Piangero la sorte mia que Bartoli offrit il y a deux ans dans le Giulio Cesare de Haendel à Salzbourg.
Le festival Rossini se poursuit jusqu’en juin avec deux autres productions scéniques (le Barbier de Séville et Tancrède) où s’illustreront les excellentes Marie-Nicole Lemieux et Patricia Ciofi, et deux opéras en version de concert, l’Italienne à Alger et la beaucoup plus rare Echelle de soie.
Otello de Rossini Théâtre des Champs-Elysées, 15, avenue Montaigne, 75008. Jusqu’au 17 avril. Rens. : 01 49 52 50 50 ou www.theatrechampselysees.fr