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Le vertige danois de Paul Gauguin




 Le vertige danois de Paul Gauguin

 

Bertrand LECLAIR

Contraint de rejoindre sa femme et leurs cinq enfants à Copenhague, en novembre 1884, Gauguin n'est pas encore Gauguin, mais il le devient, confronté à l'hostilité qu'il génère. Au long d'une enquête tourbillonnante, Bertrand Leclair restitue le vertige d'un homme déchiré, incapable de renoncer à sa fascination pour la peinture.

"D’un côté, une oeuvre résolument incarnée, à la lumière profuse, dont Mallarmé peut-être a le mieux formulé la puissance : « Il est extraordinaire qu’on puisse mettre tant de mystère dans tant d’éclat. »

De l’autre côté, la légende du peintre des tropiques, qu’elle soit noire ou dorée (l’homme qui a tout sacrifié à la libération de l’art versus l’homme qui a lâchement abandonné ses cinq enfants), légende d’autant plus encombrante qu’elle se trame au plus serré avec la vérité d’une oeuvre façonnée par les incessants combats du peintre.

Entre les deux, quelque chose qui résiste, échappe au discours critique ou biographique, cela même qui anime autant les toiles que la longue lutte d’un autodidacte décidé à conquérir « le droit de tout oser » au nom de « la peinture », ce qu’il nomme « la peinture » comme d’autres en appelleraient à « la littérature », sinon à « Dieu » ou au visage qu’il en reste, au creux de nos vies.

Si le roman est bien l’instrument de connaissance que je crois qu’il est, lui seul pouvait araser la légende au présent de la narration pour retrouver du réel, jeter des ponts sur le vide biographique et saisir le moment de bascule décisif qui se joue à Copenhague, au printemps 1885. Gauguin y peint son tout premier autoportrait, celui d’un bourgeois en faillite, tétanisé par la peur de perdre ses enfants, mais incapable de renoncer à la peinture comme l’exige son entourage. Étranglé, enragé, l’ancien courtier en bourse est en train de devenir Gauguin, sur la toile et sous nos yeux. L’oeuvre se construira contre, désormais, contre la belle-famille danoise, la critique, les marchands, le monde entier s’il le faut : contre, c’est-à-dire tout contre, aussi bien, pour enfin parvenir à toucher l’autre. Parce que la peinture est amour, malgré tout – c’est bien pourquoi ce qui anime ce combat ancré dans son époque reste d’une actualité vivace. Disons dès lors qu’il s’agirait d’en partager le vertige, ici, et maintenant."

B. L.

http://www.actes-sud.fr/catalogue/litterature/le-vertige-danois-de-paul-gauguin

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